Lettre à la conseillère fédérale Viola Amherd
L'Allemagne demande à la Suisse de lui fournir des chars Leopard

Berlin veut que la Suisse vende une partie de ses chars Léopard à l'industriel allemand Rheinmetall. Ces véhicules doivent remplacer les chars que les pays occidentaux livrent actuellement à l'Ukraine. Un accord serait possible, mais nécessite une décision du Parlement.
Publié: 03.03.2023 à 06:27 heures
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Dernière mise à jour: 03.03.2023 à 07:17 heures
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Le ministre allemand de la Défense Boris Pistorius et le ministre de l'Économie Robert Habeck ont demandé à la conseillère fédérale Viola Amherd de vendre une partie de chars Leopard suisses au fabricant allemand Rheinmetall.
Photo: DUKAS
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Fabian Eberhard

Ils sont stockés dans un entrepôt secret en Suisse orientale, et presque oubliés: les 96 chars Leopard 2 de l’armée suisse sont mis au rebut. Aujourd’hui, ces engins de guerre se retrouvent au centre de discussions et tractations politiques. Et sont notamment convoités par… l’Allemagne.

Berlin veut que la Suisse revende ces chars de combat au fabricant allemand Rheinmetall, a appris Blick. Le conglomérat industriel assure vouloir utiliser ces véhicules pour combler des «lacunes» dans les pays de l’Union européenne (UE) et de l’OTAN.

Mais ne serait-ce pas une demande détournée pour envoyer des chars Leopard 2 en Ukraine, comme le font déjà l’Allemagne, la Pologne, le Portugal, la Finlande ou la Suède?

Le Parlement doit se prononcer

Dans une lettre datée du 23 février, et adressée à la conseillère fédérale Viola Amherd, le ministre allemand de la Défense Boris Pistorius (SPD) et le ministre de l’Économie Robert Habeck (Verts) présentent leur projet avec Rheinmetall. Ils demandent à la cheffe du DDPS d’approuver cette vente. Tout en assurant à la conseillère fédérale que les chars de combat ne seraient pas transférés de la Suisse à l’Ukraine.

Contacté par Blick, le porte-parole du DDPS, Lorenz Frischknecht, confirme la demande de Berlin. L’armée aurait déjà commencé à procéder à des clarifications préalables. «Du point de vue de l’armée, il serait en principe possible de renoncer à un nombre limité de chars de combat – déduction faite des besoins propres de la Suisse», explique le porte-parole.

Les besoins propres concernent 34 des chars mis au rebut. Ils viendraient compléter les 134 Leopard 2 modernisés actuellement en service. De son côté, l’Allemagne a fait miroiter à l’Ukraine l’envoie de 18 chars Leopard 2.

Selon Lorenz Frischknecht, la condition préalable à cet échange est que le Parlement mette formellement hors service les chars en Suisse orientale par une décision officielle. C’est ce que la conseillère fédérale Viola Amherd a communiqué hier à ses homologues allemands.

Le débat politique sur cet accord risque d’être mouvementé. En janvier et en février, les commissions de la politique de sécurité du Conseil national et du Conseil des États ont rejeté une demande similaire. Elles ont rejeté une initiative parlementaire qui demandait de restituer à l’Allemagne jusqu’à 30 des 96 chars Leopard déclassés.

La majorité des parlementaires a estimé que les chars constituaient une réserve stratégique pour l’armée et qu’il fallait les conserver. La société des officiers des troupes blindées a, elle aussi, clairement rejeté l’idée. «Nous n’avons déjà pas assez de véhicules aujourd’hui», déplorait récemment son président, Erich Muff, à Blick.

La vente serait juridiquement possible

Les partisans de la restitution étaient en revanche d’avis que la Suisse pourrait apporter une contribution supplémentaire à la sécurité européenne. On renforcerait ainsi la capacité de défense de l’Allemagne, qui soutient considérablement l’Ukraine avec des biens d’armement. Les pays partenaires de la Suisse pourraient ainsi combler les lacunes de leur arsenal.

Entre-temps, divers politiciens spécialistes de la sécurité, de la gauche à la droite, sont ouverts à une éventuelle vente à l’Allemagne. La pression croissante de l’étranger influence également cette tendance.

De nombreux pays critiquent la Suisse parce qu’elle interdit à d’autres États, principalement pour des raisons de neutralité, de transmettre à Kiev des armes produites dans le pays. Parmi eux, l’Allemagne qui, en raison d’un veto du Conseil fédéral, ne peut pas livrer à l’Ukraine des munitions dont elle a un besoin urgent. En revanche, ni la neutralité ni la loi sur le matériel de guerre ne devraient s’opposer au rachat de chars suisses par Rheinmetall, comme le souhaite Berlin.

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