C’est ce qui s’appelle jeter un pavé dans la mare. Tandis que le président de la Confédération Guy Parmelin appelait depuis Lausanne à l’union sacrée lors des célébrations de la Fête nationale, Marco Chiesa, le président de son propre parti, l’UDC, a dézingué «les villes de gauche» qui mènent des «politiques parasites» dans son discours filmé du 1er août.
Une déclaration de guerre qui a indigné jusqu’au sein du parti conservateur. Surfer sur le clivage ville-campagne en vue des élections fédérales de 2023 est un pari extrêmement risqué, estiment plusieurs élus UDC urbains.
Le conseiller national vaudois Michaël Buffat, qui brigue un siège au Conseil d’Etat, révélait «24 heures», a un profil hybride. Ce fils de paysan aujourd’hui responsable d’une agence bancaire dans l’Ouest lausannois considère être le meilleur pour synthétiser la réalité vaudoise, un arc lémanique urbanisé et un arrière-pays campagnard. Il est en outre le parlementaire le plus à droite de la députation vaudoise à Berne, selon le rating Sotomo. Alors, veut-il aussi s’attaquer aux villes roses-vertes importantes en terres vaudoises au risque de se prendre une gifle électorale en mars 2022? Interview.
Partagez-vous les propos polémiques de Marco Chiesa?
Sur la forme, je n’aurais pas utilisé les mêmes expressions. Sur le fond, il a parfaitement raison. Les politiques menées par les municipalités roses-vertes créent un fossé au sein de la population. Marco Chiesa fait donc bien de tirer la sonnette d’alarme. Prenez par exemple la thématique de la mobilité. Dans les villes de gauche, on fait tout pour restreindre la mobilité individuelle et donc la voiture. On supprime les places de parc, on parle parfois de péages urbains. Cela cause une tension entre les villes et la campagne car ceux qui vivent en périphérie ont plus de difficultés à accéder aux centres urbains. Et c’est aussi un problème pour les commerçants. Lausanne, par exemple, fait tout pour décourager la voiture au centre-ville mais se plaint en même temps du commerce en ligne qui explose au détriment de nos petits commerçants. C’est absurde.
Opposer les Suisses des villes et des campagnes lors de la Fête nationale alors que les discours sont d’ordinaire rassembleurs, voire lénifiants: l’UDC, visiblement en rupture, veut-elle diviser pour tenter de mieux régner?
Ce ne sont pas Marco Chiesa ou l’UDC qui divisent mais les politiques de gauche. Il fait un simple constat et prononce un discours courageux de président. À l’UDC, on dit les choses clairement, telles qu’elles sont.
Justement. Affirmer, comme l’a fait Marco Chiesa, que les villes vivent au crochet des campagnes est faux. Au contraire, Zurich ou Genève financent largement des cantons ruraux ou alpins.
Il ne faut pas mélanger cantons et villes. Genève est une ville-canton, la situation est donc différente. Le calcul de la péréquation est plus complexe et je ne pense pas qu’on parle de cela. J’imagine que Marco Chiesa faisait par exemple allusion au projet de loi Co₂, où les gens des villes souhaitaient mettre une taxe qui aurait plutôt impacté la mobilité et le porte-monnaie des gens qui habitent dans les campagnes. Ces derniers sont loin des transports publics et n’ont pas d’autre choix que d’utiliser une voiture.
L’UDC a avoué que cette attaque en règle contre les villes était une stratégie en vue des élections fédérales de 2023. Il y a même un responsable officiel du dossier. Est-ce que l’UDC romande souscrit à cette stratégie?
Je pense qu’on va soutenir la stratégie sur le fond. Après, comme toujours, il y aura des divergences sur la forme. Nous, les Romands, nous allons aussi dénoncer les mauvaises politiques qui sont menées dans les villes et partout ailleurs. Nous voulons mettre fin à la politique des Verts ou des socialistes qui chercheraient à nuire à la Suisse.
Aviez-vous connaissance du plan de Marco Chiesa? Et de son discours?
Je l’ai découvert comme vous. Mais je ne suis pas surpris (rires). Attaquer la gauche, ce n’est pas quelque chose de nouveau ou de choquant pour moi.
Vous voulez accéder au conseil d’Etat dans un canton où le poids électoral des villes est fondamental. En vous mettant à dos cette partie de la population, ne craignez-vous pas de faire un score misérable?
Non, non. Nous ne menons pas campagne contre les citoyens qui habitent dans les villes. Nous ciblons les autorités. Et j’espère que bon nombre des citadins ne se reconnaissent pas dans les politiques défendues par ces Municipalités roses-vertes. À titre personnel, je peux affirmer aujourd’hui que je vais m’adresser à tous les Vaudois et à toutes les Vaudoises, indépendamment de leur lieu de domicile. Je ne veux pas liguer une zone géographique contre une autre.
Autour de quelles thématiques comptez-vous rassembler cette population?
La formation, la sécurité et les thèmes fiscaux. Sur l’imposition des personnes physiques, par exemple, il y a énormément à faire. Le Canton revient de loin, mais il est maintenant temps qu’il rende ce qu’il ponctionne en trop à la population. Sa santé financière est excellente, pourtant il perd de l’attractivité. Je compte bien m’y intéresser.