Le président du SSP Genève vole au secours des entarteurs
«Les idées de Céline Amaudruz méritent de se faire entarter!»

Lorsque la conseillère nationale UDC Céline Amaudruz a failli se faire entarter au Club de débat de l'UNIGE, toute la République l'a soutenue. Enfin presque. Aujourd'hui, le syndicat SSP vole au secours des assaillants. Et son président ne mâche pas ses mots. Interview.
Publié: 14.01.2023 à 06:11 heures
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Dernière mise à jour: 14.01.2023 à 16:19 heures
Le SSP vole au secours des assaillants à la tarte. Et c’est bien le seul à le faire: hormis peut-être la députée d’Ensemble à Gauche Jocelyne Haller, tout Genève (et au-delà) a condamné la tentative d'attaque contre Céline Amaudruz. (Image d'illustration)
Photo: ERIC ROSET
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Daniella GorbunovaJournaliste Blick

«Décidément, c’est l’Union sacrée contre les pâtissiers!», peut-on lire dans un communiqué de presse pour le moins véhément, publié par la section genevoise du Syndicat des services publics (SSP). Son président, Vincent Bircher, y prend la défense des entarteurs de la conseillère nationale Céline Amaudruz: Cette dernière a été visée par une attaque à la tarte ratée le 21 décembre, lors d’une intervention au Club de débat de l’Université de Genève (UNIGE). L’attentat pâtissier a été revendiqué sur le site du média de gauche radicale «Renversé» via un billet anonyme. Leur identité précise n’est pas connue, mais les assaillants, ou l’un d’entre eux du moins, seraient liés à la Conférence universitaire des associations d’étudiant.e.x.s (CUAE) qui, elle, a défendu l’action sans la revendiquer.

Après quelques tergiversations, le Rectorat a décidé de poursuivre l’acte en justice, à l’image de l’élue de droite, qui a très vite déposé une plainte. C’est cette décision, tombée ce mercredi, qui a poussé le SSP à voler au secours des assaillants. Et c’est bien le seul à le faire: hormis peut-être la députée d’Ensemble à Gauche Jocelyne Haller, tout Genève (et au-delà) a condamné l’attaque à la tarte. Des politiciens et politiciennes de tous bords le qualifiant même de «menace pour la démocratie».

Vincent Bircher n’est pas d’accord. Dans son communiqué, au style très émotionnel, il écrit notamment: «Rappelons-le à nouveau: il ne fut question que de crème. […] Toute cette affaire n’est qu’une tempête dans un verre de lait. Dont d’aucuns et d’aucunes se sont hâtivement emparé-es. Histoire de préparer les élections qui viennent […]. C’est fort bien joué mais la ficelle est un peu grosse. La politique politicienne, décidément, ce n’est pas de la tarte…»

Contacté par Blick, le syndicaliste vole en effet au secours des «agresseurs» – contre l’avis de la majorité. Il dit vouloir replacer cet incident «dans son contexte». Nous lui avons posé quelques questions sur cette prise de position.

Vincent Bircher, pensez-vous que Céline Amaudruz mériterait de se prendre une tarte en pleine figure?
Ses positions politiques, en tout cas, mériteraient d’être régulièrement entartées, oui! Symboliquement du moins. Ses réponses aux questions migratoires, par exemple, sont très problématiques… et véritablement dangereuses pour des milliers de personnes – contrairement à un entartage raté. Elle et son parti ont voulu augmenter les taxes universitaires pour les étudiants. Bref, la liste est longue. Céline Amaudruz est une véritable adversaire pour la classe ouvrière, les milieux estudiantins et les migrantes et migrants. Elle dit qu’elle a eu très peur, lors des faits. J’imagine que les migrantes et les migrants qui traversent des mers pour se réfugier ici, et qui se retrouvent parqués dans des centres glauques, auront une pensée très émue à l’égard de la peur qu’elle a pu ressentir pendant quelques secondes…

Donc, vous défendez les entarteurs?
Oui. Ce que nous dénonçons surtout, dans notre communiqué, c’est l’attaque portée contre la CUAE. Ce sont des collègues, des personnes avec qui nous travaillons régulièrement, et qui défendent les intérêts des universitaires. Et nous voulons aussi relativiser l’esclandre médiatique qui a suivi cet entartage raté. On oublie qu’il s’agit avant tout d’un geste symbolique, qui vise à dénoncer les idées de cette politicienne. On crie à la mort de la démocratie et de la liberté d’expression, ces concepts si flous, sans qu’aucun avis critique ne s’érige dans la masse.

En tant que syndicat, vous luttez contre toutes sortes de violences. Mais vous défendez cette violence-ci?
Nous pouvons discuter de la forme qu’a prise cette contestation. Évidemment, personne n’a envie de se faire entarter. Mais il faut recontextualiser… ce n’était pas une attaque au couteau, non plus! Surtout, je rappelle que nous n’avons pas pris position sur l’entartage en tant que tel, mais sur ses suites, que le SSP trouve complètement hors sol.

Ça ne vous pose pas problème, que ces personnes aient agi encagoulées?
Elles ont choisi leur approche. Ce n’est pas celle que nous défendons en tant que syndicat, mais ça, c’est leur problème.

Ni qu’elles s’en soient aussi prises au public, déversant un liquide nauséabond (du purin d’orties) sur les gens?
Je n’étais pas au courant de ce détail.

Si c’était arrivé à une femme de gauche, vous auriez réagi pareil?
Je pense que c’est déjà arrivé à une femme de gauche, qui n’a certainement pas porté plainte après. L’attentat pâtissier, c’est avant tout un acte qui chercher à dénoncer, de manière provocante certes, des positions politiques problématiques. Lorsqu’on fait de la politique, les règles du jeu veulent qu’on s’expose publiquement. Y compris s’exposer à la tarte. La pratique existe depuis des décennies, et elle n’est certes pas la meilleure pour exprimer son désaccord. Mais je ne pense pas qu’un entartage mette notre démocratie en péril, comme le prêchent ses détracteurs. Le SSP appelle simplement à retrouver un peu de bon sens.

En parlant de bon sens, votre communiqué de presse ressemble davantage à un texte en roue libre. Vous ne craignez pas que ce ton émotionnel vous décrédibilise?
Encore une fois, n’oublions pas ce qu’est, de base, un attentat pâtissier: c’est un acte de contestation clownesque. Qui cherche à mettre en évidence le ridicule du discours d’une personnalité publique. Il y a beaucoup de second degré, dans cet acte. Nous voulions donc adopter une forme hyperbolique dans le texte pour faire écho à ce second degré.


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