L'OFCOM conseille la SSR pour traiter avec le ministre des médias Albert Rösti
Des courriers entre Bernard Maissen et Gilles Marchand révèlent leur proximité

L'Office fédéral de la communication (OFCOM) a pour mission de surveiller la SSR de près. Or, des courriels révèlent que son fonctionnaire en chef, Bernard Maissen, entretient une certaine proximité avec le patron de la SSR, Gilles Marchand.
Publié: 18.09.2023 à 13:44 heures
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Dernière mise à jour: 18.09.2023 à 14:31 heures
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10 février 2023: le directeur de l'OFCOM Bernard Maissen donne des conseils au directeur général de la SSR Gilles Marchand en vue d'une rencontre avec le nouveau ministre des médias Albert Rösti.
Photo: Zvg
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Thomas Schlittler

La SSR est sous pression. Avec sa récente «initiative de réduction de moitié», l'UDC veut réduire massivement les moyens alloués au groupe de médias public. La redevance par ménage doit passer de 335 à 200 francs par an. Celle pour les entreprises doit même disparaître complètement. Si le projet est accepté, ce sera un tournant pour la SSR. La nervosité est donc à son maximum à Leutschenbach, au siège social de la SSR à Zurich.

Mais il y a autre chose qui alimente cette nervosité: Albert Rösti, qui est à la tête du Département de l'environnement, des transports, de l'énergie et de la communication (DETEC) depuis le début de l'année, est un vrai critique de la SSR. Jusqu'à son élection au Conseil fédéral, l'élu UDC était membre du comité anti-SRG.

Le nouveau ministre des Médias a donné un premier point d'exclamation fin avril: il a convaincu le Conseil fédéral de suspendre jusqu'à nouvel ordre les travaux relatifs à une nouvelle concession SSR – mandatés par le gouvernement national six mois plus tôt seulement. En lieu et place, l'Office fédéral de la communication (OFCOM) a été chargé de présenter une «vue d'ensemble» de la SSR.

La condition préalable à une «vue d'ensemble» impartiale serait une distance professionnelle entre l'OFCOM et la SSR. En fait, cela va de soi, puisque l'OFCOM est l'autorité de surveillance de la SSR. Les responsables de Leutschenbach, dirigés par le directeur général Gilles Marchand, soulignent également à quel point l'OFCOM les surveille de près.

Amical plutôt que distant

Mais les deux acteurs ne sont pas vraiment ennemis. Les e-mails que Blick a reçus en vertu de la loi sur la transparence montrent que Gilles Marchand entretient des relations extrêmement amicales avec le directeur de l'OFCOM Bernard Maissen. Les deux semblent surtout s'accorder sur la forme que doit prendre la future SSR.

Le 30 avril 2023 par exemple – quatre jours après que le Conseil fédéral a gelé les travaux sur la nouvelle concession SSR – Gilles Marchand envoie à Bernard Maissen un article sur les restrictions de croissance de la BBC britannique dans le domaine numérique et commente: «Ils sont confrontés aux mêmes problèmes que nous (...). La différence, c'est qu'une partie croissante du Parlement semble le reconnaître.»

Le chef de l'OFCOM répond alors: «Oui, la BBC a aussi quelques chantiers. En Suisse, nous nous en sortons encore bien jusqu'à présent avec les 'restrictions'. Espérons que cela reste ainsi jusqu'à ce que l'on comprenne ailleurs que l'avenir n'est pas dans la télévision classique.»

Les activités de la SSR en dehors de la télévision et de la radio analogiques sont politiquement très controversées. Dans ce contexte, la prise de position claire du chef de l'OFCOM est remarquable.

Quelques jours plus tard, le 11 mai, Gilles Marchand envoie à nouveau un mail: cette fois-ci, il s'agit d'une interpellation du conseiller national du centre Fabio Regazzi, qui s'interroge sur les recettes plus élevées de la SSR grâce aux redevances des entreprises. Le Conseil fédéral indique à Fabio Regazzi que le tarif de la redevance radio-télévision est fixé tous les deux ans et que l'on se penchera à nouveau sur cette question en 2024. «Cette consultation sera effectuée en coordination avec la vue d'ensemble sur la SSR.»

Gilles Marchand semble déstabilisé par la réponse du Conseil fédéral. Il souhaite que le directeur de l'OFCOM lui explique ce qu'il faut comprendre par «vue d'ensemble»: «Cher Bernard (...) S'agit-il ici d'évaluer des scénarios de contre-projet ou y a-t-il une autre intention?»

«Cher Gilles...»

Bernard Maissen le rassure: «Cher Gilles. Cela n'a à voir avec le contre-projet indirect. En 2024, il ne se passera très probablement rien du tout.» Même en amont d'une rencontre avec le Conseiller fédéral Albert Rösti, Gilles Marchand a reçu le soutien de son plus haut surveillant. Le 10 février, il a fait parvenir à Bernard Maissen «à titre d'information» une présentation sur la SSR destinée au nouveau ministre des Médias. Le chef de l'OFCOM a loué le «vade-mecum» comme étant «très bon et informatif» – et a donné des conseils pour la présentation: «Lors de l'entretien, je ne me focaliserais pas trop sur tout ce que vous avez déjà fait pour faire des économies, car il (ndlr: Albert Rösti) voudra probablement regarder davantage vers l'avenir.»

L'OFCOM n'y voit rien d'extraordinaire. «L'office prépare toujours ses réunions avec les personnes concernées», écrit le service de presse sur demande. Le retour d'information de Bernard Maissen sert «à une préparation ciblée» de la séance correspondante.

L'autorité précise en outre que Bernard Maissen n'a «aucun contact privé» avec Gilles Marchand: «Les deux se connaissent depuis l'époque où Bernard Maissen a travaillé pendant deux ans dans une fonction de cadre à la Radiotelevisiun Svizra Rumantscha (RTR). De plus, Bernard Maissen a été membre de la Commission fédérale des médias avec Gilles Marchand.»

Par ailleurs, Bernard Maissen – rédacteur en chef de l'Agence télégraphique suisse jusqu'à fin 2017 – connaît depuis longtemps la plupart des acteurs de la branche des médias, il est en contact régulier avec eux «dans le cadre de ses activités commerciales».

Selon lui, c'est une pratique courante en Suisse, où le monde est très petit.

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