L'industrie bientôt à genoux?
Les droits de douane de Trump sur l'acier font trembler l'économie suisse

Chez nous aussi, les droits de douane sur l'acier imposés par Donald Trump inquiètent. Si les exportations suisses ne sont pas concernées dans l'immédiat, les experts estiment que la guerre commerciale entre les Etats-Unis et l'Europe finira par nuire à notre économie.
Publié: 19:06 heures
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Le président américain Donald Trump veut imposer des droits de douane de 25% sur l'acier et l'aluminium.
Photo: imago/MediaPunch
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Christian Kolbe et Martin Schmidt

Les sidérurgistes tremblent. Et pour cause! Lors de son retour, Donald Trump a repris la recette de son premier mandat en imposant des taxes douanières de 25% sur les importations d'acier et d'aluminium «sans exceptions ni exemptions», comme il l'a souligné au moment de signer les décrets correspondants.

Selon les dires du président américain, ces taxes devraient entrer en vigueur le 12 mars prochain. Mais il ne faudra pas attendre cette échéance pour que l'incertitude se propage partout sur le globe. Du côté suisse, les conséquences pour les entreprises du pays devraient d'abord être limitées. La situation deviendra plus délicate lorsque les principaux partenaires commerciaux de la Suisse – l'Union européenne (UE) en première ligne – décideront de contre-attaquer.

Peu d'entreprises concernées

L'année dernière, la Suisse a exporté pour environ 80 millions de francs de produits en acier et en aluminium vers les Etats-Unis. Ce montant représente seulement 0,8% des 10 milliards de francs exportés vers le pays de l'Oncle Sam en 2024. «Pour l'industrie technique dans son ensemble, ce n'est pas encore dramatique», explique Jean-Philippe Kohl, vice-directeur et responsable de la politique économique chez Swissmem, l’association de l’industrie suisse des machines, des équipements électriques et des métaux. «Cela affectera tout au plus les aciéries et les entreprises d'aluminium du Valais, et éventuellement des fonderies.»

Même son de cloche chez Swiss Steel. Sollicitée par Blick, l'entreprise suisse active dans le secteur de la métallurgie répond: «L'exportation de produits en acier vers les Etats-Unis est gérable et concerne surtout des produits hautement spécialisés avec une bonne position sur le marché.» En d'autres termes, les clients américains pourraient être prêts à payer 25% plus cher pour de tels produits, simplement parce qu'ils ne font l'objet d'aucune concurrence.

«Les Etats-Unis représentaient environ 10% du chiffre d'affaires total de Swiss Steel Group en 2023, poursuit la firme. Une partie importante de nos produits destinés au marché américain est fabriquée sur place, dans notre usine de Chicago.» Autant de marchandises produites sur sol américain qui ne seront donc pas taxées.

Un poison pour l'économie mondiale

Ils n'empêche: les mesures décrétées par Trump génèrent une grande incertitude autour du marché de l'acier, qui revêt une importance stratégique considérable pour de nombreux secteurs industriels. Pendant le premier mandat de Trump, ce même marché avait été grandement déstabilisé, en raison notamment de la surproduction d'acier en Chine. Pour y faire face, l'UE avait augmenté les droits de douane sur les importations d'acier en provenance de pays tiers – comme la Chine ou... la Suisse.

Résultat des courses: l'entreprise suisse Stahl Gerlafingen avait dû fermer son aciérie dans le canton de Soleure et avait dû licencier 95 employés. «Toute cette guerre commerciale, ces nouveaux droits de douane, c'est un poison qui peut mettre toute l'économie mondiale à genoux», s'alarme Andreas Steffes, de l'association professionnelle Metal.Suisse.

Identique aux pays de l'Espace économique européen

Grâce à un travail considérable du Secrétariat d'Etat à l'économie (SECO), la Suisse n'est plus concernée par les mesures de protection de l'UE depuis l'été dernier. Mais le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche rabat les cartes. Pire, il fait planer le spectre d'un effondrement de la demande mondiale, ce qui serait terrible pour l'économie suisse.

Jean-Philippe Kohl de Swissmem n'est donc pas particulièrement optimiste pour la suite: «La Suisse risque d'être mise à mal en cas de guerre commerciale à grande échelle entre les Etats-Unis et l'Europe: 15% de nos exportations sont destinées aux Etats-Unis, 55% à l'UE.»

Vu les circonstances, le SECO doit se préparer une nouvelle fois à des négociations compliquées. «L'objectif pour la Suisse est d'obtenir le même statut que les pays de l'Espace économique européen vis-à-vis de l'UE», explique Jean-Philiphe Kohl. En effet, les pays de l'Espace économique européen (EEE) ne sont pas concernées par les hausses de droits de douane prononcées par l'UE.

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