L'épidémiologiste Klaus Stöhr
«Le variant Omicron annonce la fin de la pandémie»

La vague Omicron inquiète de nombreux épidémiologistes. Pourtant Klaus Stöhr y voit un signal d'espoir. Pour lui, cette mutation n'est rien de moins que la solution pour sortir de la pandémie.
Publié: 08.01.2022 à 05:58 heures
L'épidémiologiste Klaus Stöhr est confiant, l'épidémie arrive bientôt à son terme.
Photo: keystone-sda.ch
Guido Schätti

L’effondrement du système de santé n’est plus qu’une question de temps, avertissent certains épidémiologistes, d’autres n’osent même plus faire de pronostics. Il en va tout autrement de l’épidémiologiste allemand Klaus Stöhr, ancien scientifique de l’OMS et de Novartis résidant en Suisse. Il a un avis tranché sur la question Omicron – et exige une réorientation radicale de la politique en matière de pandémie.

Le variant Omicron sonne-t-il la fin de la pandémie?
Klaus Stöhr: Dans un certain sens, c’est effectivement le cas. Le variant annonce la transition vers l’endémie. Les évolutions de la maladie sont moins graves – le virus ne se multiplie plus autant dans les poumons, mais dans le nez et la gorge – et la période d’incubation se raccourcit.

Qu’est-ce qui se cache derrière tout cela?
Le virus s’adapte à l’homme parce que, sur le plan de l’évolution, il est désavantageux de tuer rapidement son hôte. C’est un processus classique que nous connaissons déjà pour d’autres virus qui sont passés de l’animal à l’homme. Depuis des siècles ou des millénaires, nous vivons quatre coronavirus endémiques qui causent 15 à 30% des maladies respiratoires en hiver. Omicron pourrait venir s’ajouter à la liste et devenir le cinquième.

Nous profitons donc du fait que le virus est plus inoffensif?
Non, la raison principale pour laquelle nous nous rapprochons de l’endémie n’est pas le virus en soi, même s’il a évolué. Mais c’est le renforcement immunitaire des individus. Une grande partie des gens ont désormais des anticorps grâce à la vaccination ou aux infections. Les réinfections sont donc moins graves.

L’homme s’est-il donc adapté au virus?
Je ne parlerais pas d’adaptation de l’homme, notre matériel génétique n’a pas changé. Mais le fait est que de nombreuses personnes sont aujourd’hui immunisées. C’est déterminant pour le passage à l’endémie. Le virus continue à circuler, mais les gens possèdent une certaine protection.

D’autres épidémiologistes évaluent la situation très différemment de vous. Ils estiment qu’au vu de la forte augmentation du nombre de cas, ce n’est qu’une question de temps avant que le système de santé ne soit à nouveau surchargé.
Cette estimation ne correspond pas aux données disponibles. Les chiffres en provenance d’Afrique du Sud, d’Angleterre et des Etats-Unis montrent que si le variant Omicron entraîne environ quatre fois plus de cas que Delta, le risque d’hospitalisation, lui, est quatre fois moins élevé.

Assiste-t-on à une stabilisation de la situation dans les hôpitaux?
L’écart se creuse: tandis que les infections explosent, dans la grande majorité avec des symptômes bénins voire absents, les admissions aux soins intensifs stagnent ou même baissent. Pour ce qui est des hospitalisations, la situation varie selon les pays, mais avec une tendance forte: les patients ont beaucoup plus rarement besoin d’une prise en charge intensive et d’oxygénation que durant les vagues précédentes.

En Suisse, les admissions à l’hôpital diminuent.
C’est aussi le cas en Allemagne et en Espagne. Dans d’autres pays, elles augmentent légèrement, voire significativement. J’ai une perspective très conservatrice. Pour moi, ce qui est décisif, c’est avant tout que les patients ne doivent pas rester longtemps à l’hôpital, voire se retrouver aux soins intensifs. Cela va dans le sens de la fin de la pandémie. A cela s’ajoute le fait que les patients positifs au Covid à l’hôpital n’ont pas forcément été admis à cause de la maladie. Ils ont pu simplement arriver avec une jambe cassée et se faire tester à l’entrée.

