La Chine fait subir une pression considérable au commerce en ligne suisse. En particulier le nouveau venu Temu, qui a connu une ascension fulgurante en Suisse en l'espace de quelques mois.
Ce qui a fait réagir l'association des entreprises suisses du commerce de détail, la Swiss Retail Federation. Sa directrice Dagmar Jenni demande aux politiques d'agir: «Nous saluons toujours la nouvelle concurrence», explique-t-elle clairement à Blick. Mais selon elle, les règles du jeu doivent être les mêmes pour tous. Avec la situation actuelle, les fournisseurs chinois comme Temu sont «trop avantagés».
Des contrôles uniquement pour les Suisses
«Pour chaque produit, il existe en Suisse des prescriptions sectorielles ou la loi sur la sécurité des produits» explique ainsi Dagmar Jenni. Celles-ci définissent les critères qu'un produit doit respecter pour pouvoir être mis sur le marché en Suisse. Elles règlent également certaines obligations de mise sur le marché – c'est-à-dire les fabricants, les importateurs et les distributeurs, comme la quantité de chrome autorisée dans les jouets. Pour les produits, des instructions dans plusieurs langues et divers avertissements sont obligatoires.
Les commerçants doivent garantir le respect de toutes les ordonnances et sont régulièrement contrôlés par diverses autorités sous l'égide du Secrétariat d'État à l'économie (Seco). Les commerçants ont donc une lourde charge administrative et sont soumis à une obligation de responsabilité avec des dispositions pénales définies s'ils enfreignent les lois.
Mais les fournisseurs étrangers comme Temu, qui livrent directement à la clientèle, ne sont pas soumis à la législation et au contrôle suisses. Ils agissent en effet en tant que place de marché – une plateforme qui offre des services d'hébergement en ligne aux commerçants – et non en tant que vendeurs responsables de la mise en circulation des produits.
C'est d'abord une question de sécurité, selon certains experts
Ainsi, celui qui veut contester l'achat des câbles de recharge qui prennent soudainement feu ou de sucettes gavées de substances toxiques se retrouve désarmé. Il ne peut en effet indiquer sur le formulaire mis à disposition par la Confédération que le canton dans lequel le produit a été acheté. Or «il s'agit de questions de sécurité», argumente Dagmar Jenni.
La directrice de Swiss Retail Federation ne décolère pas: «Je ne comprends pas pourquoi la politique, la Confédération ou même la protection des consommateurs ne font pas plus d'efforts dans ce domaine!»
Car le problème n'est pas nouveau, selon elle. Avant l'arrivée de Temu sur le marché, de nombreux commerçants en ligne profitaient déjà de ce vide juridique. La présence agressive des Chinois n'a fait que remettre le problème sur le devant de la scène.
Dagmar Jenni souhaiterait que les produits venus de Chine fassent l'objet de plus de contrôles aléatoires et que les plateformes soient tenues pour responsables des produits. Car pour l'instant, il n'est pas possible de se retourner contre les fabricants en Chine. Une affaire de législation qui relève de la politique. Deux interpellations sont en suspens sur ce thème. Dagmar Jenni attend une réponse rapide.
«Temu utilise des influenceurs pour s'adresser à un public jeune»
Maurice Gauch, responsable du portail aeroshop.ch, est l'un de ceux qui ressentent le plus la concurrence exercée par Temu. Il vend par exemple des porte-clés avec l'inscription «Remove before flight» pour 3,90 francs. Or si l'on cherche son produit sur Google, on trouve d'abord des offres de Temu pour 1,58 franc ou en pack de 50 pour 22 francs.
En tant que petite place de marché, il n'a donc guère de chance face à la puissance marketing de Temu: «En plus de la publicité classique, Temu utilise des influenceurs pour s'adresser de manière ciblée à un public cible plus jeune» explique Maurice Gauch.
Temu tient en outre en haleine sa clientèle sensible au prix en rendant l'expérience d'achat divertissantes et en créant un comportement addictif: «90 % des clients de Temu achètent impulsivement des choses dont ils n'ont pas besoin ou qu'ils ne veulent pas vraiment» conclut Maurice Gauch.