Les femmes enceintes face au Covid
«Je me sens perdue entre tous ces avis d'experts»

De nombreuses femmes enceintes éprouvent des difficultés à se faire vacciner avec le Covid. La recommandation de vaccination de l'Office fédéral de la santé publique, très prudente et peu claire, n'aide pas. Pour certaines, il s'agit d'un réel dilemme.
Publié: 23.08.2021 à 11:51 heures
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Dernière mise à jour: 23.08.2021 à 16:42 heures
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Bea Fröhlich a demandé à deux médecins si elle devait se faire vacciner contre le Covid. Les réponses étaient contradictoires.
Photo: STEFAN BOHRER
Michael Sahli, Jocelyn Daloz et Alexandre Cudré (adaptation)

Les femmes enceintes qui envisagent de se faire vacciner contre le Covid n’ont pas la tâche facile. En effet, les recommandations officielles de vaccination ne sont pas claires: l’Office fédéral de la santé publique (OFSP) ne formule explicitement aucune recommandation si une femme enceinte ne présente aucun facteur de risque médical ou si elle exerce un métier particulièrement exposé.

Depuis mai, la piqûre est néanmoins possible pour toutes les femmes enceintes, après consultation d’un médecin et signature d’une déclaration de consentement. En Suisse, seulement 30% des femmes enceintes souhaitent se faire vacciner, comme l’a montré une récente enquête menée auprès de 1551 femmes enceintes au CHUV.

Le doute subsiste pourtant pour plusieurs d’entre elles. «Je me sens perdue entre les avis des experts», déclare Bea Fröhlich, 34 ans, de Zurich, qui attend la naissance de son bébé en novembre.

La future mère a demandé à deux médecins si une vaccination Covid était conseillée pour elle. Et elle a pu entendre deux opinions différentes. «Personnellement, j’étais plutôt favorable à la vaccination. Mais mon gynécologue me l’a clairement déconseillé.»

Deux médecins, deux opinions

Bea Fröhlich a demandé un deuxième avis via le médecin par téléphone de sa caisse d’assurance maladie et on lui a dit que la vaccination était fortement recommandée. Elle a décidé de ne pas le faire, mais avec un mauvais pressentiment: «Mon mari et moi veillons à éviter toute situation à risque.»

Daniel Surbek est médecin-chef de la clinique de gynécologie de l’hôpital de l’Île à Berne et membre du comité de la Société suisse de gynécologie et d’obstétrique (SSGO). Il exige de l’OFSP qu’il fasse enfin une recommandation de vaccination claire pour les femmes enceintes: «A mon avis, le moment est venu pour l’OFSP d’adapter la recommandation de vaccination pour les femmes enceintes et de la formuler plus ouvertement.»

Concrètement, cela signifie qu’il devrait y avoir une recommandation claire non seulement pour les femmes enceintes présentant des facteurs de risque médicaux ou des professions particulièrement exposées, comme c’était le cas jusqu’à présent, mais pour tout le monde.

Recommandation claire aux Etats-Unis

«Il y a deux semaines à peine, le CDC aux États-Unis, l’OFSP américain pour ainsi dire, a émis une recommandation claire de vaccination pour toutes les femmes enceintes», explique l’expert.

Et de poursuivre: «La SSGO travaille également sur ce sujet et en discutera avec l’OFSP. J’espère que le changement sera une question de quelques semaines et que nous serons prêts en septembre.» L’OFSP est réticent, se contentant de dire qu’il vérifie constamment les dernières données.

Un ajustement permettrait à la SSGO d’adapter également ses propres recommandations écrites sur la page d’accueil. Celles-ci sont basées sur les recommandations prudentes de l’OFSP. Résultat: ce qui est écrit sur sa page d’accueil contredit la recommandation claire de Daniel Surbek et du Comité de l’association, et rend encore plus confuse la vaccination des femmes enceintes. «Cette situation est inconfortable», avoue volontiers Surbek.

En Suisse, 300 femmes enceintes ont eu besoin de respirateurs

Sa recommandation est claire: «Vaccinez dès le deuxième mois de grossesse. Les chiffres augmentent à nouveau. Le risque est bien réel pour les femmes enceintes.»

Le médecin est bien conscient de cette situation de par son quotidien: «Malheureusement, il y a toujours des femmes enceintes qui sont en situation critique, en danger de mort, et qui doivent être ventilées.» Il estime qu’il y a eu 200 à 300 cas graves de ce type en Suisse depuis le début de la pandémie.

C’est un énorme fardeau pour toute la famille, notamment parce que beaucoup de femmes enceintes sont infectées par leur partenaire: «Ils s’en veulent ensuite lourdement parce qu’ils n’ont respecté les mesures de protection ou parce qu’ils n’ont pas été vaccinés.»

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