Michael Schumacher venait de décrocher le sixième de ses sept titres de champion du monde en novembre 2003. Le pilote Ferrari vivait encore à Vufflens-le-Château (VD) en attendant la fin du chantier de son immense propriété de Gland (VD). Profitant d’une période d’oisiveté bien méritée après une saison de courses extrêmement disputée, le Bavarois s’était offert une visite surprise chez Medicatech, une PME familiale de la région spécialisée en instrumentation chirurgicale. But de l’expédition: découvrir l’intrigant jouet dont on lui avait parlé, une réplique à l’échelle 1:3 et radiocommandée de sa Ferrari F2002.
Mille heures de travail
Ce jour-là, chez Medicatech (à l’époque à Yens et désormais à Aubonne), la réplique du bolide italien était fièrement fixée sur un mur. Mais cela faisait quand même six mois que ce bijou avait été achevé et présenté aux médias locaux. Autant dire que l’irruption tardive de Michael Schumacher sur le parking avait été un choc et reste le souvenir le plus mémorable de ces industriels. En fait, le fils du fondateur de Medicatech, Stéphane Andrist, avait bien essayé quelque temps auparavant d’attirer le Kaiser de la F1 dans son entreprise à la faveur d’une rencontre fortuite dans une station-service. Mais la démarche ne semblait pas avoir abouti et ce fan de formule 1 et de Schumi en avait fait son deuil.
Finalement, l’idole était bel et bien venue, en pantalon d’ouvrier, sympa et ravi de découvrir le fantastique jouet qu’il avait lui-même inspiré. Schumacher est resté une vingtaine de minutes dans un atelier de Medicatech devant cette prouesse d’ingénierie et d’imitation avant d’apposer de bonne grâce sa signature sur l’aileron arrière de ce bolide de 178 cm de long. Une consécration pour les concepteurs.
Des roues de karting
Ce projet de réplique du bolide de Maranello était né trois ans plus tôt sous l’impulsion de Daniel Andrist, qui avait fondé Medicatech en 1979. Le patron voulait un défi «exceptionnel et exigeant pour servir de fil rouge dans la formation de notre apprenti mécanicien». C’est donc un jeune homme de 17 ans, Thierry de La Harpe, sous la supervision de Stéphane Andrist, qui allait se lancer dans ce travail mécanique de bénédictin. Faute de plans de l’original (Ferrari n’ayant même pas répondu à la requête audacieuse, pour ne pas dire irréaliste des Vaudois), il avait fallu se contenter d’un jouet de 10 cm de long pour servir de base à cette reconstitution. Un membre de la famille des industriels, Philippe Comte, spécialiste du dessin assisté par ordinateur a permis au jeune apprenti d’acquérir les compétences pour réaliser tous les dessins techniques nécessaires à la fabrication des pièces.
L’échelle du modèle réduit d’un tiers avait été dictée par le recours à des roues de kart, les roues étant un des rares éléments que ces virtuoses de l’usinage ne pouvaient pas fabriquer eux-mêmes. Et pour propulser cet engin de 32 kilos à 80 km/h, les concepteurs ont monté, transversalement dans le châssis, deux moteurs de modèle réduit de 53 cm3 chacun.
Retrouvailles vingt ans après
La direction de Medicatech (François Blondel, Stéphane Andrist et Jonathan Julio) a décidé de mettre en vente ce trophée pour financer l’indispensable recherche et développement dans une branche, l’instrumentation chirurgicale, où la concurrence est âpre. Il fallait donc réviser toute la mécanique, donner un coup de jeune à la carrosserie et remplacer l’ancienne technologie de radiocommande par un standard actuel. Stéphane Andrist, Thierry de La Harpe et un ami proche, Alain Fontana, spécialiste motoriste, se sont ainsi retrouvés soirs et week-ends pendant trois mois, devant leur créature.
Le bijou vaudois, lot vedette de cette vente consacrée à la formule 1, sera exposé du 2 au 6 juillet au Whittlebury Park Hotel, à proximité du circuit de Silverstone. C’est dans ce vaste établissement équipé d’un golf que résident traditionnellement les pilotes et les équipes de formule 1 engagés dans le mythique Grand Prix anglais, qui se déroulera le dimanche 7 juillet. Qui sait si ce n’est pas un pilote Ferrari (Leclerc ou Sainz), un ancien pilote Ferrari (Alonso) ou un futur pilote Ferrari (Hamilton), tous encore en activité, qui tombera raide dingue de la «F1 de La Harpe» et qui surenchérira lors de la vente du 4 juillet?
Dubaï voulait le fabriquer en série
Cette mise aux enchères aurait pu ne jamais avoir lieu, nous explique Jonathan Julio, directeur général de l’entreprise depuis cinq ans: «Un jour, lors d’une présentation de notre F1, des gens des Emirats arabes unis, enthousiasmés par ce projet, nous avaient proposé non seulement de l’acquérir mais aussi de la produire en série afin de crée un championnat de cette catégorie dans leur pays!» La proposition avait alors été poliment déclinée. Les entrepreneurs émiratis prendront peut-être leur revanche le 4 juillet prochain en remportant la mise dont le prix de départ a été fixé à 150'000 francs.