La gauche se range-t-elle du côté de l'USP?
L'UDC retourne sa veste face aux agriculteurs

L'abolition des droits de douane sur les produits industriels marque une rare défaite pour l'Union suisse des paysans. Le lobby agricole peine à convaincre le Centre et l'UDC a retourné sa veste. Il n'est pas impossible que l'USP se retrouve... aux côtés de la gauche.
Publié: 19.09.2021 à 11:31 heures
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Dernière mise à jour: 19.09.2021 à 12:58 heures
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L'abolition des droits de douane industriels marque une rare défaite pour l'Union suisse des paysans.
Photo: Keystone
Simon Marti (texte), Alexandre Cudré (adaptation)

De nombreuses règles implicites existent à Berne au sein du Parlement. L’une d’elles veut que si le conseiller national et président de l’Union suisse des paysans (USP) Markus Ritter (Centre/SG) s’oppose à une loi, celle-ci sera tôt ou tard rejetée. Lui et ses collègues représentant les intérêts des agriculteurs du pays sont très nombreux et particulièrement bien organisés, et ce dans les deux chambres.

Mercredi, cette loi a pourtant été brisée. Le Conseil national a voté l'abolition des droits de douane sur les produits industriels, qui rapportent un demi-millard de francs par année à la Confédération. L’opposition du lobby agricole n’aura pas suffi. Celui-ci prévient déjà qu’il prépare sa contre-attaque, à savoir la suppression des droits de douane pour l’agriculture. Ces derniers protègent les paysans de la concurrence étrangère bon marché.

«La Suisse abandonne sa marge de manœuvre»

«Avec cette décision, la Suisse abandonne sa marge de manœuvre pour négocier des accords de libre-échange dans un domaine très important. Cela m’inquiète», explique Markus Ritter. Chaque partenaire de négociation exige des concessions dans le domaine des douanes.

«La marge de manœuvre sur les droits de douane des produits industriels a disparu. La pression sur ceux-ci dans le domaine agricole va s’accroître de manière significative pour mener à bien les négociations.» Dans le cadre de celles-ci, Markus Ritter craint que la Suisse ne soit plus autant en mesure d’éviter de futurs compromis sur l’agriculture à l’avenir. Et ce, aux dépens des agriculteurs.

Dans ce but, l’USP a écrit aux parlementaires ayant un lien avec l’agriculture pour les mettre en garde contre cette suppression et a fait campagne avec une proposition de compromis émanant du conseiller national Leo Müller (Centre/LU). Malgré le soutien de la gauche, sa proposition a été rejetée de justesse.

L’UDC retourne sa veste

Markus Ritter a dû admettre que ni l’ensemble du groupe parlementaire du Centre, ni les agriculteurs issus de l’UDC n’ont soutenu sa ligne. Car une des voix décisives a été celle du président du Conseil national et agriculteur Andreas Aebi (UDC/BE). Et il a voté contre la recommandation de l’USP.

Pour le parti agrarien, qui parle de clivage ville-campagne et axe sa politique autour de la Suisse rurale, le retournement de veste est encore plus fort que d’habitude.

À l’été 2020, lorsque le Parlement a débattu pour la première fois de la question, la moitié du groupe parlementaire UDC ne voulait rien savoir de la suppression des droits de douane sur les produits industriels. Le conseiller national Roger Köppel (UDC/ZH) a demandé à Guy Parmelin, le conseiller fédéral responsable et accessoirement son collègue de parti, lors du débat: «Pourquoi la Suisse devrait-elle renoncer à cet avantage?»

Roger Köppel fait marche arrière

Roger Köppel a fait remarquer qu’il ne connaissait aucun pays qui était prêt à renoncer aux droits de douane de manière unilatérale. C’est pourtant ce que désire désormais une majorité de l’UDC. Le conseiller national zurichois a éludé cette contradiction… en ne prenant pas part au vote de mercredi dernier.

Pour Markus Ritter et ses compagnons d’armes, il existe un dernier recours au Parlement. L’accord doit passer le vote final à la fin de la session. Il s’agit généralement d’une formalité, mais celle-ci n’est pas protégée contre de possibles manœuvres tactiques et un retournement du vote. La question est cependant de savoir si suffisamment de politiciens du Centre — divisé — ou de l’UDC sont prêts à changer de camp.

«Je ne peux pas dire comment la discussion se déroulera d’ici là», déclare Markus Ritter. S’il échoue dans ses efforts de persuasion, le seul moyen d’empêcher l’abolition des droits de douane sera le référendum, dans quoi il pourrait être soutenu par le PS et les Verts.

Un référendum aux côtés de la gauche?

«Nous renonçons à un instrument puissant pour mener une politique industrielle raisonnable», s’énerve la conseillère nationale Jacqueline Badran (PS/ZH). «Abandonner cette possibilité de façonner la politique en la supprimant et en privant la Confédération de plus d’un demi-milliard de francs par an est d’une stupidité inconcevable», gronde-t-elle.

«Nous n’allons pas rester les bras croisés et regarder l’industrie partir à la dérive, dit-elle. Nous envisageons sérieusement de mettre sur pied un référendum.»

Un référendum aux côtés de la gauche? Si cela ne met pas forcément Markus Ritter de bonne humeur, il ne l’exclut pas catégoriquement. «Si la gauche lance un référendum après le vote final, on n'aura pas pu dire que cela ne sortait de nulle part et que l'on aurait pas pu l'éviter», dit-il en ciblant indirectement la droite du parlement. Jusqu’au vote final, les manœuvres tactiques ne sont effectivement pas terminées pour le politicien centriste.

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