L’achat des avions de combat F-35 est de nouveau sous le feu des critiques, exacerbé par l’approche America First de Donald Trump. Désormais, la gauche veut examiner la possibilité de renoncer aux achats d’armements américains, y compris les F-35. Cette demande figure dans un postulat du groupe socialiste au Parlement, qui sera déposé dans les prochains jours lors de la session parlementaire, confirme Samira Marti, coprésidente du groupe, à Blick.
Ces derniers jours, même des élus bourgeois ont exprimé des doutes sur l’achat des avions américains. Le libéral-radical (PLR) Josef Dittli, conseiller aux Etats uranais, a plaidé dans les médias du groupe Tamedia pour un réexamen des contrats d’acquisition des F-35.
Des engagements en cours
Face aux inquiétudes provoquées par les menaces et les incertitudes américaines, la Suisse est confrontée à un dilemme. D’un côté, l’achat des F-35 est déjà bien engagé, avec des paiements importants effectués. De l’autre, le temps presse. La flotte actuelle de F/A-18 doit être remplacée, sans quoi l’armée suisse ne pourra plus assurer la protection de l’espace aérien de manière autonome après 2030.
Le contrat, conclu avec Lockheed Martin, prévoit 36 F-35 pour un montant fixe de six milliards de francs. Selon Kaj-Gunnar Sievert, porte-parole de l'Office fédéral de l'armement (Armasuisse), la Suisse a déjà versé environ 650 millions de francs début mars. «D'ici fin 2025, d'autres versements d'un montant d'environ 310 millions de francs seront dus au gouvernement américain», précise-t-il, portant le total à près d’un milliard de francs déjà engagés.
Pas de peine conventionnelle
En théorie, la Suisse pourrait résilier le contrat d’achat avec les Etats-Unis sans pénalité, selon des sources internes. Toutefois, les frais déjà payés seraient irrécupérables, et la Confédération devrait assumer les coûts occasionnés d'une résiliation aux Etats-Unis par cette rupture.
Pour Kaj-Gunnar Sievert, un retrait du contrat serait une grave erreur: «Sans nouveaux avions de combat, la capacité de défense de la Suisse face aux menaces aériennes serait considérablement affaiblie», rappelle-t-il. Il souligne également que le peuple, le Parlement et le Conseil fédéral ont validé l’achat et que la guerre en Ukraine prouve l’importance de disposer d’une force aérienne moderne.
Werner Salzmann (UDC) défend également l’acquisition des F-35. «Il est dans l'intérêt même de la Suisse d'acquérir le F-35. C’est le seul avion technologiquement pertinent aujourd’hui et pour les décennies à venir», assure-t-il. Pour lui, les autres modèles seraient non seulement inférieurs en qualité, mais aussi plus coûteux à l’achat et à l’entretien.
Le conseiller aux Etats Werner Salzmann met en garde contre un retrait du contrat. Pour lui, cela ne pénaliserait ni Trump ni les Etats-Unis, mais la Suisse elle-même. Et d'ajouter: «Nous nous mettrions ainsi hors-jeu en matière de politique de sécurité.»
Un flot de questions
Alors que l’incertitude autour du F-35 grandit, plusieurs parlementaires comptent bien obtenir des réponses de Viola Amherd, ministre de la Défense, lors de l’heure des questions lundi.
Balthasar Glättli (Vert-e-s) interrogera le Conseil fédéral sur «la dépendance continue» aux logiciels américains et ses risques à long terme. Olivier Feller (PLR) demandera si le prix des F-35 pourrait augmenter de 20%. Fabian Molina (PS) proposera une revente des F-35 déjà achetés à un autre pays et suggérera l’achat d’une flotte d’avions de combat plus légers.
Même au sein du PLR, le scepticisme grandit. Thierry Burkart, président du parti, estime que l’arrêt de l’acquisition des F-35 serait une erreur. Cependant, il se montre de plus en plus critique envers la fiabilité des Etats-Unis et plaide pour une industrie européenne de l’armement plus forte. Un discours qui prend de l’ampleur dans la Berne fédérale, où certains commencent à parler d’Europe First au lieu d’America First.