La HEP compte bien y remédier
Les futurs profs vaudois ont un niveau d'allemand insuffisant

Le désamour des Vaudois pour la langue de Goethe s'observe jusqu'à la Haute école pédagogique. Au sortir du gymnase, le niveau d'allemand des futurs profs est insuffisant. La HEP Vaud dévoile à Blick son plan d'action, et un député Vert'lib s'empare du sujet.
Publié: 26.10.2024 à 06:10 heures
|
Dernière mise à jour: 26.10.2024 à 08:18 heures
1/4
La Haute école pédagogique du Canton de Vaud (HEP Vaud) a constaté les lacunes de ses étudiants en allemand, mais elle compte bien y remédier.
Photo: Keystone
Blick_Leo_Michoud.png
Léo MichoudJournaliste Blick

Vous aussi, vous avez obtenu votre certificat B2 d’allemand dans un «Kinder Surprise»? Blick l’a appris en exclusivité en cette fin octobre, la Haute école pédagogique du Canton de Vaud (HEP Vaud) n’en peut plus du niveau d’allemand de ses étudiants, qu’elle juge «insuffisant».

Depuis 2022, l’école des profs vaudois planche sur un projet pilote et teste systématiquement les capacités des futurs enseignants dans la langue de Goethe. L’objectif? Proposer à moyen terme — au mieux pour l’horizon 2026 — des cours d’appui spécifiques à l’enseignement. De quoi améliorer le niveau des élèves en rehaussant d’abord celui des profs.

Blick a contacté le recteur de la HEP Thierry Dias, qui confirme ces informations: «C’est une volonté de notre institution de reprendre en main le niveau d’allemand de nos étudiants. Il est particulièrement faible et chez certains clairement pas suffisant pour enseigner cette discipline aux élèves.»

Pour lui, le but général est d’augmenter le niveau d’allemand de tous les élèves du canton. «Pour cela, il n’y a pas de secret: il faut que les profs soient meilleurs dans la discipline.»

Discipline redoutée et B2 usurpé

Certains étudiants arrivent en bachelor de pédagogie au sortir de trois années de gymnase durant lesquelles l’allemand était l’une des branches principales. «Les étudiants qui ont obtenu leur B2 avec une moyenne de 4 ou 4,5 au gymnase ont souvent un niveau trop faible», observe Thierry Dias.

Le recteur se désole: «Les enseignants de la HEP nous le disent. Ils ne peuvent pas donner leurs cours de didactique de la langue correctement, car le niveau de base des jeunes qui arrivent en bachelor pédagogique est insuffisant.» Une impression confirmée par les tests pilotes réalisés sur ces deux dernières années sur tous les étudiants.

«
Pour les profs qui doivent être polyvalents, l’allemand fait bien souvent partie des disciplines les plus redoutées
Thierry Dias, recteur de la HEP Vaud
»

Cela concerne surtout l’enseignement au primaire, période durant laquelle les enseignants donnent la plupart du temps cours dans diverses disciplines. «Pour les profs qui doivent être polyvalents, de la première à la 8e année, l’allemand fait bien souvent partie des disciplines les plus redoutées», justifie le haut fonctionnaire.

C’est particulièrement le niveau d’expression orale qui semble pécher. «Au-delà du vocabulaire et de la grammaire, il y a une très grande difficulté à prendre la parole, à s’exprimer en allemand même avec des formules simples», relate Thierry Dias. La raison est selon lui un manque d’assurance, qui pourrait être combattu par des voyages en Suisse alémanique, en Allemagne ou en Autriche.

Un projet pilote dans une étape charnière

Avoir un niveau d’allemand correct est une prérogative pour s’inscrire en bachelor. Des certificats d’autres pays ou privés (Goethe Institut, TELC) qui valident un niveau B2 sont acceptés. En supplément, il est demandé aux nouveaux étudiants d’avoir effectué au préalable au moins six semaines de séjour linguistique dans une région germanophone.

En somme, la HEP Vaud est à mi-parcours d’un processus en trois temps. Elle a d’abord cherché à renforcer l’attrait des stages linguistiques — de deux à quatre semaines — dans des régions germanophones. Puis en collaboration avec deux unis alémaniques, la HEP Saint-Gall (PHSG) et la Haute école spécialisée du nord-ouest de la Suisse (FHNW), l’institution vaudoise s’est attelée à proposer à ses étudiants cet examen standardisé d’allemand, intitulé PROF-L.

«
Avant de mettre en place des cours adaptés au, on doit présenter un budget au canton et trouver les ressources nécessaires
Thierry Dias, recteur de la HEP Vaud
»

Aujourd’hui, quelques semaines après la rentrée 2024-2025, le projet en est à «une étape charnière». Le recteur de la HEP Vaud s’explique: «Avant de mettre en place des cours adaptés au, on doit établir un programme de cours en accord avec le plan de formation, présenter un budget au canton et trouver les ressources nécessaires», continue-t-il.

Et si Vaud s’inspirait des autres romands?

Ces développements restent pour le moment «autofinancés» par la Haute école. Mais il pourrait être demandé aux élèves nécessitant un appui des frais «à hauteur de 400 francs par personne», précise le haut fonctionnaire vaudois. Il vient de présenter le projet ambitieux de la HEP Vaud, qui vise à mettre en place un «véritable centre régional de compétences linguistiques», à la chambre suisse des HEP.

Quant au niveau bien bas des Vaudois en allemand, l’affaire pourrait prendre une tournure politique. Le député vert’libéral David Vogel, lui-même enseignant, déposera ce mardi une motion au Grand conseil vaudois pour «faire (enfin) aimer l’allemand» aux élèves du canton et leur ouvrir, qui sait, un avenir professionnel de l'autre côté de la Sarine.

«
Pour l’allemand, il y a de quoi rattraper le retard en s’inspirant du modèle neuchâtelois
David Vogel, député vert'libéral au Grand Conseil vaudois
»

Pour lui, la situation de la HEP est «l'illustration de ce qu'on savait déjà, à savoir que l'allemand n'est clairement pas la branche préférée des Vaudois». Il estime que Vaud et Genève seraient «à la traîne de manière générale sur les cantons du Valais et Fribourg» Mais il a la solution: «Pour l’allemand, il y a de quoi rattraper le retard en s’inspirant du modèle neuchâtelois.»

David Vogel demande que le Département de l’enseignement (DEF) du libéral-radical (PLR) Frédéric Borloz s’inspire de la pratique en cours à Neuchâtel en termes de bilinguisme à l’école. Ce canton, pourtant tout aussi monolingue que Genève et Vaud, propose depuis 2011 des modèles d’apprentissage immersifs de l’allemand. Les enseignants de math, d’histoire ou d’autres disciplines sont invités à donner leurs cours en allemand. Et ce à destination de tous les élèves, pas seulement ceux suivant déjà un cursus bilingue.

Vous avez trouvé une erreur? Signalez-la