La Verte Léonore Porchet a vu rouge ce mercredi 25 septembre. La faute à la question très masculine d’un élu de l’Union démocratique du centre (UDC) lors du débat au Conseil national sur la précarité menstruelle. «Est-ce que vous croyez qu’il y a aussi une précarité du rasage pour les hommes?», interroge le Tessinois Paolo Pamini dans un rictus.
Réponse cinglante de l’écologiste vaudoise, à l’origine de l’interpellation: «Je suis ravie qu’on me pose cette question, parce que moi, j’ai mes règles aujourd’hui, cher collègue! Si je ne portais pas de protection menstruelle, je peux vous dire que les conséquences ici seraient bien différentes que pour vous, si vous ne vous rasez pas.»
Sous les rires de certains parlementaires, elle continue: «La différence entre nos deux situations, c’est que je devrais me préoccuper de ne pas tacher le mobilier, de ne pas tacher mes habits. Je devrais aussi me préoccuper que tous les messieurs de ce côté-là de l’hémicycle, qui ont rigolé parce que je parle de ce sujet, ne rigolent pas de moi. Alors que si vous ne vous rasez pas demain matin, je ne viendrai pas rire de votre situation.»
Soutiens et remerciements
Publiée sur le compte Instagram de Léonore Porchet, la séquence a attiré bon nombre de marques de soutien, surtout féminines. «Quelle patience!» dit un commentaire. «Voici un ovule qui n’aurait pas dû être fécondé… Bravo Madame pour votre réponse», balance une utilisatrice.
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Blick a contacté l’élue verte, déçue mais pas étonnée d’avoir vu ses collègues «rire comme des enfants» en l’entendant parler de menstruation. Elle s’attendait à devoir répondre sèchement à l’argument du rasage. «C’est vu et revu, de la part des défenseurs du masculinisme.»
Parler de son propre corps et de sa difficulté mensuelle était presque naturel, avoue l’élue: «C’est mon acte de microféminisme au quotidien. Quand j’ai des règles douloureuses, j’en parle volontiers. Comme s’il s’agissait d’un rhume.» Au téléphone, Léonore Porchet se montre très touchée par les réactions de ses collègues femmes, de tous partis, qui l’ont remerciée pour son intervention.
Mais tout le monde n’a pas été aussi fin. «Un camarade de parti m’a dit que mon état m’avait peut-être aidée à me lâcher au moment de répondre, raconte l’écologiste. J’ai trouvé intéressant qu’il parte du principe que c’est par inhibition que j’ai pu parler de mes règles. Ce n’est pas non plus comme si je parlais de mes problématiques sexuelles personnelles.»
Interpellation refusée, mais tabou brisé
Pour Léonore Porchet, la précarité menstruelle est «un angle mort des questions d’égalité et de santé sexuelle en Suisse». D’après la conseillère nationale, les conséquences sur le droit à l’éducation ne sont pas assez prises en compte, «par exemple quand des jeunes femmes ne peuvent pas aller à l’école ou quittent leur classe pour rentrer à la maison parce qu’elles ont leurs règles qui arrivent».
Son interpellation demandait une étude pour évaluer l’ampleur de la précarité menstruelle en Suisse. Elle a été refusée par la chambre basse. Mais la conseillère nationale a atteint une partie de ses objectifs: mettre le sujet de la précarité menstruelle «sur le devant de la scène politique» et briser «un vrai tabou autour des règles».
La réponse du Conseil fédéral à son interpellation clarifie à qui revient la responsabilité sur ce dossier. «Maintenant, il y a une sorte de mandat fédéral, disant que ce sont les cantons et les communes qui doivent s’occuper de ces questions», se réjouit la Vaudoise.
Une première parlementaire?
Une parlementaire qui évoque en pleine session ses propres règles en cours? La séquence a tout d’une première. Du moins en Suisse. Début 2023, une élue kényane — Gloria Orwoba — avait été expulsée du Parlement de son pays pour avoir porté un tailleur blanc taché de rouge.
Cet accident s’était transformé en campagne d’activisme menstruel, dans ce pays où le tabou des règles est très présent. Mais, comme en Suisse, son intervention avait provoqué l’ire de ses collègues masculins.