Sur une même image, l’auteur de l’attaque au couteau à Mannheim et Nemo sont côte à côte. Avec ce montage — franchement mal fichu — la section jeune de l’Union démocratique du Centre (UDC) associe le terrorisme islamiste et l’artiste non-binaire ayant remporté l’Eurovision, relève «20 minutes» ce mercredi 5 juin.
Sur leur page X, les «Jung SVP Schweiz» qualifient aussi bien l’un que l’autre de «menaces contre notre liberté» qu’il s’agirait de stopper. Avec ce photomontage sur fond blanc, les Jeunes UDC ont réussi leur coup: faire parler d’eux et de leurs obsessions pour les «wokes» et l’islam.
En réponse, des dizaines de commentaires crient au «racisme», au «manque criant de sophistication» et à la «connerie» d’imaginer que l’existence de Nemo dans sa non-binarité est une atteinte aux libertés des Suisses. Cité par «20 minutes», le président de la Jeunesse socialiste Nicola Siegrist défend que «Nemo se bat pour une liberté que les Jeunes UDC rejettent».
Deuxième essai tout aussi discriminant?
Il faut dire qu’il s’agit d’une deuxième tentative. Début mai dernier, une première affiche du même genre avait été interdite de placardage à Bâle-Ville, car considérée comme discriminatoire par les autorités cantonales. À gauche, le dessin d’un homme armé d’un couteau, dont on distingue qu’il est arabe derrière sa cagoule noire.
Et à la place de Nemo, un homme encapuchonné est vêtu d’une écharpe arc-en-ciel, prêt à taguer quelque chose à l’aide de sa bombe de peinture. Deux criminels en puissance, donc. Après l’interdiction, la section jeune du premier parti de Suisse avait alors annoncé sa volonté de porter plainte contre le canton de Bâle-Ville pour atteinte à sa liberté d’expression.
«Comme par hasard…»
À la suite des nombreuses critiques outrées, les Jeunes UDC Suisse se sont justifiés sur X le 3 juin, en campant sur leurs positions. Pour leur argumentation, ils font appel à «la réalité»: «Comme par hasard, l’auteur afghan de l’attentat ressemble presque à l’extrémiste islamiste de notre affiche. De même, la personne non-binaire à droite de l’affiche ressemble étrangement au non-binaire Nemo.»
Dans le même post, le président des Jeunes UDC Nils Fiechter éclaircit le lien Nemo-menace contre la liberté. «Prétendument apolitique, Nemo exige l’introduction d’un soi-disant 'troisième sexe'. Il exige que nous, citoyens, accordions une importance disproportionnée aux sentiments subjectifs et non scientifiques de certains et que nous niions les faits biologiques.»
Le président de l’UDC Vaud ne se mouille pas
Ce mercredi 5 juin, Blick a confronté le président de l’UDC Vaud, Kévin Grangier, à cette publication et aux réactions qu’elle a engendrées sur les réseaux sociaux. «Les Jeunes UDC répondent à la provocation par la provocation, se contente de commenter le membre de la direction de l’UDC Suisse. Si on le leur reproche, alors il faut le reprocher à passablement de monde.»
La question a été posée, mais on ne saura pas s’il condamne ou s’il cautionne le montage polémique des jeunes représentants de son parti. Ni d’ailleurs ce qu’il pense de la représentation de Nemo en ennemi de la liberté, l’associant à un criminel. Le responsable politique se distancie: «Commenter les faits et gestes des protagonistes concernés ne fait qu’alimenter ce que je dénonce. C’est donc par cohérence que j’y renonce.»
Démocratie et population prises en otage?
Mais que dénonce-t-il? Selon le politicien vaudois, «on ne débat plus, on étiquette». Il estime que «la démocratie et la population sont prises en otage par cette fuite en avant.» Traduction? Associer Nemo à la criminalité dans cette affiche serait tout aussi étiquetant que d’associer les Jeunes UDC à des mouvements d’extrême-droite. Cela dit, les liens avec les groupements tels que Junge Tat existent bel et bien et créent des tensions internes, comme le montre le cas de la responsable de la stratégie des Jeunes UDC.
Pas très fan de ces échanges de politesses sur les réseaux sociaux, Kévin Grangier continue sur sa lancée: «Plus personne ne respecte l’avis divergent et chacun s’enferme dans sa bulle idéologique, préférant se dire outré et agressé, menaçant de porter plainte pour tout, plutôt que d’argumenter et débattre.»