A Zurich et à Genève, de tels cas représentent environ la moitié des hospitalisations qui apparaissent dans les statistiques comme des cas Covid.
Cela met en évidence ce qui est réellement important: le virus circule de plus en plus dans la population sans être détecté, car dans de nombreux cas, il ne cause aucun dommage. Et pourtant, ce sont encore les cas qui comptent lorsque les autorités prévoient de nouvelles restrictions, bien que cette donnée soit de moins en moins pertinente.

Devrions-nous cesser de faire une fixation sur le nombre de cas?
Tout à fait. L’incidence s’est dissociée de la charge de morbidité. Le nombre de cas crève le plafond, alors que la charge de morbidité stagne. Nous devons nous demander si nous voulons lutter contre les résultats positifs en laboratoire ou minimiser les conséquences de la maladie.

Comment les autorités devraient-elles réagir?
Nous nous trouvons dans une période de transition. Nous ne pouvons pas simplement abandonner toutes les mesures de protection. Parmi les personnes de plus de 60 ans, un pourcentage considérable n’est pas vacciné, et nombre d’entre elles risquent de se retrouver aux soins intensifs même si elles tombent malades «que» du variant Omicron. Nous devrions toutefois entamer une désescalade progressive, retirer des mesures ciblées et voir ensuite comment la situation évolue.

Qu’est-ce que cela signifie concrètement?
Nous pouvons lever l’obligation de quarantaine pour les personnes en contact qui sont vaccinées. Mais en Allemagne, des classes entières sont encore envoyées en quarantaine dès qu’un seul cas d’Omicron est confirmé.

C’est également le cas en Suisse.
Vous avez au moins des différences entre les cantons. De mon point de vue, les tests de masse dans les écoles sont de moins en moins pertinents. Une enquête menée cet été en Hesse a montré qu’il faut 175’000 euros pour trouver un enfant asymptomatique. Avec cette somme, on pourrait s’acheter un petit appartement en Allemagne. Comprenez-moi bien: il s’agit avant tout de protéger les personnes dans les maisons de retraite et de soins et les autres personnes vulnérables. Il est par exemple tout à fait évident qu’il faut tester les enfants et les adultes avant une visite chez un grand-père atteint d’immunosuppression. Mais les tests de masses dans les écoles ne servent pas à cette fin.

Vous critiquez la fixation sur le nombre de cas. Devrait-on réduire la quantité de tests de manière générale?
Chaque mesure devrait permettre de résoudre un problème. Quel problème les tests de masse résolvent-ils, par exemple dans les écoles? Ou aux portes du pays? Je vois les choses différemment quand il s’agit des soins pour les personnes âgées et au sein de certains services d’hôpitaux.

Les partisans de restrictions sévères mettent en avant le risque de conséquences sur le long terme, même en cas d’évolution bénigne de la maladie.
Les données actuelles ne soutiennent pas la thèse catastrophiste qui présume 10 à 30% de cas de Covid long après une infection. En fait, les conséquences sur le long terme du Covid-19 sont comparables à celles d’autres maladies infectieuses comme la grippe.

Le virus reviendra-t-il en automne?
Tant que l’humanité existera, il ne disparaîtra probablement pas. Même en été, il circulera à un faible niveau, comme les autres virus du rhume. En automne, les cas augmenteront à nouveau, car les virus se sentent particulièrement à l’aise dans des conditions plus fraîches, humides et sombres.

Devrons-nous à l’avenir nous faire vacciner chaque automne?
Endémique signifie également que les enfants s’infectent naturellement, puis que les individus sont réinfectés toutes les quelques années, mais de manière bénigne. Si de nouveau variants apparaissent, alors l’hiver sera plus difficile. Pour les personnes de plus de 60 ans et dont le système immunitaire est affaibli, je suppose qu’une recommandation de se faire vacciner sera indiquée l’automne prochain. Mais si le virus continue à s’affaiblir, il est également possible qu’il ne soit plus nécessaire de se faire vacciner par la suite. Nous ne nous faisons pas non plus vacciner contre d’autres coronavirus. Tout cela reste à voir.


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