L'initiative sur les soins infirmiers est bien partie selon les sondages. Cependant, le Conseil fédéral et le Parlement rejettent la proposition populaire en lui opposant un contre-projet indirect, qui entrerait automatiquement en vigueur si l'initiative échoue.
Tant les opposants que les partisans de l'initiative reconnaissent que les soins en l'état actuel connaissent de nombreux problèmes, notamment le manque de personnel. Ce qui ne fait pas consensus en revanche, c'est comment y remédier.
L'initiative, si elle vise de fait à inscrire des principes dans la Constitution, laisserait par contre au Conseil fédéral et au Parlement le soin de décider de la façon de les appliquer.
Il existe néanmoins déjà une proposition de mise en oeuvre: celle de l'ancien conseiller national UDC Rudolf Joder, élaborée avec Andreas Kley, professeur de droit à Zurich. Cette proposition est-t-elle plus pertinente que le contre-projet? Blick décortique les deux projets en quatre questions clefs.
Est-ce que les infirmiers et infirmières seront mieux payés?
Il n'est question de salaires ni dans l'initiative, ni dans le contre-projet.
Selon le comité d'initiative, il faut prévoir davantage d'argent pour le personnel infirmier dans le coût des soins. Le montant que les hôpitaux et les centres de soins peuvent facturer aux compagnies d'assurance maladie pour les services de soins devrait être augmenté. Ainsi, ils disposeraient d'une plus grande réserve d'argent qui leur permettrait de payer un personnel plus nombreux et mieux formé. La question de savoir si cela se traduira réellement par une augmentation des salaires sera quant à elle probablement résolue à huit-clos, dans une démarche de négociation individuelle entre l'employeur et l'employé.
Comment mieux lutter contre la pénurie de personnel?
Une offensive dans le domaine de la formation est prévue tant dans le contre-projet que dans le texte de l'initiative. Le contre-projet, déjà bien concret, est généreux: selon ce texte, les cantons devront passer à la caisse à hauteur de 469 millions de francs, sur huit ans, pour davantage de formation. La Confédération contribuera avec le même montant. Au total, un peu moins d'un milliard de francs pour l'éducation est au programme. Cet argent ira aux écoles qui forment les infirmier.ère.s, aux hôpitaux et aux centres de soins qui offrent des places de formation, ainsi qu'aux stagiaires eux-mêmes, qui recevront un coup de pouce financier. Les initiants quant à eux ne donnent pas de chiffre spécifique, mais listent les mêmes destinataires. En outre, ils prennent directement à partie la Confédération, indépendamment des cantons.
Comment garantir de meilleures conditions de travail?
Le travail à la chaîne est l'une des principales plaintes du personnel infirmier. C'est pourquoi beaucoup quittent la profession. Pour les partisans du contre-projet l'affaire est claire: si davantage de personnel est formé, les conditions de travail s'amélioreront d'elles-mêmes. Des mesures supplémentaires ne sont donc pas prévues. Mais les initiants voient les choses différemment: ils insistent sur la mise en avant des conventions collectives de travail, qui définissent certains points clés. Par exemple, qu'il y ait suffisamment de temps de repos entre les quarts de nuit. Ils souhaitent également aborder spécifiquement la question de l'équilibre entre le travail et la famille. Les grands employeurs tels que les hôpitaux universitaires devraient recevoir des fonds pour la garde d'enfants 24 heures sur 24. En outre, l'initiative exige un ratio de personnel par équipe défini par la loi. Cela existe déjà aux soins intensifs: pour six patients, il faut au moins 15 postes à temps plein pour que les lits soient considérés comme certifiés. De telles mesures clefs devraient être élaborées dans d'autres secteurs également.
À lire aussi
Comment garantir plus de reconnaissance et d'indépendance aux infirmiers et infirmières?
Le métier d'infirmier est toujours considéré comme un emploi non qualifié - ce qui cause beaucoup de frustration, surtout chez le personnel hautement qualifié et diplômé. Une autre revendication de l'initiative, qui devrait remédier à cette situation au moins dans une certaine mesure, est également incluse dans le contre-projet: plus de travail indépendant. C'est-à-dire qu'il ne sera plus nécessaire d'obtenir une autorisation du médecin à chaque fois que l'on met des bas de contention à quelqu'un. Cela devrait simplifie leur quotidien. Les soignants pourraient également faire eux-mêmes les factures pour l'assurance maladie.
Pour conclure
L’initiative sur les soins infirmiers a été déposée pour lutter contre le manque de personnel infirmier et renforcer la profession infirmière. Si l’initiative est acceptée, la mise en œuvre sera réglementée par une loi. Le Conseil fédéral et le Parlement soutiennent l’objectif de base, mais l’initiative va trop loin pour eux.
(Adaptation par Daniella Gorbunova)