«Inéligible!» Tel est le verdict de l'Association des sociétés militaires suisses (ASM) à propos du candidat PS au Conseil fédéral Jon Pult. En effet, ce dernier s'était plusieurs fois opposé à l'armée, notamment à l'âge de 21 ans. Selon l'ASM, Jon Pult n'est donc pas apte à être élu au gouvernement national. Le Grison se défend dans une interview pour Blick.
Monsieur Pult, pourquoi détestez-vous l'armée?
Je ne la déteste pas du tout. J'ai fait 15 semaines d'école de recrues et je le dis sans ambages: la Suisse a besoin d'une armée.
Mais le programme du PS exige la suppression de l'armée.
Je suis un social-démocrate convaincu. Mais je n'ai jamais vraiment accroché au programme du parti qui exige la suppression de l'armée à l'avenir. Je suis favorable à l'armée suisse.
A 21 ans, vous étiez pourtant contre l'engagement de l'armée au Forum économique mondial de Davos (WEF). Vous pensiez que les tâches policières devaient rester du ressort de la police.
Exactement, je suis pour que la police soit en premier lieu responsable de la sécurité intérieure. Mais je ne m'oppose pas pour autant à notre armée. J'ai aussi une opinion plus nuancée qu'il y a 18 ans.
Laquelle?
En tant que membre de la commission de gestion du Grand Conseil grison, j'ai eu un aperçu du dispositif de sécurité mis en place pour le WEF. J'ai pu me convaincre qu'il était correctement organisé: l'armée soutient les autorités de sécurité, notamment la police, de manière subsidiaire.
Je pensais qu'en tant que Grison, vous saluiez uniquement le fait que l'armée prépare les pistes pour les courses de ski.
L'armée a des tâches encore plus importantes, mais je me réjouis que l'armée contribue à ce que des courses de ski puissent avoir lieu.
La Fédération des sociétés militaires suisses vous considère néanmoins comme inéligible, car vous vous êtes prononcé contre l'augmentation du budget de l'armée.
Comme pratiquement tout le monde au sein du groupe PS, oui. Mais en adoptant cette position, l'ASM s'oppose de fait à ce qu'une ou un socialiste puisse devenir conseiller fédéral. Il est certes tout à fait légitime d'avoir une autre position que le PS, et bien sûr, aussi une autre que moi. Mais savez-vous ce qui est problématique du point de vue de la politique d'État?
Quoi donc?
Lorsqu'une association militaire s'arroge le droit de déterminer qui entre en ligne de compte pour notre gouvernement national et qui ne l'est pas. L'ASM ne détermine pas la composition politique du Conseil fédéral.
Mais l'ASM a le droit de dire qu'elle ne vous recommande pas pour le Conseil fédéral.
Elle peut le faire, bien sûr. Mais j'aurais attendu qu'il me demande ma position sur l'armée avant de le faire et de diffuser de fausses informations. Ce n'est pas ainsi que l'on se comporte dans ce pays. Me qualifier simplement d'abolitionniste de l'armée et donc d'inéligible, sans m'en parler au préalable, n'est pas suisse.
L'association militaire n'est pas suisse, mais vous êtes soudain un fervent défenseur de l'armée?
Je ne suis pas fervent, mais je pense qu'un Etat souverain doit être capable de se défendre. Pour cela, il a besoin d'une politique de sécurité adaptée aux menaces, y compris l'armée. Ce n'est pas seulement depuis l'attaque de la Russie contre l'Ukraine que j'en suis convaincu. Mais cette attaque nous fait prendre conscience de l'importance des discussions à venir en matière de politique de sécurité. Je serais heureux d'y participer en tant que membre du Conseil fédéral.
Quels sont, selon vous, les enjeux?
Nous devons trouver notre place dans l'architecture européenne de sécurité. L'attaque contre l'Ukraine montre qu'il n'y a pas de sécurité sans coopération, si ce n'est militaire, du moins politique. En même temps, nous sommes un pays neutre et nous voulons et allons le rester. À cela s'ajoutent des défis tels que la cybersécurité, la désinformation et les tentatives de déstabilisation par des États autoritaires. Dans ce contexte, notre armée joue également un rôle important. Il s'agit toutefois de savoir comment celle-ci est définie précisément et où se situent les priorités.