C’est une démission qui a transpercé le ciel politique vaudois comme un coup de tonnerre. Andreas Wüthrich, député vert au Grand Conseil, a annoncé ce mardi dans un communiqué qu’il quittait sa famille politique sans se retourner. Même s’il parle «d’un divorce à l’amiable», cet agriculteur bio, qui militait depuis 25 ans au sein du parti écolo, paraît un peu amer.
Toujours selon celui qui rejoint les Libres (ex-Vaud Libre) et qui sera candidat aux élections fédérales de cet automne sous cette nouvelle étiquette, les Vert-e-s s’occuperaient toujours davantage des questions sociétales. Et ce, au détriment de «la préservation de la planète et de la vie naturelle».
Alors que les derniers sondages prédisent que les Vert-e-s vont perdre des plumes le 22 octobre, ce départ fait tache. La formation progressiste est-elle vraiment plus préoccupée par les luttes wokes (féministes, LGBTQIA +, antiracistes, etc.) que par le climat? Les écolos doivent-ils s’attendre à se casser les dents cet automne? Leur candidat au Conseil des Etats, Raphaël Mahaim, est-il voué à regarder passer l’hyperpuissante locomotive socialiste Pierre-Yves Maillard — son allié — les yeux embrumés? Alice Genoud, présidente des Vert-e-s du canton Vaud et députée au Grand Conseil, répond à toutes les questions qui fâchent sans langue de bois. Interview.
Alice Genoud, comment réagissez-vous à la démission d’Andreas Wüthrich?
Nous ne sommes bien évidemment jamais contents de perdre un membre, qui plus est un député et donc un siège au Grand Conseil. J’avoue que j’ai été assez surprise par cette décision. Je ne l’avais pas forcément vue venir.
Comment ça? Les divergences entre votre désormais ex-député et votre parti étaient notoires dans le landerneau politique.
Il y avait effectivement des points sur lesquels nous n’étions pas sur la même longueur d’onde. Mais, les Vert-e-s ont l’habitude de voir coexister des avis différents au sein du parti. C’est même l’une de nos forces. Ceci dit, cette décision lui appartient. Je comprends qu’il veuille voir d’autres horizons. Il n’a pas agi sur un coup de tête, je trouve que ce cheminement est sain.
Dans sa lettre adressée à certains médias, dont Blick, il assène que votre parti s’occupe actuellement davantage des questions sociétales que de la planète. Les Vert-e-s ne sont donc plus qu’une formation de wokes?
Le terme que vous utilisez est un terme fourre-tout fait pour décrédibiliser les forces progressistes. Il est par contre vrai que nous sommes très actifs sur les questions sociétales. Ce que je revendique. La question du climat, à savoir le premier combat des Vert-e-s, doit s’inscrire dans une réflexion plus large pour un monde plus ouvert, plus inclusif et plus égalitaire. Les Vert-e-s ont toujours eu des réflexions et des propositions avant-gardistes, dans le respect de toutes et tous.
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Mais quand même. Une figure historique de votre parti, un agriculteur bio qui plus est, qui claque la porte juste avant les élections fédérales de cet automne, ce n’est pas bon signe. Non?
Beaucoup de gens nous ont rejoints ces dernières années. Dans une proportion bien moindre, il y a aussi eu des démissions, dont celle de Monsieur Wüthrich. Ce phénomène est normal. Monsieur Wüthrich était un pionnier, qui nous a beaucoup apporté. En comparaison avec l’époque de son arrivée dans notre parti à la fin des années 1990, nous avons aujourd’hui beaucoup plus de poids et une bien meilleure représentation du monde agricole. C’est un ancrage qui nous apporte beaucoup et qui démontre que nos valeurs peuvent se prôner dans tous les milieux.
Parlons maintenant des sondages, qui sont très pessimistes concernant le résultat des Vert-e-s aux élections fédérales. Vous partez tout de même confiants?
Oui, je suis toujours confiante. Les sondages n’ont pas été capables de voir la percée verte il y a quatre ans. Ils ne voient pas cette fois que nous allons au moins rester au même niveau, voire — je l’espère — progresser. Dans le canton de Vaud, nous avons quatre sortantes et sortants aux profils très différents. Et il faut le dire: nous avons gagné beaucoup de sièges aux dernières élections communales et cantonales.
Votre parti peut gagner des sièges cet automne?!
Notre parti est en pleine croissance et je pense que nous allons faire une belle campagne. Les questions climatiques restent la priorité des Suissesses et des Suisses et nous sommes les mieux placés pour y répondre.
Dans la course vaudoise au Conseil des Etats, on parle énormément du candidat socialiste Pierre-Yves Maillard et du candidat libéral-radical Pascal Broulis. Beaucoup moins du vôtre, Raphaël Mahaim. Il le vit bien?
Tout à fait. La campagne commence maintenant.
Pensez-vous vraiment qu’il a une chance de conserver le siège d’Adèle Thorens ou s’est-il surtout lancé pour verrouiller son siège au National?
On se lance toujours dans une élection parce qu’on veut la gagner. Beaucoup de facteurs font que celle-ci sera compliquée: il y a deux tours, à la majoritaire, et il n’y a que deux sièges… Mais je suis persuadée que le ticket Mahaim-Maillard, c’est le ticket qu’il faut pour défendre un canton de Vaud plus ouvert et plus égalitaire à Berne. Par ailleurs, j’attends encore que le duo de droite, Broulis-Buffat, nous explique ses propositions politiques et ses valeurs. Parce qu’à part entendre qu’ils ont beaucoup d’amis et qu’ils veulent s’asseoir dans la Chambre haute, on ne sait toujours pas ce qu’ils comptent faire.
Pour revenir à Andreas Wüthrich, n’auriez-vous pas trouvé plus juste qu’il démissionne aussi du Grand Conseil pour laisser la place à une ou un vient-ensuite puisqu’il avait été élu avec l’étiquette verte?
Pour moi, c’est effectivement un siège vert qui aurait dû rester vert. Mais, selon la loi, le siège est lié à la personne, pas au parti. Ce n’est pas ma vision. Je comprends cependant que Monsieur Wüthrich souhaite rester au Grand Conseil, même si cela aurait été plus facile qu’il démissionne aussi du Parlement. Je suis toutefois assez sûre que nous reprendrons ce siège aux prochaines élections.