Pour Migros, l’enjeu est de taille: Que faire des coopératives régionales? Elles qui mènent de plus en plus leur propre vie et qui peinent à être contrôlées et dirigées par la centrale du groupe, la Fédération des coopératives Migros (FCM)?
Parallèlement, l’activité principale avec les supermarchés ne tourne pas vraiment rond, certaines coopératives pourraient même être dans les chiffres rouges dans ce domaine en 2022.
D’autres structures rapportent les sous
Seules des activités annexes comme Migrol (stations-service, mazout), le groupe Denner ou la Banque Migros, et depuis peu à nouveau le voyagiste Hotelplan, fournissent régulièrement des bénéfices et contribuent à ce que le géant orange ne tombe pas dans le rouge.
La votation sur l’alcool a montré à quel point les fissures sont profondes. Il a été envisagé, en cas d’accord dans certaines coopératives, de leur permettre de vendre des boissons alcoolisées. Rien que cela a fait douter beaucoup de gens sur les valeurs de Migros.
Désaccord sur les réformes
Le départ de Fabrice Zumbrunnen de la tête de Migros a également montré qu’une lutte de pouvoir acharnée fait rage entre les coopératives régionales et la centrale. L’ancien cadre n’était pas le dompteur dont le groupe Migros avait besoin.
Les connaisseurs de Migros, qui peuvent aussi juger le détaillant de l’intérieur, ne sont pas d’accord sur la direction que doit prendre le géant orange avec ses coopératives. Une seule chose est claire: il faut faire bouger les choses.
Dans certaines grandes coopératives, il existe une sorte de consensus selon lequel la superstructure de la FCM n’est plus du tout nécessaire, explique un ancien cadre supérieur. Ce sont surtout quatre coopératives régionales qui marquent Migros: les trois grandes: Aar, Suisse orientale et Zurich, ainsi que la coopérative de Lucerne, plus petite mais innovante.
Nécessité d’une réforme
Migros semble sclérosée. Il n’y a pas eu de réforme structurelle depuis des décennies. A-t-on vraiment besoin de dix coopératives régionales? Trois ou quatre grandes unités avec une centrale d’achat et de logistique ne seraient-elles pas plus puissantes et plus efficaces?
Celui qui sait comment Migros fonctionne peut se demander: «Si Migros fait voter sur l’alcool, pourquoi pas sur les coopératives?» Après tout, tout le monde à Migros est fier de la démocratie des coopérateurs, les coopératives tout comme la FCM.
Fidélisation régionale de la clientèle
Une autre source imagine des synergies en matière d’approvisionnement et de logistique, mais elle connaît aussi les résistances. Ainsi, on entend régulièrement dire qu’un prince régional sans logistique propre est comme un roi sans pays. En outre, l’ancrage régional et la proximité avec les clients ne doivent pas être négligés. Cela plaide en faveur du maintien de la structure actuelle.
Malgré les temps difficiles que traverse le commerce de détail, la pression n'est apparemment pas encore assez grandes. «Ce n’est que si une coopérative était dans le rouge absolu qu’elle serait prête à se placer sous l’égide de la FCM ou à s’associer à une autre coopérative», affirme avec conviction l’expert du commerce de détail Gotthard F. Wangler.
Mais il met aussi les responsables régionaux face à leurs responsabilités. «Ils siègent tous au conseil d’administration de la FCM, ils doivent aussi prendre des responsabilités pour l’ensemble du groupe.» Le successeur de Fabrice Zumbrunnen ne peut être qu’un des chefs régionaux issus de l’une des quatre puissantes coopératives, estime l’expert du commerce.
Départs chez les cadres
Les coopératives et leur collaboration avec la centrale ne sont pas les seules à être en chantier. La direction générale de la FCM elle-même devient de plus en plus une zone à problèmes. Après son départ annoncé pour le printemps prochain, Fabrice Zumbrunnen ne tirera plus les ficelles. La plus haute responsable du personnel et de la communication, Sarah Kreienbühl, quitte aussi Migros à la fin de l’année.
Un deuxième poste au sein de la direction générale est ainsi vacant. Entre-temps, le subordonné direct de Sarah Kreienbühl, le chef du personnel Reto Parolini, a également démissionné pour la fin janvier.
La concurrence fait pression
La concurrence fait aussi pression sur le géant orange, en particulier Aldi et Lidl. Les deux discounters ouvrent une bonne dizaine de supermarchés par an, envahissent les centres-villes, occupent les meilleurs emplacements de gare, comme Aldi à Zurich. Ensemble, ils comptent plus de 400 magasins en Suisse et réalisent un chiffre d’affaires estimé à environ 5,5 milliards de francs.
A titre de comparaison, le rival discount Denner a réalisé un chiffre d’affaires de 3,8 milliards de francs l’année dernière. Aldi et Lidl volent ainsi le chiffre d’affaires de leurs concurrents et augmentent la pression sur les prix.
Leurs affaires sont particulièrement florissantes lorsque, comme c’est le cas actuellement, les gens examinent leurs dépenses à la loupe en raison du renchérissement – surtout pour les denrées alimentaires et les boissons.
La présidente reste silencieuse
Le détaillant n’est pas toujours en mesure de remplir l’objectif de Migros d’être le leader en matière de prix pour de nombreux produits, notamment dans les petits magasins où l’assortiment est obligatoirement réduit. Dans un échantillon de 30 produits de «K-Tipp», Migros arrive en cinquième position, derrière Aldi, Lidl, Coop et Denner.
Ursula Nold devrait alors être sollicitée. Mais la présidente de Migros reste silencieuse, les demandes d’interview répétées sont restées sans réponse.