C'était dimanche matin, il y a trois semaines, dans un train du matin parti de Sion en direction de Genève Aéroport: peu après 4h30, environ 200 jeunes sont montés à Martigny (VS), en hurlant, en chahutant et en bousculant les voyageurs au passage. Le groupe, dont plusieurs personnes ivres, revenait d'une fête – ils sont alors devenus de plus en plus agressifs. Certains jeunes ont déclenché des bagarres et ont même sorti des couteaux. Une contrôleuse s'est retrouvée seule face à la foule. Livrée à elle-même, elle a fait monter les autres voyageurs dans des wagons première classe et a tenté de les protéger contre les agresseurs.
Sur les trains
Les voyageurs et la contrôleuse ont alerté les policiers, qui les attendaient à la gare de Saint-Maurice (VS). Mais ils n'ont pas réussi à désescalader la situation et le train a poursuivi sa route avec du retard. Les jeunes ont saccagé des sièges, des vitres et des toilettes et ont continué à se déchaîner, malgré la présence de policiers dans les gares suivantes.
Le train a roulé jusqu'à Lausanne, où il s'est arrêté. La suite du voyage pour l'aéroport de Genève a été annulée. Un groupe de policiers des transports des CFF a pris en charge les voyageurs apeurés et l'accompagnatrice de train choquée, tandis que les voyous disparaissaient.
Règlement des CFF bafoué
Qu'une contrôleuse soit seule en service sur un train du matin ou du soir, n'est pas prévu. Le Syndicat du personnel des transports (SEV) a réagi avec colère à cet incident. Toutefois, même si deux contrôleurs avaient voyagé, comme c'est la norme, une escalade comme celle du 21 avril n'aurait pas pu être contenue mais cela aurait évité la mise en danger de la contrôleuse, argumente le syndicat, et elle n'aurait probablement pas non plus subi de choc. Le SEV estime que des incidents comme celui-ci sont inquiétants. Jürg Hurni, du syndicat, critique le fait qu'il y ait de plus en plus de contrôleurs seuls, bien que les CFF aient assuré aux employés qu'ils seraient deux pour les horaires du soir et du matin: «La pénurie de personnel a des conséquences graves.» Entre autres parce que les contrôleurs et les voyageurs sont démunis et vulnérables face aux passagers violents.
Les émeutes en Suisse romande ont incité le SEV à envoyer une lettre aux responsables des CFF pour attirer leur attention sur cette situation insatisfaisante. Lors d'un entretien, les représentants des CFF veulent maintenant analyser l'incident avec le syndicat et discuter des questions de principe. La compagnie ferroviaire a prévu une rencontre qui devrait avoir lieu prochainement.
«Chaque agression contre les collaborateurs des CFF est une agression de trop»
Les CFF soulignent d'ailleurs eux-mêmes que l'incident est «inacceptable». Et que «normalement», deux agents de train sont affectés à cette liaison, mais que cela n'a pas pu être garanti à court terme, comme l'indique le porte-parole Reto Schärli. Les raisons pour lesquelles il n'a pas été possible de trouver un remplaçant et pourquoi aucun agent de sécurité n'a été mobilisé à la place de l'accompagnateur de train manquant sont maintenant analysées. «La sécurité des employés passe avant tout», souligne Reto Schärli. «Chaque agression contre les collaborateurs des CFF est une agression de trop.»
Les chemins de fer proposent des cours de prévention à leurs employés, «afin qu'ils se sentent en sécurité et qu'ils puissent servir de médiateur pour contenir des situations délicates», indique le porte-parole. Il ajoute que la collaboratrice qui a dû affronter seule les jeunes agressifs a bénéficié d'un soutien psychologique – comme c'est généralement l'usage dans ce genre de situation.
Une vue d'ensemble bien difficile
Nombreux d'entre nous se souviennent encore de la prise d'otages dans un train régional entre Yverdon-les-Bains (VD) et Sainte-Croix (VD): en février dernier, un homme armé d'un couteau et d'une hache a tenu 15 voyageurs en otage pendant quatre heures.
Le fait que les attaques au couteau se multiplient se reflète dans les statistiques de la criminalité. Il n'est pas certain que ce constat soit également valable pour les transports publics. Non seulement les CFF ne présentent pas de données, mais l'Office fédéral des transports et les corps de police ne peuvent pas non plus fournir d'informations précises sur les délits dans les trains.
Reto Schärli ignore à quelle fréquence des actes de violence dans les trains ont lieu: «Nous ne pouvons pas fournir de données statistiques sur les délits tels que les attaques au couteau.» D'une manière générale, on constate que dans la société le ton est devenu plus dur et que l'usage de la violence se généralise. Les changements sociaux ne s'arrêtent pas à la porte d'un train ou d'une gare, constate le porte-parole des CFF.
Les débordements et les dégâts matériels des trains et des gares causés par les supporters font régulièrement la une des journaux. Le fait que des hooligans aient attaqué le personnel des CFF avait déjà incité le syndicat à exiger des mesures pour mieux protéger les employés des chemins de fer. Depuis, la position du SEV s'est renforcée, compte tenu des violences perpétrées par les 200 cents jeunes ivres entre Martigny et Lausanne et du climat de terreur qu'ils ont semé.
Des altercations à l'ordre du jour
Pour poursuivre les délinquants, la police des transports fait appel aux corps cantonaux. «Dans les trains, il y a aussi des criminels ou des fauteurs de troubles alcoolisés», explique Bernhard Graser, porte-parole de la police cantonale argovienne. Des altercations, des agressions ou des vols se produisent régulièrement dans ce contexte. Mais elle précise: «On ne constate pas de tendance alarmante à la hausse.»