A Genève, la Cour des comptes a publié lundi un rapport qui constate des irrégularités lors de l'attribution de mandats au sein de l'Etat de Genève. Épinglé par le «gendarme de l'administration», le Conseil d'Etat fustige un rapport biaisé au vocabulaire tendancieux.
La Cour des comptes a découvert que des subventions étaient octroyées par le biais de contrats de mandat. Une pratique qui constitue "une violation des dispositions" de la loi sur les indemnités et les aides financières (LIAF). Une quinzaine de cas de ce type ont été recensés. Aucune trace de corruption n'a toutefois été mise à jour, a souligné le co-auteur du rapport François Paychère. Le magistrat n'a pas exclu qu'il y ait eu parfois une volonté de s'affranchir des règles ou que certains ont agi par méconnaissance de celles-ci.
Recommandations refusées
La Cour des comptes préconise des mesures «simples» qui permettraient d'améliorer le processus et combler les lacunes qui ont été identifiées, mais elle se plaint de n'avoir pas eu l'attention désirée du Conseil d'Etat. Sur les dix recommandations, sept ont été refusées sans explication, a déploré M. Paychère. Le magistrat ne s'explique pas ce "désintérêt" de l'exécutif. «Nous proposons des choses basiques, qui n'ont rien de révolutionnaire», a souligné M. Paychère. La Cour des comptes recommande, par exemple, à l'Etat de clarifier la notion de marché et sa délimitation.
En réponse le Conseil d'État genevois se dit affligé par la manière dont la Cour des comptes a réalisé son rapport sur l'attribution de mandats révélé lundi. La présidente de l'exécutif, Nathalie Fontanet, a dénoncé un rapport biaisé, au vocabulaire tendancieux.
Un système d'achat «perfectible»
«Ce rapport entaché de lacunes, d'approximation, à l'approche douteuse et au vocabulaire tendancieux fait planer un soupçon inacceptable», a indiqué la présidente du Conseil d'État. Elle reproche à la Cour des comptes de vouloir «manifestement aggraver la situation et la perception qu'en auraient les Genevois».
Le Conseil d'État reconnaît que le système d'achat est perfectible. Il relève aussi que l'administration a déjà lancé un projet visant à redéfinir les marchés transversaux des départements et à mieux les coordonner. Un audit interne a recommandé de poursuivre ce projet. C'est pourquoi quatre des recommandations de la Cour des comptes sont refusées: elles sont redondantes, selon la présidente.
Éviter une «bureaucratie alourdie»
Une autre recommandation refusée consistait, selon le Conseil d'État, à mettre en place «des contrôleuses et des contrôleurs pour contrôler les personnes chargées du contrôle». L'exécutif ne veut pas d'une bureaucratie alourdie qui va à l'encontre des principes d'autonomie et d'agilité au sein de l'État.
La méthode appliquée par la Cour des comptes est vivement critiquée par le Conseil d'État. Les magistrats ont choisi de s'appuyer sur un échantillon non représentatif de 84 commandes et 26 fournisseurs, sur un total de 36'000 commandes annuelles, soit 0,25% de l'ensemble des achats de l'État. Ces 84 commandes n'ont pas été tirées au hasard, mais délibérément choisies pour leur degré risqué.
Dans ces conditions, il est impossible de tirer des généralités applicables à l'ensemble des achats à l'État, selon Nathalie Fontanet. La présidente du Conseil d'État estime que les conclusions du rapport laissent penser que l'ensemble de la gestion est problématique, ce qui n'est pas le cas, assure-t-elle.
Un vocabulaire tendancieux
Au-delà du fond, l'opposition de l'exécutif porte aussi sur la forme du rapport qui utilise un vocabulaire tendancieux avec des termes tels que «corruption» ou «fraude» alors même que la Cour n'a précisément constaté aucune fraude, ni dommage financier. «Si on avait accepté le rapport, on acceptait le soupçon et les accusations indirectes», a précisé Thierry Apothéloz, vice-président du Conseil d'État.
Lors de cette conférence de presse inédite, Nathalie Fontanet a précisé que selon elle, le magistrat qui a rédigé le rapport «voulait laisser un héritage». Il lui aurait dit: «Je tire mes dernières cartouches». Ce rapport est le dernier publié par le magistrat dont le mandat se termine à la fin de l'année.