C'était apparemment trop beau pour être vrai. Lorsque les porteurs d'un projet de cargos souterrains présentent leur mégaprojet pour la première fois en 2016, les politiques sont enthousiastes.
Ce tunnel, allant du Léman au lac de Constance pour approvisionner tout le pays en marchandises, est présenté comme une révolution du transport de marchandises. Mieux: le nouveau système logistique ne devrait pas coûter un seul centime à la Confédération et aux cantons, car il est entièrement financé par des fonds privés.
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Coop, Helvetia, Migros, La Mobilière, La Poste, Swisscom, la Vaudoise et la ZKB font partie des principaux actionnaires. Ensemble, ils auraient investi pas moins de 100 millions de francs. Avec une promesse: le cargo ne devrait être alimenté que grâce à des énergies renouvelables. Il doit réduire par ailleurs jusqu'à 40% le trafic de poids lourds sur les routes et offrir une «distribution plus efficace dans les villes».
Oui mais voilà: huit ans plus tard, le ton a changé. Selon les informations de Blick, le projet serait même dans la tourmente. Les gestionnaires se sont volatilisés et plusieurs collaborateurs ont été licenciés. Près de la moitié, plus la «moitié de l'équipe» qui a été licenciée, d'après des infos de «Inside Paradeplatz», qui a été le premier à évoquer le sujet.
Le projet n'a plus de chef
La porte-parole de l'entreprise dément toutefois ces informations: «Le chiffre est plus bas.» Elle confirme en revanche que la direction a été dissoute. Cela serait lié à une «adaptation de la structure de direction de l'entreprise» pour rendre le système de cargo «plus efficace et plus compétitif».
Le CEO Peter Sutterlüti, ancien cadre supérieur de La Poste, ne siège plus qu'au conseil d'administration et aucun successeur n'a été présenté. Le projet est donc actuellement… sans direction: «Le retrait de Peter Sutterlüti était prévu depuis longtemps et aurait dû être envisagé plus tôt. Il faut le remercier d'avoir accepté de faire pris en charge la direction jusqu'à ce que le projet ait atteint le degré de maturité requis pour la consultation du plan sectoriel», explique la porte-parole de l'entreprise.
Mais pourquoi tous ces chamboulements? L'entreprise évoque une «révision de la planification». Les effectifs auraient été orientés vers l'élaboration et le dépôt d'autorisations jusqu'en 2025. Cet objectif n'étant pas atteint, des collaborateurs ont dû être licenciés.
«Cela ne sera jamais rentable»
La mise en œuvre de projet aurait donc échoué, selon les cantons. Tant à Zurich, en Argovie qu'à Soleure, les plans ont été examinés au printemps 2024 et les critiques d'entreprises industrielles, de commerçants et de logisticiens fusent: «Cela ne sera jamais rentable», déclarait un haut responsable des CFF, qui a fait remarquer qu'un tunnel ordinaire entraîne des coûts annuels d'environ 4%.
Avec des coûts d'investissement prévus de plus de 30 milliards de francs, un transport de marchandises souterrain n'a donc aucune chance d'être compétitif: «La route et le rail resteront toujours plus avantageux.»
D'ailleurs, les CFF, qui étaient, eux aussi, à bord au début du projet, se sont déjà retirés à l'automne 2022. Officiellement pour se concentrer sur leur mission principale. Et selon les informations de Blick, La Poste – l'un des principaux actionnaires du projet – envisage également de se retirer.
Le calendrier est retardé: est-ce la fin?
Le premier tunnel de transport souterrain devait être ouvert d'ici à 2031, dans la commune de Härkingen, à Zurich… Plus maintenant: «Il est clair que le calendrier avec le dépôt des autorisations en 2025 ne tiendra pas en l'état. Un nouveau calendrier de construction et d'exploitation du premier tronçon sera communiqué lorsque la revue de projet aura été effectuée et confrontée aux autorités», indique la commune.
Si d'autres actionnaires se désistent, le méga-projet risque donc de prendre fin. Ce qui ne devrait pas plaire à La Poste, à Migros et autres: «Nous sommes en contact avec l'actionnariat. Il est dans l'intérêt de toutes les parties que la planification du projet s'adapte aux conditions actuelles et que les moyens apportés soient utilisés le plus efficacement possible», conclut un porte-parole.