Au premier plan, un drapeau suisse. Derrière, Emmanuel Macron, en train d'annoter des plans. Le président français, qui porte une montre difforme, est entouré de trois gaillards en costard cravate et aux doigts parfois un peu... disgracieux. Le chef d'Etat a toutes ses phalanges, mais ses yeux sont excessivement ouverts.
Vous l’aurez probablement compris, cette image est fake. Elle a été générée par l’intelligence artificielle (ici Midjourney). Cette scène, qui montre le locataire de l'Elysée sous amphét', avec une tocante molle façon Salvador Dali au poignet, en pleine séance de travail devant un fanion helvétique, n’a donc jamais existé.
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Cette représentation, loin d’être anodine, accompagne le communiqué de Sortir du nucléaire, publié à la fin du mois de juillet. À l’instar des autorités genevoises, l’organisation s’oppose au gouvernement français, qui a décidé la construction de deux réacteurs nucléaires à la centrale du Bugey, située à 70 km de la frontière franco-suisse.
Deux écolos à la manœuvre
Ce texte est signé par le président pour la Suisse romande de l’association et par son secrétaire général. Le premier, Ilias Panchard, candidat vert vaudois au conseil national lors des élections fédérales de cet automne, siège au Conseil communal de Lausanne (législatif). C’est aussi l’assistant parlementaire du conseiller national vaudois écolo et candidat aux Etats Raphaël Mahaim. Le second, Philippe de Rougemont, est député — également vert — au Grand conseil genevois.
C’est donc eux qui ont choisi d’illustrer cette prise de position avec une image fictive d'Emmanuel Macron. Surprenant, quand on a en mémoire la levée de boucliers suscitée par les affiches du Parti libéral-radical (PLR) créées par une IA. Pour rappel, début juillet, la formation bourgeoise demandait, entre autres, à un logiciel d’imiter une action des activistes de Renovate Switzerland. Tollé chez… les Vert-e-s!
Plusieurs figures du parti dénonçaient alors des pancartes trompeuses. Balthasar Glättli, président des écologistes suisse, profitait de la polémique pour s’élever au-dessus de la mêlée en proposant un code d’honneur. Pour faire simple: une déclaration de renonciation volontaire de tous les partis, selon laquelle l’IA ne serait pas utilisée pour des campagnes négatives.
Balthasar Glättli fuit le sujet
Que pense le conseiller national zurichois de l’initiative de ses camardes romands? Sera-t-il aussi critique avec ce portrait du chef d'Etat français? Le quinquagénaire a répondu à Blick à son retour de vacances.
Il botte immédiatement en touche: «Sans entrer dans des cas particuliers, je peux vous donner ma position de fond sur l’utilisation d’images (ou de vidéos ou d’enregistrements sonores) générées artificiellement, écrit-il dans un courriel. Il doit toujours être clairement indiqué qu’il s’agit d’une représentation artificielle (cela vaut également pour un photomontage classique), si ceci n’est pas évident. Ensuite, ces représentations ne doivent pas suggérer quelque chose de factuellement faux. Ce sont aussi deux principes auxquels adhèrent les Vert-e-s suisses eux-mêmes.»
Insistons un peu. Dans l’affaire qui nous intéresse, estime-t-il que les deux principes des écologistes qu’il cite sont respectés? Balthasar Glättli n’a jamais donné suite à notre relance. Tant pis: les faits parlent d’eux-mêmes.