Le représentant des médecins suisses
«Nous sommes prêts pour la troisième dose!»

Philippe Luchsinger, président de l’Association des médecins de famille et de l’enfance suisses, est inquiet de l'évolution de la pandémie. Il peine à comprendre pourquoi certains Suisses refusent encore le vaccin. Interview.
Publié: 16.11.2021 à 06:08 heures
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Dernière mise à jour: 16.11.2021 à 06:23 heures
Philippe Luchsinger se dit inquiet de l'évolution de la pandémie en Suisse.
Photo: Keystone
Interview: Ruedi Studer

La pandémie de Covid-19 a mis et met encore les médecins généralistes à rude épreuve. La situation ne risque pas de s’améliorer prochainement. La troisième dose devrait arriver cette semaine encore. Philippe Luchsinger est président de l’Association des médecins de famille et de l’enfance suisses depuis cinq ans. Dans une interview pour Blick, il parle de vaccination et s’inquiète de l’augmentation du nombre de cas de Covid-19.

Les cantons sont prêts pour la troisième dose. Les médecins généralistes le sont-ils également?
Philippe Luchsinger: Oui, nous sommes prêts. Nous avons suffisamment de vaccins. Nous pouvons proposer la troisième dose à tous ceux qui le souhaitent! Dans notre cabinet, nous avons déjà commencé à administrer cette dose de rappel depuis la semaine dernière.

La troisième dose devrait être officiellement recommandée pour toutes les personnes âgées de plus de douze ans cette semaine. Vous soutenez cette décision?
Il faut attendre six mois avant de recevoir le vaccin de rappel. Cela nous donne le temps de bien nous organiser. Pour les plus jeunes, cela n’a pas d’importance si cette nouvelle dose est administrée quelques semaines après le délai.
Cependant, nous devons réfléchir à la manière de procéder à moyen terme. De nombreux cantons ont diminué la capacité de leurs centres de vaccination et ne savent pas précisément comment la situation va évoluer l’année prochaine au niveau de la vaccination. Les médecins généralistes et les pharmacies apporteront certainement leur contribution, mais les cantons manquent encore d’une stratégie à long terme – également sur le plan organisationnel.

La semaine nationale de la vaccination vient de se terminer. Qu’en retirez-vous?
Beaucoup d’argent a été dépensé pour peu de résultat. L’espoir que les personnes non vaccinées se jettent soudainement sur le vaccin a tourné court. Ceux qui voulaient être vaccinés l’ont déjà été. Les autres n’en veulent tout simplement pas.

Pouvez-vous expliquer cette réticence?
Non, je ne la comprends pas. Il est dommage qu’après presque deux ans de pandémie, encore autant de personnes ne réalisent pas à quel point cette maladie est dangereuse. Ils imaginent avoir un système immunitaire résistant, mais en réalité ils n’ont presque aucune protection contre le Covid-19.

Comment se fait-il que d’autres pays parviennent à atteindre un taux de vaccination plus élevé?
Chez nous, peu de personnes ont été réellement confrontées aux conséquences les plus dramatiques de la maladie, c’est-à-dire aux semaines passées aux soins intensifs, au long processus de rééducation, ou encore aux séquelles du Covid long. Les Suisses ne sont pas conscients des risques. C’est la différence avec le Portugal, l’Espagne ou l’Italie, où la population a vu ce qui peut arriver de pire.

L’hiver arrive à grands pas. A quoi vous attendez-vous?
Je suis très inquiet. Même si nous continuons à vacciner et à administrer une troisième dose, cela se présente mal au vu de l’évolution actuelle. Nous devrons probablement prendre d’autres mesures sous peu.

Est-ce qu’une stratégie plus stricte comme en Autriche est nécessaire?
Ce n’est pas réaliste chez nous – pour des raisons politiques. Jusqu’à présent, la Suisse a largement privilégié une stratégie basée sur des recommandations plutôt que sur des règles restrictives.

Alors, de quoi a-t-on besoin?
Tout le monde devrait garder ses distances, éviter les foules et limiter ses contacts dans la sphère privée. Si vous allez au théâtre, au cinéma ou à un match de hockey sur glace, vous devriez au moins porter un masque.

Que se passera-t-il si les hôpitaux sont surchargés?
Si le système de santé s’effondre, un confinement général sera de mise, pour les personnes non vaccinées, comme pour celles vaccinées. C'est à nous tous qu'il revient d’empêcher cela.

Avec l’hiver, les rhumes font leur retour. De nombreuses personnes peinent à savoir si elles ont un simple rhume ou si elles ont été infectées par le coronavirus.
Le problème est que certaines personnes ne se font pas dépister parce qu’elles pensent que c’est juste un rhume. Mais certaines d’entre elles sont en fait infectées par le virus et le propagent. Je recommande donc de faire un test si vous avez des symptômes! Nous devons savoir qui est infecté afin de garder la situation sous contrôle.

(Adaptation par Jessica Chautems)

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