Jean-Marc Jeanneret n'est pas du genre à débiter des stères de langue de bois lorsqu'il s'exprime sur un sujet. Peu importe si la thématique est sensible ou non. Le président de la VSS, l’association suisse des professionnels de la route et des transports, dit ce qu'il pense, comme il le pense.
La prochaine assemblée générale de l'association aura lieu le 7 juin. Et le Neuchâtelois est inquiet. Selon lui, les pouvoirs publics tenteraient discrètement de prendre le pouvoir au sein de l'organisation qui rédige et administre le recueil de normes suisses de construction routière. Du jamais-vu, assure à Blick Jean-Marc Jeanneret, qui parle même de tentative de «putsch». Interview.
Jean-Marc Jeanneret, je vous vois bouillonner. Qu’est-ce qui vous énerve?
Parlons franchement: les pouvoirs publics essaient de putscher la direction de la VSS, l’association suisse des professionnels de la route et des transports que je préside. Ma carrière professionnelle et associative est longue et je n’ai jamais vécu une situation similaire! Je peux vous l’assurer.
Parler d’un coup d’État des pouvoirs publics, n’est-ce pas un peu fort?
Non. Pour comprendre le pourquoi du comment, il est nécessaire de s’intéresser à la structure organisationnelle de la VSS, qui rédige et administre le recueil de normes suisses de construction routière. D’abord, il faut rappeler que c’est une association indépendante et privée. Elle regroupe au total près de 2400 professionnels, entreprises et institutions des secteurs privé et public. Nous veillons tout particulièrement à ce qu’il y ait un équilibre entre les différents groupes d’intérêts.
Si équilibre il y a, vous ne risquez rien, non?
Au contraire! Quatorze cantons, dont ceux de Fribourg, Genève, Vaud, Valais et Jura, défendront trois motions — auxquelles notre comité s’oppose — lors de notre assemblée générale du 7 juin. La plus problématique, même si elles le sont toutes, veut que nous changions de système et passions à la pondération des droits de vote.
C'est-à-dire? Et en quoi cela serait problématique?
Si l’assemblée générale votait cette motion, il y aurait une conséquence principale délétère: les grandes institutions membres gagneraient en influence au détriment des plus petites. Concrètement, ce seraient surtout les pouvoirs publics — la Confédération, les cantons, les villes, les communes — qui obtiendraient plus de pouvoir au détriment des entreprises, des bureaux d’ingénieurs et des particuliers, qui apportent pourtant une contribution substantielle à la VSS. Ce n’est pas anodin et les cantons motionnaires le savent très bien.
Pourquoi donc les pouvoirs publics veulent-ils gagner en influence au sein de la VSS?
Je me suis beaucoup posé la question et, à part des luttes de pouvoir personnelles, je ne vois pas.
Vous pensez donc sincèrement qu'il n'y a rien d'autre qu'une question de personnes là-derrière?
Absolument. J’imagine même que certains ingénieurs cantonaux, qui ont signé lesdites motions, se sont lancés dans cette démarche sans l’aval de leur chef de département. Je serais vraiment surpris que leurs supérieurs aient validé une telle bêtise.
Prenons un peu de hauteur. Se clasher avec les pouvoirs publics alors que vous êtes un lobby national de la route, cela ne vous met pas dans l’impasse?
Non. Aussi parce que nous ferons tout pour éviter le clash lors de notre assemblée générale. Sauf surprise, la catastrophe ne devrait pas avoir lieu. Malgré les efforts de ces 14 cantons pour y parvenir. Mais nous voulons être clairs une bonne fois pour toutes: la VSS doit rester paritaire. Quoi qu’en disent les pouvoirs publics.