C'est la fin d'un chapitre long de 54 années. Klaus Schwab, fondateur et directeur du World Economic Forum (WEF) à Davos, a été lâché par l'organisation qu'il avait fondée en 1971.
Le lundi de Pâques, Klaus Schwab a annoncé sa démission immédiate. A ce moment-là, rien ne laissait présager l'ampleur de cette discorde qui allait secouer la Suisse peu de temps après.
Le calme avant la tempête
Mardi encore, Klaus Schwab déclarait à la «NZZ» qu'il était arrivé à la conclusion qu'il lui faudrait trop d'énergie pour diriger le Forum en vue de la situation mondiale actuelle. Pourtant en bonne forme physique, il ne se voyait plus assumer cette tâche. «Ce n'est pas au fondateur de décider de sa succession», a-t-il jugé.
Mais il n'a fallu que quelques heures pour que la controverse apparaisse. Mercredi, le «Wall Street Journal» a mis en lumière les dessous sordides de cette démission abrupte. Citant plusieurs lettres anonymes de lanceurs d'alerte, le journal new-yorkais a révélé des reproches massifs à l'encontre de Klaus Schwab et de sa femme.
Des «mensonges purs et simples»
Il y était question de retraits d'argent liquide à hauteur de milliers de dollars, de massages dans des chambres d'hôtel et d'autres irrégularités – par exemple l'utilisation d'une somptueuse villa genevoise ou des voyages privés de sa femme déguisés en voyages d'affaires. Klaus Schwab a rapidement réagi par une prise de position détaillée dans laquelle il a fermement rejeté toutes les accusations. Il a qualifié de «mensonges purs et simples» les prétendus retraits d'argent aux distributeurs automatiques.
Le conflit s'est ainsi complètement envenimé. Comme l'ont rapporté des médias en se référant à l'entourage de Klaus Schwab, celui-ci aurait été interdit d'accès aux locaux de l'organisation et ne pourrait plus consulter à ses documents. Klaus Schwab lui-même a affirmé qu'il n'avait jamais eu l'occasion de se défendre contre ces allégations avant qu'elles ne soient rendues publiques. S'estimant victime d'une campagne de dénigrement, il a porté plainte contre X pour diffamation.
Qu'en est-il de ces accusations?
Mais comme l'organisation l'a confirmé à Blick, Klaus Schwab n'est pas interdit d'accès aux locaux. Son badge est toujours actif, il peut entrer dans le bâtiment et a accès à un ancien bureau pour y récupérer des notes ou des objets personnels, par exemple. Klaus Schwab peut également continuer à utiliser son téléphone portable professionnel. En revanche, il ne peut plus travailler dans le «Chairmans Office», car il n'a plus ce rôle. L'affirmation selon laquelle Klaus Schwab aurait été complètement exclu de l'organisation est donc fausse.
Le WEF contredit également un autre point central de la défense de Klaus Schwab. Selon l'organisation, son ancien directeur a bel et bien eu l'occasion de s'exprimer. Dans sa propre déclaration, Klaus Schwab écrit que le conseil de fondation a pris ses décisions «bien que je n'aie jamais eu l'occasion de prendre position par écrit ou personnellement sur ces accusations calomnieuses».
Klaus Schwab absent d'une réunion de crise
En fait, le conseil de fondation s'est retrouvé le dimanche de Pâques pour une réunion urgente et extraordinaire. Klaus Schwab aurait dû être présent, comme le confirme le WEF, mais il aurait toutefois annulé sa participation.
Les reproches vont maintenant être clarifiés dans le cadre d'une enquête externe. C'est le cabinet zurichois Homburger qui est chargé de cette mission. Habituellement, de tels examens consistent surtout à sauvegarder et à évaluer des documents et des correspondances disponibles sous forme électronique.
Créateur infatigable
Indépendamment de l'issue de l'enquête, la carrière de Schwab en tant que dirigeant du WEF se termine de manière tragique. Il quitte une organisation dont il avait jeté les bases en 1971 à Davos. Il s'est investi toute sa vie pour le Forum. Les collaborateurs à Genève le décrivent comme un travailleur infatigable qui, même pendant ses rares vacances, restait toujours en contact avec le secrétariat et fournissait des inputs et des idées depuis sa chaise longue.
Il n'est pas rare que les intérêts privés et professionnels se confondent dans une activité aussi intense et de longue durée. Ce n'est pas étonnant non plus que l'on puisse faire tomber un chef à cause d'une affaire de dépenses. Comme le confirme le WEF, les frais de Klaus Schwab et de sa femme Hilde étaient régulièrement contrôlés par un membre désigné de la direction de la fondation, généralement le chef des finances. La société Forvis Mazars a été mandatée comme organe de révision externe. Ils devront, eux aussi, tenter de faire la lumière sur cette affaire.
Des liens étroits problématiques
La relation étroite entre le couple Schwab et le WEF ne s'est pas seulement manifesté en janvier à Davos, lorsque Klaus et sa femme ont arpenté les halls du congrès et serré d'innombrables mains, du petit matin jusque tard dans la nuit. Les statuts du WEF, consultables publiquement sur le site Internet, témoignent également de cette étroite imbrication qui n'est pas sans poser un problème.
L'article 11 stipule clairement le droit au pouvoir de Klaus Schwab. Concrètement, il indique que «Monsieur Klaus Schwab, qui a fondé le Forum, ou au moins un membre direct de sa famille qu'il a désigné, est membre du conseil de fondation. Le fondateur désigne lui-même son successeur au sein du conseil de fondation et donc sa succession». Un droit qui lui a visiblement été refusé.