Le salaire est encore un sujet tabou en Suisse. Mais certaines exceptions commencent à apparaître. «Le secret n'apporte rien à personne», affirme Manuel Wiesner. Avec son frère, il dirige l'entreprise familiale Wiesner Gastronomie. Le groupe comprend une dizaine de chaînes de restauration dont les marques The Butcher, Negishi Sushi Bar, ou encore Kitchen Republic. Depuis mars 2021, la transparence des salaires est devenue la règle au sein de l'entreprise.
«Je gagne 20'690 francs par mois», lance le patron, comme s'il était en train de parler de la météo. Manuel Wiesner a quand même dû réfléchir, car les salaires ont été adaptés pour 2023. Tous les collaborateurs ont désormais un revenu fixe et les primes ont été supprimées. Un cinquième des bénéfices est directement versé aux employés.
Faible écart salarial
Le salaire le plus bas sur l'ensemble du groupe se monte à 3582 francs par mois. Manuel Wiesner gagne 5,8 fois plus. 465 des 940 employés touchent un salaire inférieur à 4000 francs, ce qui est tout à fait habituel dans la branche. «211 d'entre eux sont des coursiers à vélo», précise le restaurateur. Il s'agit souvent d'étudiants qui travaillent à temps partiel. Et peu importe que l'on travaille à l'Outback Lodge à Zurich ou à la Nooch Asia Kitchen à Berne, tout le monde gagne le même montant. La chaîne compte au total 34 restaurants en Suisse alémanique.
Le sujet des revenus est devenu moins important depuis l'introduction de la transparence salariale. «Nous pouvons désormais nous concentrer sur l'essentiel lors des entretiens d'embauche», explique Manuel Wiesner. Pour ce faire, le groupe mise sur la formation continue.
Tout le monde est logé à la même enseigne
Sur le site internet du groupe Wiesner Gastronomie, on trouve un calculateur de salaire (en allemand ou en anglais). Il permet aux collaborateurs potentiels de calculer leur futur revenu. Pour cela, il suffit d'indiquer la fonction souhaitée, son niveau de formation et son expérience professionnelle.
Le concept est très bien accueilli par l'ensemble des nouveaux employés. Les membres les plus âgés du personnel sont ceux qui ont dû s'y habituer. Mais comme Manuel Wiesner et son frère ont été les premiers à publier leur salaire, les réticences se sont vite dissipées.
Comme une évidence
Parmi les collaborateurs, le revenu ne semble pas être un sujet de discussion. «Nous ne parlons pas vraiment du salaire entre nous», explique Sarah Ehrismann, directrice adjointe de l'Outback Lodge qui y travaille depuis deux ans. Depuis 2023, elle gagne 5560 francs à temps plein.
Avec ce système, les collaborateurs peuvent, s'ils le souhaitent, consulter tous les salaires auprès du service du personnel. «Comme les salaires sont traités de manière si transparente, il ne me vient même pas à l'idée de demander aux RH», reconnaît Sarah Ehrismann. Les autres employés pensent la même chose. En effet, il y a eu, selon le patron, moins de 20 demandes auprès des RH depuis l'introduction du nouveau système.
Manuel Wiesner en est certain, la transparence des salaires va se généraliser: «La génération Z parle de ses salaires. Si les entreprises n'introduisent pas l'équité salariale maintenant, cela sera mis en lumière dans cinq ans.»