Pas besoin d'être expert pour comprendre ce qu'il se passe actuellement à la Migros: le géant orange subit de nombreux changements. Et ce qui ne convient plus au nouveau patron de Migros, Mario Irminger, ou qui ne rapporte pas assez d'argent – comme SportX, Melectronics, Hotelplan et la filiale Mibelle, est abandonné.
Mario Irminger serait en proie à une répulsion hyperactive. Ainsi, ce qui ne fait pas partie de l'activité principale du groupe est soit vendu, soit fermé. Pourtant, en plus de l'alimentaire, du non-alimentaire et de la banque, le patron de la Migros s'oriente de plus en plus vers... la santé dans sa nouvelle stratégie!
Peu de synergies entre supermarché et santé
Personne ne sait pourquoi ce domaine fait partie de la stratégie Migros. Difficile en effet d'associer l'envoi de médicaments et les cabinets de médecins avec les cornichons et les accessoires pour téléphones. Le domaine d'activité de Migros dans le secteur de la santé, qui pèse aujourd'hui des milliards, ne remonte pas au fondateur de l'entreprise, Gottlieb Duttweiler. Il a surtout été poussé par le prédécesseur de Mario Irminger; un certain Fabrice Zumbrunnen.
Le chef de Medbase, la branche santé de Migros, sait lui aussi que les clients Migros ne perçoivent pas encore les synergies entre la santé et la grande distribution. Certes, des efforts sont en cours pour renforcer les synergies entre les deux activités. Mais «chez Medbase, nous nous concentrerons d'abord sur notre propre développement», explique Marcel Napierala. «Lorsque nous aurons rempli cette mission, nous pourrons voir plus loin.»
Pourquoi le groupe Migros mise-t-il autant sur la santé?
Quand on demande au groupe Migros pourquoi la santé est stratégiquement si importante, celui-ci répond: «Tous les habitants de Suisse doivent avoir un accès rapide et simple aux soins médicaux de base.» Et par aileurs, si l'on ne s'attendait pas à une bonne rentabilité, ou au moins à une évolution positive dans ce domaine, Mario Irminger ne s'accrocherait probablement pas à ce secteur d'activité qu'il a hérité de son prédécesseur.
Selon certains, si le groupe s'intéresse et s'engage autant auprès des dentistes et des pharmacies, c'est aussi parce que dans le commerce de détail classique, Migros se heurte à certaines limites en Suisse. Dans ce secteur, la croissance n'est pas très dynamique: entre 2017 et 2022, elle n'a augmenté que de 9%. Or dans le domaine de la santé, celui-ci a progressé de 17% durant la même période. «Fabrice Zumbrunnen voulait se lancer sur ce marché en pleine croissance», explique un connaisseur, «car il y voyait un avenir».
Plus important pour Migros: dans le commerce de détail, il n'est pratiquement plus possible de procéder à des regroupements pour des raisons de concurrence. Mais sur le marché de la santé, beaucoup plus fragmenté, Migros n'est qu'un acteur parmi d'autres. De plus, une grande partie des activités du groupe dans le domaine de la santé peut être centralisée, sans la coordination d'une dizaine de coopératives.
Un rendement «décent, mais avec plusieurs filets de sécurité»
Dans la santé – que le patron de Medbase voit passer à «1,7 milliard de francs de chiffre d'affaires» au cours des cinq prochaines années –, le rendement est correct. Le groupe Migros se montre généralement très prudent quant à ses résultats. Mais dans une présentation du printemps 2023, des bénéfices avant impôts et amortissements supérieurs à 4,5% ont été évoqués dans la santé.
La question de l'amortissement des acquisitions se pose toutefois dans ce secteur. Medbase a récemment procédé à d'importantes acquisitions, comme les pharmacies Topwell en 2018, le site Zahnarztzentrum.ch en 2020 et plusieurs activités de la pharmacie en ligne en 2023. Pour cette dernière acquisition, on connaît le montant de la reprise, soit 360 millions de francs, mais aucun montant n'a été indiqué pour les autres acquisitions.
Est-ce rentable? Migros ne veut rien dire à ce sujet et se contente de répondre: «Nous ne communiquons pas de chiffres de bénéfice, mais nous pouvons constater que nous sommes positifs dans tous les domaines d'activité». Certains qualifient aujourd'hui le rendement dans le domaine de la santé de «décent, mais avec plusieurs filets de sécurité».
Migros et la santé: on pourrait faire mieux
D'après les calculs d'une fiduciaire spécialisée dans les cabinets médicaux, il serait possible de faire mieux. Ainsi, un cabinet de médecin généraliste qui fonctionne bien peut atteindre un bénéfice d'exploitation avant amortissements de 10 à 15%. Pour un cabinet dentaire, il est même possible d'atteindre plus de 30% sur le marché libre.
Medbase semble en être encore très loin. Même la valeur de 10% de marge d'exploitation, qui est considérée dans le secteur comme un palier de survie, montre que l'équilibre n'est pas encore atteint.