Lorsque Franz Perrez a pris ses fonctions de chef de la Direction du droit international public au Département des affaires étrangères (DFAE) en mars 2023, il avait déjà pas mal de crises sur les bras, avec l'attaque de Poutine contre l'Ukraine et 120 autres conflits armés sur la planète.
Puis vint le 7 octobre. Plusieurs milliers de terroristes du Hamas ont attaqué Israël, tué 1200 personnes et capturé 251 otages, rallumant ainsi l'incendie au Proche-Orient. Selon les données palestiniennes, les attaques de l'armée israélienne dans la bande de Gaza ont depuis fait plus de 44'000 morts. Sur ce compte effrayant, Tsahal assure avoir tué 17'000 terroristes du Hamas. Le droit international est de plus en plus sous pression et la Suisse humanitaire est d'autant plus sollicitée. Franz Perrez, lui, est devenu indispensable.
De Monsieur Climat à Monsieur droit international
Pendant douze ans, ce Lucernois a dirigé la division Affaires internationales de l'Office fédéral de l'environnement (OFEV) et a été le négociateur des conférences mondiales sur le climat, de Cancún (Mexique) à Charm el-Cheikh (Egypte). Après Monsieur climat, le voici donc devenu Monsieur droit international public.
Le secrétaire général de l'Union démocratique du centre (UDC) Henrique Schneider est l'un de ceux qui se montrent enthousiastes à l'égard de l'ancien ambassadeur de l'environnement. Certes, Henrique Schneider souhaiterait une interprétation stricte de la neutralité suisse. Mais «Franz fait un super travail en tant que spécialiste du droit international». Une ancienne collaboratrice du DFAE, membre du parti socialiste, déclare d'ailleurs à son égard: «Franz Perrez est l'un des meilleurs que le DFAE ait à offrir.»
Dans un entretien avec Blick, Franz Perrez assure pouvoir travailler en toute indépendance. Il ne reçoit aucune directive du conseiller fédéral Ignazio Cassis sur la manière dont ses analyses juridiques doivent être menées. En politique intérieure, l'initiative sur la neutralité est un sujet brûlant pour le spécialiste.
Mercredi, le directeur du droit international public est apparu aux côtés d'Ignazio Cassis et a expliqué pourquoi une ceinture rigide pour la neutralité était préjudiciable à la Suisse. Et en politique étrangère? La position suisse dans le conflit du Proche-Orient fait parler d'elle.
Les Etats-Unis ont tenté d'empêcher une conférence
Dès la fin de l'année 2023, les Palestiniens ont exigé que la Suisse, en tant que gardienne de la Convention de Genève, convoque une conférence pour discuter des violations du droit international humanitaire à Gaza. Comme l'a révélé le «Huffington Post», les Etats-Unis ont alors tenté de dissuader la Suisse de le faire. En janvier 2024, Franz Perrez s'est rendu à Tel Aviv, Jérusalem et Ramallah et a expliqué que pour organiser une telle conférence, il fallait un mandat de l'Assemblée générale de l'ONU.
En tant qu'Etat dépositaire des Conventions de Genève, la Suisse est particulièrement interpellée sur ce sujet. «Nous sommes une sorte de notaire auprès duquel les Conventions de Genève sont déposées», explique Franz Perrez. «En tant que notaire, nous sommes impartiaux. En tant que Suisse humanitaire, en revanche, nous sommes partiaux et nous nous rangeons du côté du droit international humanitaire.»
En septembre, l'Assemblée générale de l'ONU a officiellement donné à la Suisse le mandat d'organiser une conférence sur le droit international. Les critiques d'Israël ont suivi immédiatement. «La résolution vise à punir un pays démocratique qui défend ses citoyens», a déclaré l'ambassadrice israélienne à Berne, Ifat Reshef, à Blick. Franz Perrez à aussitôt rétorqué: «Israël était au courant. J'ai trouvé cette critique un peu étonnante. Nous avons un mandat clair de l'Assemblée générale de l'ONU. Il est de notre devoir d'y répondre. Il ne s'agit pas d'une conférence politique sur la paix, mais d'une conférence sur l'application des Conventions de Genève. Nous n'arriverons à rien avec du bashing réciproque.»
La Russie et les Etats-Unis sapent la Convention de Genève
Franz Perrez tient à ce qu'il n'y ait pas de retour en arrière dans le droit international. Cela ne concerne pas seulement le conflit au Proche-Orient, mais toutes les crises géopolitiques. «Nous voyons au Conseil de sécurité que des formulations qui figurent dans la Convention de Genève ne sont en partie plus approuvées.» Non seulement la Russie, mais aussi les Etats-Unis veulent parfois revenir sur la convention de 1949. Mais Franz Perrez reste néanmoins optimiste. «Nous avançons à petits pas.»
Actuellement, Franz Perrez s'occupe d'autres chantiers diplomatiques. Il analyse pour le Conseil fédéral ce que signifie pour la Suisse l'avis de la Cour internationale de Justice de La Haye sur les territoires occupés. La CIJ a constaté cet été que le gouvernement de Jérusalem agissait illégalement sur le sol palestinien. L'expertise stipule: «Israël doit immédiatement mettre fin à toute nouvelle activité de colonisation, évacuer toutes les colonies et indemniser les dommages causés.» Aucun pays ne doit soutenir la poursuite d'une situation illégale, a-t-il ajouté.
Que doit faire la Suisse? Franz Perrez ne veut pas donner de réponses toutes faites par crainte d'anticiper le Conseil fédéral. Mais selon le droit suisse, voici un exemple qui est déjà défini comme illégal: «Le vin de Cisjordanie ne doit pas être vendu comme du vin israélien.» Reste à savoir si une professeure de l'EPFZ peut continuer à coopérer avec l'université Ariel dans les territoires occupés. «Nous sommes maintenant dans la phase finale de l'analyse. A la fin, le Conseil fédéral décidera de ce qu'il convient de faire sur le plan politique», explique Franz Perrez.
La RTS irrite le DFAE
C'est sans doute sa nature accessible et sa clarté sur les questions délicates qui font que Franz Perrez est apprécié de la gauche à la droite – même si le plus grand spécialiste du droit international public de Suisse ne peut pas plaire à tout le monde.
Actuellement, le DFAE se dispute avec la RTS. Et ce, parce qu'elle avait révélé que le DFAE s'était penché sur la question de savoir si une suppression des fonds suisses de l'UNRWA constituait une «violation de la convention sur le génocide» et si la Suisse pouvait être accusée pour cette raison. «Nous avons examiné cette question et sommes arrivés à la conclusion suivante: Nous ne sommes pas complices d'un génocide présumé. On peut toujours être inculpé, mais je ne peux pas m'imaginer que nous serions condamnés», assure Franz Perrez.
Le DFAE critique la RTS, car elle n'a pas retransmis la déclaration de Franz Perrez dans son téléjournal. La RTS aurait ainsi enfreint les règles journalistiques de base. De son côté, la RTS réfute ces accusations: «Les faits présentés dans le reportage sont corrects et, selon notre compréhension, ne sont pas contestés par le DFAE.» Toutefois, la RTS aurait décidé par la suite et «de son plein gré» de «diffuser l'interview complète de Monsieur Perrez sur RTSinfo.ch, dans un souci de transparence». Selon le DFAE, un entretien de clarification avec la RTS devrait avoir lieu prochainement.