Une méga-étude réalisée sur plus de 14 ans a mené près de 3000 hommes à tester la qualité de leur sperme en Suisse. Communiquée au public mercredi 1ᵉʳ novembre, elle en conclut qu'être accro à son téléphone appauvrit le nombre de spermatozoïdes dans le sperme. Plus ce nombre est bas, plus le temps nécessaire pour concevoir un enfant est long, et plus les chances de succès diminuent.
Exposés directement aux ondes
Les chercheurs de l'Université de Genève (Unige), derrière cette recherche, rempilent pour un tour de piste. Ils viennent d'être financés par l'Office fédéral de l'environnement (OFEV) et recherchent activement des participants. Les hommes intéressés doivent s'inscrire via un lien et télécharger une application.
Cette nouvelle étude vise à mesurer directement l'exposition aux ondes électromagnétiques, pour comprendre l'impact des rayonnements non ionisants sur la fertilité masculine. Les chercheurs s'intéresseront aussi à 'comment' les hommes utilisent leur portable: appels, navigation web, échanges de message – quel est leur rôle précis dans une potentielle baisse de fertilité?
3000 militaires
La précédente étude avait été menée via un questionnaire. Donc, n'avait pas exposé directement ses participants aux ondes. Elle représente «une série d’images à un temps T des années 2005-2018, confie à Blick la chercheuse Rita Rahban, Maître-assistante au Département de médecine génétique et développement de l'Unige. Avec une évolution technologique rapide, il est important de compléter notre recherche avec une étude récente.»
La recherche démarrée en 2005 avait rassemblé près de 3000 militaires suisses, âgés de 18 à 22 ans. Les jeunes hommes avaient fourni des questionnaires détaillés à l'Unige et à l'Institut tropical et de santé publique suisse (Swiss TPH). Ils concernaient «leur vie, leurs habitudes, leur consommation [du téléphone]». Les groupes étaient divisés en quatre fréquences d'utilisation du natel, allant de 1 à 5 fois par jour jusqu'à plus de 20 fois par jour.
Les résultats peuvent faire peur. «Le téléphone portable nuirait à la qualité du sperme», titre l'Unige pour présenter l'étude. Et même pire: plus on l'utilise, plus la qualité du sperme diminue. Mais tout le monde n'est-il pas accro à son mobile, en 2023? Le sperme des Suisses n'a-t-il plus aucune valeur?
Pas impossible, juste plus long
Il faut relativiser. Déjà, les ondes en elles-mêmes. Comme l'explique Rita Rahban, «les ondes non ionisantes ne sont pas considérées comme néfastes, mais elles peuvent avoir un impact». Il ne s'agit pas (encore) de vivre enveloppé dans du papier d'alu ou de déménager en Antarctique.
Ensuite, qu'entend-on par infertilité? L'Organisation mondiale de la santé (OMS) la définit comme «l'incapacité de concevoir un enfant après une année de rapports sexuels non protégés». En termes de concentration de spermatozoïdes, l'OMS considère qu'en dessous de 15 millions par millilitre, un homme est «infertile».
La chercheuse de l'Unige nuance. «Cela ne veut pas dire qu'un homme dans cette situation ne peut pas concevoir, mais qu’en moyenne ce dernier mettra plus de temps.» En gros, plus la concentration est faible, plus le temps se rallonge.
La technologie aide
Ensuite, les évolutions technologiques aident. Au début de l'étude dans les circonscriptions militaires, les téléphones marchaient avec la 2G puis la 3G. La corrélation entre utilisation du portable et fertilité en berne était plus prononcée. La 4G a entraîné une baisse de la puissance d'émission des téléphones, explique Martin Röösli, professeur associé au Swiss TPH.
En enfin, pour éviter la psychose, un peu de bon sens est toujours utile. Un aliment ou une habitude néfaste pour la santé a de grandes chances d'être aussi néfaste pour la fertilité, comme pour... tout le reste.
À l'image de l'alcool et du tabac, cités dans l'étude comme des facteurs qui pourraient diminuer la qualité du sperme. «On conseille aux gens qui veulent concevoir d'adopter un mode de vie sain. Mais l'alcool et le tabac ont un effet néfaste sur la santé un général, et des effets plus graves encore sur d'autres aspects de la santé, indique Rita Rahban. Par exemple, l'impact du tabac sur le cancer du poumon est plus important que sur la fertilité.»