«Ce qui t'attend? Des sensations fortes: les femmes exerçant ce métier ont neuf fois plus de risques d'être violées. Ce que tu apportes? L'absence de perspectives: tu vis dans la misère, tu n'as pas d'alternative ou ton ami est un loverboy. Ce qui s'offre à toi? Des souvenirs qui te poursuivront toute ta vie. Nos taux de troubles de stress post-traumatique sont comparables à ceux des vétérans de guerre.»
Voilà la description du poste pour un stage dans la maison close «La Perte». Si l'offre d'emploi est factice, les conditions, elles, sont bien réelles. Avec cette campagne numérique, le Centre des femmes (Frauenzentrale Zürich) et l'association Heartwings veulent diffuser un signal contre la prostitution. Un court-métrage donnant un aperçu du travail des prostituées sera également diffusé sur les canaux sociaux LinkedIn, YouTube, Facebook et Instagram. La campagne sera lancée le 5 octobre, journée internationale contre la prostitution.
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L'action montre clairement que la prostitution n'est pas un choix libre, mais une forme d'exploitation et de violence envers les femmes. L'annonce d'emploi a été élaborée en collaboration avec des prostituées qui ont quitté le métier: «Pour nous, il est important de prendre au sérieux le discours des femmes concernées», explique Jael Schwendimann de Heartwings. «Je n'ai encore jamais parlé à une seule femme prostituée qui disait aimer son travail. Au contraire, ce sont surtout des femmes qui disent: «J'ai peur et je veux sortir.»
C'est le cas de Rebeka, une Roumaine de 31 ans. À la question de savoir si la prostitution est un travail «normal», elle réagit: «Pardon, quoi? Qui dit ça?» Pour Rebeka, la prostitution n'était que source de stress. Elle n'avait pas de vie et avait toujours peur du prochain client: «Certains hommes pensent que parce qu'ils ont payé, ils peuvent tout faire avec toi. Je me suis toujours demandée: est-ce que j'ai assez d'argent, est-ce que je peux payer la chambre? Combien puis-je envoyer à ma famille? Il n'y avait aucun moment de joie, explique l'ancienne prostituée. Tout mon corps me faisait mal. Et aussi la tête, parce que tu fais quelque chose que tu ne veux pas, mais tu dois le faire.»
Il n'existe pas de chiffres précis sur le nombre de prostituées en Suisse. La plupart des cantons ne disposent pas non plus de lois sur la prostitution. Chaque année, le commerce du sexe en Suisse génère un chiffre d'affaires estimé entre 1 et 3,5 milliards de francs. Un rapport paru en 2022 indique que près de 85% des femmes qui se prostituent dans notre pays sont des migrantes. Elles se retrouvent généralement dans le commerce du sexe en raison d'une situation de contrainte économique ou de traite des êtres humains. Une fois entrées dans la «profession» de prostituées, la pression financière et la dépendance ne cessent pas pour autant pour les femmes: «Elles n'ont pas de contrat de travail, mais doivent payer leur loyer, qui est vraiment exorbitant», explique Jael Schwendimann, faisant référence aux 500 à 1000 francs par semaine pour une chambre de la Langstrasse à Zurich.
Avec leur campagne, le Centre des femmes de Zurich et l'association Heartwings veulent lutter contre l'image répandue dans la société selon laquelle la prostitution est en fait un travail «cool». Même la prostitution «volontaire» souvent évoquée reste généralement une prostitution forcée, car c'est une situation contraignante qui a poussé les femmes à se prostituer: «Si tu as le choix entre que ton enfant reçoive un traitement médical dans ton pays d'origine ou qu'il meure de cette maladie, alors tu n'as tout de même pas vraiment le choix.»
Jael Schwendimann voit le modèle nordique comme celui d'une société exemplaire: dans des pays comme la Suède, l'achat de services sexuels est interdit. «Là-bas, toute une génération de jeunes hommes grandit et comprend qu'il n'est pas acceptable d'acheter une femme pour du sexe.»