En 2015, 12% des candidats au Conseil national étaient issus de l'immigration. Cette fois, ils sont 14%. Que pensez-vous de cette évolution?
Il est positif que davantage de personnes issues de l'immigration se présentent comme candidats. Mais il est également important de tenir compte du fait que la population issue de l'immigration, qui possède un passeport suisse et qui peut se présenter, est en constante augmentation. Les personnes issues de l'immigration restent dans l'ensemble fortement sous-représentées sur les listes des partis.
De nombreux partis mettent en avant de manière très offensive des candidats issus de l'immigration, par exemple via des listes de «secondos». C'est juste pour la galerie?
On peut le voir comme ça. Les listes de «secondos» existent depuis longtemps. En principe, c'est positif, car cela augmente la visibilité. Mais la réalité, c'est que seuls ceux qui figurent en bonne place sur une liste principale ont de réelles chances d'être élus. Et cela arrive encore trop peu.
Lors des dernières élections au Conseil national, seuls 6% des élus avaient des noms étrangers, alors que ce chiffre était de 13% parmi les candidats. Pourquoi cette proportion diminue-t-elle autant lors des élections ?
Pour deux raisons. D'une part, un nom étranger a moins de chances d'être panaché ou cumulé, c'est-à-dire d'être inscrit deux fois sur une liste. Avec un nom suisse, cela arrive plus souvent et cela permet aux candidats de grimper dans les listes. D'autre part, un nom étranger augmente le risque d'être rayé de la liste par les électeurs. C'est ce qu'ont démontré nos recherches.
Même dans les partis de gauche qui se réclament de l'intégration, les choses n'avancent que lentement. Pourquoi?
Les réseaux sont décisifs. Cela commence dès l'entrée en politique: sans un mentor, il est difficile d'entrer dans les partis. Les gens encouragent généralement ceux qui leur ressemblent et qui viennent d'un environnement similaire. C'est là que les personnes issues de l'immigration sont désavantagées. Mais les réseaux jouent également un rôle central dans la campagne électorale: il faut être invité à des podiums, avoir des donateurs, etc. Et les réseaux sont enfin décisifs dans la lutte pour les bonnes places sur les listes électorales.
Comment se situe la Suisse en comparaison internationale?
La recherche sur la discrimination des minorités issues de l'immigration dans les processus électoraux démocratiques est encore récente. La Suisse apporte une contribution importante dans ce domaine, car il n'y a probablement aucun autre pays où l'on peut évaluer autant de données sur la question de la représentation et de la discrimination. Les recherches existantes en Europe vont toutefois dans le même sens: la discrimination fondée sur l'origine joue un rôle important dans les élections, alors que celle fondée sur le genre a fortement diminué.
Pourquoi faites-vous des recherches sur ce sujet?
Nous parlons ici de la discrimination d'un très grand groupe de population. Vingt pour cent de l'électorat suisse est issu de l'immigration et peut se présenter. Ces citoyens doivent pouvoir participer. Tant qu'ils n'auront pas de chances équitables de le faire, l'égalité politique ne sera pas atteinte en Suisse.
Que faut-il faire pour que cela change?
C'est très simple: les partis doivent positionner les personnes issues de l'immigration à des places prometteuses sur les listes. Ce n'est qu'en procédant ainsi qu'ils auront de réelles chances d'être élus.