Le nom d'un homme politique qui n'était pas candidat a souvent été évoqué lors de l'élection du Conseil fédéral de mercredi: celui de Pierre-Yves Maillard, conseiller national socialiste vaudois et président de l'Union syndicale suisse. Tout cela est lié à un bruit de couloirs dans la Berne fédérale, selon lequel l'homme de pouvoir visait le siège du conseiller fédéral Alain Berset.
Avec l'élection de la Jurassienne Elisabeth Baume-Schneider, cette hypothèse semble toutefois enterrée: les socialistes comptent désormais deux Romands au Conseil fédéral et un Suisse alémanique aura probablement la préférence lors de la prochaine vacance. En revanche, avec la Bâloise Eva Herzog, la voie aurait été libre pour un socialiste romand en cas de départ d'Alain Berset.
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Selon certaines sources, cette considération aurait motivé de nombreuses personnes à voter pour la Jurassienne le 7 décembre. Car Pierre-Yves Maillard polarise. Il est certes considéré par ses adversaires comme un partenaire fiable et un bon négociateur, il est aussi perçu comme un homme très intransigeant.
Cette dernière caractéristique du politicien est particulièrement visible dans les débats autour du dossier européen, où les syndicats font pression depuis des années sur la Confédération, le Parlement et l'économie. Pierre-Yves Maillard a joué un rôle clé dans l'enterrement de l'accord-cadre le 26 mai 2021. Pourtant, quelque chose cloche dans la stratégie prêtée au socialiste.
Une alliance avec Elisabeth Baume-Schneider-Maillard
Son entourage affirme en tout cas que Pierre-Yves Maillard n'aurait pas seulement élu Elisabeth Baume-Schneider, mais qu'il aurait activement milité pour elle. Lors du congrès de l'Union syndicale du 26 novembre à Interlaken (BE), on aurait même reporté des votes importants pour que le président puisse se rendre à temps à la séance du groupe socialiste à Berne et aider Elisabeth Baume-Schneider à obtenir son ticket. Les rumeurs sont-elles donc fausses?
La relation entre Pierre-Yves Maillard et Elisabeth Baume-Schneider n'a pas été assez considérée. Les deux sont amis et, selon des collègues, ils sont même politiquement unis comme les doigts de la main.
Comme Pierre-Yves Maillard, Elisabeth Baume-Schneider a vécu un certain temps à Lausanne et, en tant que membres de gouvernements cantonaux romands, ils ont également entretenu des échanges professionnels. Le symbole de cette proximité est un chat noir et blanc d'Elisabeth Baume-Schneider: il est issu d'une portée de celui de Pierre-Yves Maillard.
Les plans de Roger Nordmann contrecarrés?
Le résultat du 7 décembre semble donc plutôt avoir contrecarré les plans d'un autre camarade éminent: le chef du groupe parlementaire Roger Nordmann. Ce dernier s'était fortement engagé pour un ticket exclusivement féminin du PS et doit renoncer à moyen terme à ses propres ambitions au Conseil fédéral.
En revanche, certains parlementaires sont convaincus que Pierre-Yves Maillard n'aurait de toute façon jamais été élu au gouvernement par l'Assemblée fédérale. Au lieu de cela, le plus haut fonctionnaire salarié du pays dispose désormais d'un atout important avec Elisabeth Baume-Schneider: à l'avenir, il pourra compter sur une personne de confiance au sein de l'exécutif.
En tant que ministre de la Justice, la nouvelle élue siégera dans la commission européenne du Conseil fédéral, composée de trois membres. Une aubaine pour Pierre-Yves Maillard - mais pas pour son adversaire, le président de la Confédération Ignazio Cassis.
Des bâtons dans les roues d'Ignazio Cassis
Une rumeur qui circule actuellement laisse présager à quel point le champ d'activité de ce dernier en matière de politique européenne tourne autour du patron du syndicat: le ministre des Affaires étrangères aurait récemment confié à ses collègues du gouvernement, dans un cadre informel, que Pierre-Yves Maillard était satisfait de l'état des discussions exploratoires à Bruxelles. Irrités, les deux conseillers fédéraux du PS se sont alors adressés au syndicaliste - et la déclaration d'Ignazio Cassis s'est avérée être un malentendu.
Le DFAE ne confirme pas l'épisode. Le vice-chancelier André Simonazzi conteste qu'un tel dialogue ait eu lieu lors d'une séance du Conseil fédéral. L'incident témoigne toutefois de la délicatesse de la situation.
Ces dernières semaines, les compagnons politiques d'Ignazio Cassis se sont montrés confiants quant aux entretiens exploratoires avec l'Union européenne: Bruxelles aurait fait des concessions sur les points les plus importants. Le Tessinois veut accélérer les choses et obtenir enfin un mandat de négociation de la part du gouvernement. Mais l'Union syndicale suisse lui met les bâtons dans les roues. On est «encore loin d'une solution», a déclaré Pierre-Yves Maillard le 27 novembre à Blick.
Sa confidente Elisabeth Baume-Schneider devrait d'autant plus jouer un rôle clé. Elle pourrait aggraver le blocage - ou contribuer à une solution en tant que médiatrice.
(Adaptation par Lliana Doudot)