Les paysans alertent
Les vaches suisses en danger: un phénomène méconnu en cause

Dans les campagnes suisses, un phénomène invisible mais dangereux touche les vaches: le courant vagabond. Une menace qui inquiète de plus en plus de paysans, impactant la santé des animaux et leur bien-être.
Publié: 05.02.2025 à 09:26 heures
|
Dernière mise à jour: 05.02.2025 à 11:53 heures
Les éleveurs tirent la sonnette d’alarme: le courant vagabond fait des ravages. Il s'échappe des conduits électriques, que l'électricité provienne d'éoliennes, de centrales ou alimente une antenne.
Photo: Keystone
Blick_Lucie_Fehlbaum2.png
Lucie FehlbaumJournaliste Blick

«Les vaches sont des animaux très sensibles. Je les comparerais presque à une femme!» L'expression peut faire sourire, mais le contexte n'est pas drôle du tout. L'agriculteur qui témoigne de la souffrance de ses bêtes ne souhaite pas donner son nom.

Cet exploitant, qui possède 40 vaches laitières, partage son inquiétude à la RTS. Dans un «Mise au point» qui se penche sur la colère des habitants de Tramelan (BE), résistant à l’implantation d’éoliennes sur la montagne, le paysan soulève un problème qui l'inquiète beaucoup: le courant vagabond.

Un phénomène réel?

De quoi s'agit-il exactement? D'un fantasme faisant le jeu de l'opposition aux éoliennes? D'un vrai problème de santé animale? Blick a voulu en savoir plus sur ce phénomène.

Du côté de l'Association suisse des vétérinaires cantonaux, on renvoie, «pour des questions de compétences», à la plateforme dédiée au courant vagabond. Il ne s'agit pas d'un mythe, donc, mais d'une réelle menace pour les bovins, qui fait carrément l'objet d'une plateforme pilotée entre pouvoirs publics, Union suisse des paysans (USP) et association professionnelle des conseillers en sécurité électrique (ASCE).

Quand l’électricité perturbe les animaux

On y apprend que le courant vagabond est une fuite électrique qui s'échappe du circuit défini qu'elle est censée suivre. De sa source à l'appareil qu'elle alimente, elle file dans les structures métalliques des bâtiments, le sol ou l’eau.

Et le paysan du Jura bernois n'a pas tort en parlant de la sensibilité de ses vaches: elles détectent le courant dès 1 volt. Pour les femmes, en revanche, on ne sait pas.

Des conséquences inquiétantes

Quoi qu'il en soit, les bêtes développent des problèmes de comportement, voire pire. «Il peut y avoir des impacts sur la santé des vaches et les performances laitières», confirme Michel Darbellay, responsable du département Production, marché et écologie de l’USP.

Le risque fait froid dans le dos: «Cela peut aller jusqu'à des pertes d'animaux du fait de l'affaiblissement de leur système immunitaire ou encore conduire à des avortements, poursuit le cadre de l'USP. On devrait impérativement, dans les projets publics, respecter une certaine distance des étables et intégrer d'emblée la prévention des courants vagabonds.»

Illustration sur la plateforme d'information sur les courants vagabonds.

Pas qu’une affaire d’éoliennes

Le problème n'est donc pas uniquement une affaire d'éolienne. Tout conduit d'électricité peut laisser échapper du courant vagabond. «Il peut persister dans les étables, dans les abreuvoirs par exemple, dans les salles de traite où les animaux sont réticents à entrer. On peut d'abord s'en apercevoir comme ça», glisse Michel Darbellay.

Et les clôtures électriques?

Si les vaches peuvent souffrir jusqu'à mourir du courant vagabond, que penser des clôtures électriques qui encadrent les champs dans lesquels elles broutent? Ce n'est pas du tout la même chose. Avec la clôture, le choc est ponctuel et momentané. Les vaches apprennent d'ailleurs à l’éviter et ne subissent pas d’effet prolongé. En revanche, le courant vagabond circule en continu ou de manière aléatoire dans le sol, les structures métalliques et l’eau. Il est souvent de faible intensité, mais persistant. Les vaches peuvent être exposées en permanence à une faible tension, ce qui perturbe leur système nerveux, leur comportement et leur santé à long terme.

Si les vaches peuvent souffrir jusqu'à mourir du courant vagabond, que penser des clôtures électriques qui encadrent les champs dans lesquels elles broutent? Ce n'est pas du tout la même chose. Avec la clôture, le choc est ponctuel et momentané. Les vaches apprennent d'ailleurs à l’éviter et ne subissent pas d’effet prolongé. En revanche, le courant vagabond circule en continu ou de manière aléatoire dans le sol, les structures métalliques et l’eau. Il est souvent de faible intensité, mais persistant. Les vaches peuvent être exposées en permanence à une faible tension, ce qui perturbe leur système nerveux, leur comportement et leur santé à long terme.

Il faut ensuite déterminer si le mal-être des vaches vient vraiment de ces courants invisibles, via des examens poussés de l'installation agricole et de son environnement. Et déterminer les mesures possibles, pour l'exploitation agricole et l'infrastructure électrique. «La mise à terre des équipements est un élément clé», indique le membre de la direction de l'USP.

Partager des témoignages entre paysans

En créant leur plateforme, la Confédération et les associations ont voulu rassembler paysans et experts du courant vagabond. Pour examiner les fermes sous cet angle, mais aussi publier des témoignages. «C'est un problème insidieux, déplore Michel Darbellay. Les conséquences peuvent être très lourdes pour une exploitation, financièrement et existentiellement.»

Le problème n'est pas totalement récent, mais son impact s’intensifie avec l’ampleur croissante des infrastructures modernes. «Elles sont beaucoup plus grandes et complexes, avec la présence d'installations photovoltaïques, de conduits électriques et de transformateurs.»

David contre Goliath

L'essentiel, pour l'USP, est d'intégrer les paysans dans les projets avant qu'il ne soit trop tard. «C'est le combat de David contre Goliath, lorsqu'un exploitant s'oppose à un projet public», soutient Michel Darbellay.

En résumé, autant écouter les paysans «au moment de la planification de l'installation électrique, surtout pour les projets publics», plutôt que de devoir corriger le tir plus tard. «Il faut prendre des dispositions pour ne pas faire passer une ligne juste à côté d'une étable», ajoute le membre de l'USP. Au risque qu'un agriculteur ne puisse plus faire vivre ses bêtes sur son exploitation, et doive remettre sa vie en question.

Vous avez trouvé une erreur? Signalez-la