Des tonnes de résidus de munitions reposent actuellement dans les eaux suisses, et devront sans doute y rester pour un bon moment. Selon les politiciens en charge de la sécurité, la protection de l'environnement n'est plus une priorité.
L'été dernier, la Confédération avait lancé, sous l'égide de la cheffe du DDPS Viola Amherd, un concours d'idées sur la manière de remonter à la surface les 8000 tonnes de munitions militaires immergées entre 1918 et 1964 dans les lacs de Thoune, de Brienz et des Quatre-Cantons. L'enjeu principal, éviter les risque pour l'homme et l'environnement, ces résidus se trouvant à une profondeur de 150 à 220 mètres, en partie enfouie sous des couches de sédiments de plusieurs mètres d'épaisseur, là où la visibilité est mauvaise, les courants inhabituels et évidemment, où le risque d'explosion existe.
Dauphins et cannes à pêche
Jusqu'en février, les entreprises, les universités ou encore les particuliers ont pu soumettre leurs propositions. A l'origine, il était prévu que les meilleures méthodes soient présentées au public en avril, mais cela se fera finalement au mois de mai. Armasuisse, l'Office fédéral de l'armement, fait savoir que plus de 100 projets ont été déposés, et qu'un comité d'experts est en train de toutes les évaluer. Les auteurs des trois meilleures propositions se partageront un prix de 50'000 francs.
Parmi ces idées, il semblerait que certaines soient légèrement surréalistes. À titre d'exemple, quelqu'un propose d'utiliser des dauphins pour récupérer les munitions. D'autres souhaitent plutôt équiper des écoliers de cannes à pêche magnétiques pour récupérer les bombes.
Jusqu'ici, c'est assez comique, mais le monde n'a plus envie de rire. Le climat actuel, plongé dans l'incertitude notamment par Donald Trump, est plutôt tendu. Le président américain se détourne de plus en plus de l'Europe et caresse même l'idée de quitter l'OTAN. L'Europe pourrait donc se retrouver livrée à elle-même. Ainsi, tout le monde se met à parler de réarmement et de sécurité, et presque plus personne ne parle de protection de l'environnement. L'UE souhaite investir 800 milliards d'euros dans de nouvelles armes, et en Suisse aussi, l'armée doit être remise à niveau de toute urgence.
«Nous avons d'autres priorités»
En ces temps de guerre, le concours d'Armasuisse fait donc un peu tache dans le paysage. La Confédération souligne d'ailleurs que, même après avoir évalué les différentes propositions, elle ne souhaite pas passer immédiatement à l'action. Il s'agit plutôt d'une source d'inspiration pour plus tard, au cas où le problème des munitions dans les lacs représenterait un réel danger. Ce qui ne serait pas le cas aujourd'hui.
Ainsi, les politiciens en charge de la sécurité au Parlement exigent désormais l'arrêt du projet. Werner Salzmann, conseiller aux Etats UDC, déclare à Blick: «Nous ne pouvons pas nous le permettre pour le moment. Nous avons d'autres priorités.» Sa collègue du Centre, Brigitte Häberli-Koller, est du même avis. «Les examens de sécurité n'ont jusqu'à présent pas montré de nécessité d'action immédiate.» Selon elle, il est cependant important de vérifier régulièrement la situation. «Si une intervention s'avère nécessaire, il faudra accorder une grande attention aux coûts», conclut-elle.
Et que disent les Vert-e-s? Le parti écologiste est réticent, bien conscient que la protection de l'environnement ne constitue actuellement pas un élément central des enjeux mondiaux actuels. Mais selon eux, l'eau propre fait aussi partie de la sécurité du pays, confie un membre des Vert-e-s. Il semble clair qu'il faudrait d'abord que la paix s'installe avant que les déchets toxiques dans les lacs suisses ne redeviennent un sujet sérieux.