Cent ans après l’arrivée au pouvoir de Mussolini, l’Italie est à nouveau confrontée à un gouvernement d’extrême droite. Giorgia Meloni, la cheffe du parti Fratelli d’Italia, pourrait devenir Première ministre.
Si en Italie la population a largement voté pour l’alliance de droite, en Suisse, les choses sont allées autrement. Les Italiens expatriés vivant dans notre pays auraient fait échouer le camp de Giorgia Meloni s’ils avaient été aux commandes des élections dimanche passé. Les Suisses-Italiens ont largement plébiscité l’alliance de centre-gauche, comme le montrent les données du ministère de l’intérieur à Rome. Alors que les sociaux-démocrates et leurs alliés n’ont obtenu que 26% des suffrages en Italie, ils ont «gagné» en Suisse avec environ 40% des votes.
La droite arrive deuxième
L’alliance de droite de Giorgia Meloni, Matteo Salvini et Silvio Berlusconi a tout de même comptabilisé près de 37% des votes en Suisse. Un score nettement plus élevé qu’aux élections précédentes. Comme les Italiens ne pouvaient voter en Suisse que pour l’alliance de droite dans son ensemble, on ne sait pas combien de voix le parti d’extrême droite de Giorgia Meloni aurait obtenues individuellement.
Le meilleur résultat chez nous a été obtenu par le parti social-démocrate. Il a obtenu 30% des voix à la Chambre des députés et 36% au Sénat auprès des Suisses-Italiens. Dans la plupart des autres pays d’Europe occidentale et centrale, le centre-gauche a également obtenu des résultats plus élevés qu’en Italie. Les expatriés votent traditionnellement pour les démocrates et leurs alliés.
Faible participation électorale
Sur les plus de 300’000 Italiens qui peuvent voter en Suisse, seuls 28% l’ont fait: un taux historiquement bas. En Italie, le taux de participation était de 64%. C’est également nettement moins que lors des élections précédentes.
A noter que deux Italiens de Suisse vont siéger au Parlement de Rome dans les années à venir: Simone Billi de Wettingen (AG) pour la Lega (droite) et Toni Ricciardi de Genève pour les sociaux-démocrates. Tous deux représenteront les Italiens de l’étranger.
Toni Ricciardi est historien et travaille sur les questions de migration à l’institut sociologique de l’université de Genève. Il se réjouit de cette élection, mais s’inquiète de la montée de l’extrême droite. En tant qu’historien, il ne connaît que trop bien les événements du passé et parle de déjà-vu face au présent: «Nous sommes maintenant exactement à un siècle de la marche de Mussolini sur Rome.» Il craint que le climat social en Italie ne se détériore massivement.
Les négociations de postes pour un futur gouvernement sous Giorgia Meloni ont entre-temps commencé sur place. Et ces discussions font apparaître de premiers craquèlements au sein de l’alliance de droite.
Salivini à l’écart
Matteo Salvini, l’un des alliés les plus importants de Giorgia Meloni, pourrait repartir bredouille dans la course aux postes clés. La cheffe des Fratelli d’Italia s’oppose fermement à ce que le dirigeant de la Lega retrouve son ancien poste de ministre de l’Intérieur, a rapporté le quotidien «La Repubblica». Le parti du Milanais a chuté à moins de 9% lors des élections.
Le ministère de l’Intérieur ne devrait d’ailleurs pas être courtisé par Matteo Salvini: ce dernier est justement visé par un procès pour un incident survenu alors qu’il était encore en fonction. Il doit répondre de séquestration et d’abus de pouvoir devant le tribunal de Palerme dans l’affaire du navire de sauvetage en mer Open Arms. Le président de la République Sergio Mattarella pourrait donc s’y opposer à son retour.
En août 2019, les sauveteurs civils en mer ne se sont pas vus attribuer de port pour accoster: ils sont restés bloqués au large de l’île de Lampedusa avec jusqu’à 150 personnes à bord. Du point de vue de Matteo Salvini, l’Italie n’était pas apte à les recevoir. Le politicien défend encore aujourd’hui sa décision.
Les espoirs de Silvio Berlusconi ne devraient pas non plus se réaliser. Avant les élections, des rumeurs laissaient entendre qu’il convoitait le poste de président du Sénat.
Protocolairement, cette fonction est la deuxième plus importante après celle de président de la République. Mais, toujours selon la «Repubblica», l’ex-Premier ministre n’entrerait pas en ligne de compte, car les tâches qui y sont liées sont complexes et parfois physiquement éprouvantes. Agé de 86 ans, Silvio Berlusconi est également visé par un procès pénal.