La guerre du Blausee
Les propriétaires traînent un fonctionnaire en justice

Le canton affirme ne pas avoir trouvé de résidus toxiques dans le Blausee, où les poissons meurent mystérieusement. Les propriétaires du lac lancent des accusations criminelles contre un officier enquêteur, qu'ils soupçonnent de vouloir couvrir le canton.
Publié: 05.06.2021 à 18:54 heures
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Les propriétaires: André Lüthi, Philipp Hildebrand et Stefan Linder (de gauche à droite).
Photo: Blick
Reza Rafi

Prochain épisode de la saga du Blausee: entre les propriétaires du plan d'eau de l'Oberland bernois et le gouvernement cantonal, l'ambiance est explosive, malgré une table ronde et des déclarations d'intention communes pour remédier à l'importante mortalité piscicole qui sévit dans ce lac idyllique prisé des touristes.

Le point de discorde actuel est une enquête du département de la construction et des transports du canton de Berne, qui n'a trouvé pratiquement aucune trace de toxines dans les échantillons d'eau souterraine et d'eau de source. Le contenu du rapport a été révélé par le SonntagsBlick la semaine dernière.

Les propriétaires du Blausee, Stefan Linder, André Lüthi et Philipp Hildebrand, ont réagi mercredi par un communiqué ulcéré: les conclusions contrediraient «l'ensemble des preuves». Le rapport tenterait de protéger les arrières du canton afin de lui éviter d'éventuels dédommagements qui pourraient découler de procédures civiles ultérieures. En clair: il s'agirait d'argent. Avec les résultats de son enquête, le conseiller cantonal responsable Christoph Neuhaus (UDC) est donc devenu la cible de l'ire de la Blausee AG.

L'enquête ne serait pas pertinente

Dans leur déclaration, les influents businessmen (Hildebrand est l'ancien chef de la Banque nationale suisse) soulignent qu'au moment où les échantillons ont été prélevés en été, le déversement et le stockage illégaux de déchets tels que du vieux gravier, des traverses de chemin de fer et des boues de pressage dans la carrière en amont du Blausee avaient déjà été arrêtés. C'est pourquoi l'enquête cantonale n'aurait aucune validité.

Dans son communiqué au vitriol, le trio a répété ses principaux arguments : La mort des poissons coïncide avec le déversement illégal de sites contaminés provenant du tunnel du sommet du Lötschberg, le déversement de boues toxiques et le traitement illégal de gravier usagé par l'entreprise de transports publics BLS.

Du point de vue topographique, l'affaire serait claire, et les mêmes toxines et polluants provenant des voies excavées et des traverses de chemin de fer imbibées d'huile de goudron auraient été retrouvés dans les truites mortes. De plus, des tests de peinture auraient prouvé une connexion hydrologique directe entre la décharge et les sources du lac.

Les fronts sont désespérément durcis

L'Office bernois des eaux et des déchets (AWA) voit les choses différemment. En coulisse, des théories alternatives sur la mort des poissons circulent. Entre Linder, Lüthi, Hildebrand et les autorités bernoises, les fronts sont donc désespérément durcis - à tel point que l'affaire juridique prend un tour pénal.

En effet, selon les informations de Blick, Blausee AG a déposé une plainte pénale auprès du ministère public de Bern-Mittelland contre un employé du conseiller d'Etat Neuhaus. L'entreprise accuse le haut fonctionnaire qui a participé à l'étude, de faveurs illicites et de falsification de documents dans le cadre de ses fonctions. Il est même question de destruction de preuves. La présomption d'innocence est de mise.

Expression d'une grande nervosité

Sans commentaire, répond l'administration cantonale, interrogée par le Sonntagsblick. La société anonyme Blausee SA a, pour sa part, reçu l'instruction du procureur de ne rien divulguer de l'affaire. Ce n'est de loin pas la première plainte de ce type dans cette affaire. La Blausee SA avait déjà porté plainte contre inconnu dans le cadre du scandale environnemental qui n'en finit pas. La société Vigier, qui exploite la carrière, a quant à elle porté plainte contre Stefan Linder, qui a lui-même porté plainte contre le journaliste du SonntagsBlick qui a dévoilé l'affaire.

Ces remous juridiques révèlent la grande nervosité des parties impliquées. Beaucoup de choses sont en jeu. S'il ne fait aucun doute que des normes environnementales ont été violées dans la carrière exploitée par Vigier, la question décisive est de savoir si un lien de causalité existe entre les agissements dans la carrière et la mort des truites.

L'enquête cantonale est donc arrivée dans une cacophonie médiatique et juridique particulièrement tonitruante. Les seuls à rester muets comme des carpes sont les truites mortes du Blausee.

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