Après 26 ans passés en Suisse, Mudza E.* est menacée d’expulsion. Cette mère célibataire de deux filles a des dettes et touche l’aide sociale depuis sa séparation d’avec son mari en 2015. Son intégration ne peut pas être considérée comme réussie, justifie l’Office des migrations de Bâle-Campagne pour son expulsion. De plus, l’intéressée ne se serait pas suffisamment efforcée de travailler davantage malgré les avertissements. Sa fille, Anouchka Gwen, s’était exprimée dans les colonnes de Blick pour dénoncer le traitement réservé à sa mère.
La conseillère nationale socialiste de Bâle-Campagne Samira Marti veut également que de telles expulsions cessent. Et elle n’est pas seule. Soutenue par 37 députés allant des Verts aux radicaux, elle a déposé il y a deux ans l’initiative parlementaire «La pauvreté n’est pas un crime».
Une lutte acharnée au Parlement
Selon la Bâloise, le durcissement de la loi sur les étrangers en 2019 a une affreuse conséquence: des étrangers qui vivent, travaillent et paient des impôts en Suisse depuis des décennies, mais qui dépendent de l’aide sociale «pour une raison ou une autre» – comme la perte d’un emploi, un accident, une maladie, une séparation ou la malchance – peuvent être renvoyés pour cette raison.
Samira Marti demande des étapes intermédiaires avant une possible expulsion. Une nouvelle période de protection doit être introduite lors de la révocation des autorisations de séjour et d’établissement. Les personnes vivant en Suisse depuis plus de dix ans doivent pouvoir y rester, même si elles bénéficient de l’aide sociale. Seules les personnes «qui ont provoqué intentionnellement leur propre indigence» doivent être exclues, affime-t-elle.
Cette demande est très controversée au Parlement. Alors que la Commission des institutions politiques (CIP) du Conseil national l’a soutenue de justesse par douze voix contre onze et deux abstentions, la commission du Conseil des États l’a rejetée de justesse par six voix contre cinq.
La semaine prochaine, la commission du Conseil national se penchera à nouveau sur le projet. Il faut s’attendre à nouveau à un résultat très serré.
Des cas de rigueur involontaires
La courte majorité de la commission du Conseil des États partage en revanche la position adoptée jusqu’à présent par la ministre de la Justice Karin Keller-Sutter: les autorités procèdent toujours à un examen de proportionnalité avant de retirer une autorisation. Ainsi, il pourrait être tenu compte «du fait que la personne concernée est arrivée dans sa situation précaire sans en être responsable».
Les mères célibataires qui travaillent ne devraient pas être concernées. «Mais cela les touche quand même», souligne la conseillère nationale Samira Marti. C’est ce que montre le cas de Mudza E. Ces dernières années, elle a travaillé à temps partiel comme femme de ménage, avec des interruptions.
Anouchka Gwen affirme que sa mère n’a jamais voulu ne pas travailler. Elle estime que cette dernière, qui est chez elle en Suisse, bien intégrée avec une vie active, est criminalisée et déracinée en raison de sa situation précaire.
Renoncer à l’aide sociale (par peur)
«C’est en partie par peur que l’on renonce à l’aide nécessaire», fait remarquer Samira Marti. Les services sociaux sont tenus d’annoncer les bénéficiaires de l’aide sociale lorsqu’ils ont perçu un certain total de prestations d’aide sociale. Ce montant varie d’un canton à l’autre. À l’aide d’un questionnaire, l’Office des migrations examine ensuite année après année un avertissement, une rétrogradation ou une révocation.
Les services des migrations sont souvent beaucoup plus sévères. Alors que l’Office social confirme aux personnes concernées qu’elles font suffisamment d’efforts pour trouver du travail, l’Office des migrations estime que cela ne suffit pas, que la dépendance à l’aide sociale est due à leur propre faute. Selon la socialiste, cela sape également les efforts d’intégration et est délicat du point de vue de l’État de droit. C’est la raison pour laquelle même les cantons et les communes critiquent cette nouvelle pratique.
De nombreux parlementaires demandent donc de préciser dans la loi dans quelles conditions le retrait d’une autorisation est acceptable. Cela permettrait également d’uniformiser la procédure des différentes autorités.
Cela ne servira plus à rien pour Mudza E. Mais elle ne veut pas abandonner. Elle a déposé un recours contre son expulsion. Deux instances l’ont déjà rejetée: c’est maintenant au Tribunal fédéral de décider si elle sera expulsée.
* Nom connu de la rédaction
(Adaptation par Louise Maksimovic)