Les sénateurs confirment ainsi leur première décision. En juin de l'année passée, ils avaient déjà donné leur feu vert, en rejetant largement une motion identique. Les débats sur la vente de la «perle» de l'industrie suisse ont cette fois été plus nourris, la commission compétente ayant recommandé son arrêt.
En cas de vente, le maintien du site de Thoune serait incertain. Une perte de savoir-faire, de places de travail et d'apprentissage serait à craindre, a relevé Thomas Minder (Ind/SH) au nom de la commission. Maintenir l'entreprise dans les mains de la Confédération permettrait en outre d'éviter que des données classifiées n'atterrissent entre de mauvaises mains.
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«Aucun pays ne vendrait sa fabrique de munitions»
La sécurité de la Suisse et l'autonomie de son armée seraient mises en péril, s'est inquiété Werner Salzmann (UDC/BE), à l'origine de la motion. «Aucun pays ne vendrait sa fabrique de munitions.» Ruag Ammotec ne produit certes pas toutes les munitions utilisées par l'armée suisse, a complété Daniel Jositsch (PS/ZH). «Mais plus l'entreprise en produit, mieux c'est.»
Et le Zurichois de rappeler la situation des masques pendant la crise de coronavirus. «En temps de pandémie, tout le monde veut acheter des masques. La situation sera la même pour les munitions lors d'une crise. La reconstruction des installations de production arriverait trop tard.»
Une dépendance de l'étranger déjà présente
Ruag Ammotec n'offre qu'une «autonomie de façade», leur a opposé Thierry Burkart (PLR/AG). L'entreprise ne produit que des munitions de petit calibre. Elle n'en fabrique pas pour les armes plus grandes, ni même les tanks, a complété Josef Dittli (PLR/UR). De plus, les matières premières elles-mêmes doivent être importées.
«Les corps de police utilisent par ailleurs des munitions achetées à l'étranger pour leurs entrainements. Elles sont d'une qualité presque aussi bonne pour un coût nettement meilleur marché», a pointé Charles Juillard (Centre/JU). «Il existe déjà une dépendance par rapport à l'étranger», a conclu Josef Dittli.
Charles Juillard a encore rappelé que «si les frontières ferment, la Suisse ne pourra importer ni munitions ni matières premières servant à les fabriquer». Les réserves de munitions sont en outre beaucoup plus élevées que celles de masques.
Des munitions suisses en Afghanistan
Ruag Ammotec exporte actuellement 80% de ses produits, a rappelé le ministre des finances Ueli Maurer. «L'Etat doit-il produire des munitions pour 40 pays afin d'assurer sa propre production?» Selon lui, ce n'est pas nécessaire. Au contraire, cela représenterait même un risque de réputation pour la Suisse. Des munitions pourraient se retrouver dans des pays en guerre. Et de rappeler que certaines d'entre elles ont été découvertes en Afghanistan. Il a été suivi.
Dans la foulée, le Conseil des Etats a rejeté par 19 voix contre 18 et quatre abstentions une motion de commission exigeant que les acquéreurs indigènes soient privilégiés en cas de vente. «Le Conseil fédéral a toujours poursuivi ce but», a expliqué Ueli Maurer. Ce mandat sera rempli avec ou sans motion.
(ATS)