Inadaptée à la réalité?
Selon Avenir Suisse, la politique de sécurité du pays date d'un autre temps!

Le think tank dresse un constat sévère de la politique de sécurité suisse: les modèles de pensée sont dépassés, les investissements ne sont pas assez prévoyants. Le groupe de réflexion libéral propose une nouvelle orientation et une nouvelle conception de la neutralité.
Publié: 26.03.2022 à 06:08 heures
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Dernière mise à jour: 26.03.2022 à 16:55 heures
Selon le directeur d'Avenir Suisse, la politique de défense du pays repose toujours principalement sur les avions, les systèmes de défense aérienne ou les chars.
Photo: Keystone
Daniel Ballmer

C’est la guerre en Europe. Depuis que la Russie a attaqué l’Ukraine fin février, la politique suisse est tombée dans l’activisme – chaque parti cherchant à servir son propre programme.

Ainsi, la gauche et les Verts continuent de lutter contre le nouvel avion de combat et le pétrole russe. L’UDC tire à boulets rouges sur les sanctions et veut créer une neutralité universelle par le biais d’une initiative. Et les bourgeois de tous les partis exigent deux milliards de francs supplémentaires pour l’armée – sans toutefois dire concrètement où ces moyens doivent aller.

La politique suisse de défense est «rétrograde»

Pour le groupe de réflexion libéral Avenir Suisse, il s’agit avant tout de «politique symbolique». Dans une étude de 72 pages, le think tank se montre très sévère à l’égard de la politique de sécurité suisse.

Le directeur d’Avenir Suisse, Peter Grünenfelder, est déjà très clair dans son avant-propos. Selon lui, il manque un état des lieux fondé sur les menaces réelles d’aujourd’hui et de demain. La Suisse doit «se regarder plus honnêtement dans le miroir» et se défaire de ses vieux schémas de pensée. Il lui manque une vue d’ensemble. Avec l’étude sur la sécurité présentée jeudi, Avenir Suisse veut y contribuer.

En fin de compte, la critique est également dirigée contre le Conseil fédéral et le Département de la défense (DDPS). Pour Avenir Suisse, ceux-ci orientent la politique de défense de manière encore trop rétrograde. Le renouvellement matériel complet de l’armée, dans lequel une grande partie des nouveaux investissements est prévue pour des moyens conventionnels – comme de nouveaux avions de combat ou des systèmes de défense aérienne basés au sol – est notamment visé.

Un ordinateur portable au lieu d’un char

Pour les auteurs de l’étude, il est en revanche clair qu'«un conflit conventionnel sur le sol suisse reste peu plausible». En tant que pays situé au cœur de l’Europe, la Suisse profite du parapluie protecteur de l’OTAN et des efforts de l’UE en matière de politique de sécurité. Ainsi, il ne faut pas s’attendre à ce que la Suisse soit touchée territorialement par la guerre en Ukraine.

Au lieu d’acquérir de nouveaux chars, la Suisse devrait plutôt s’orienter vers des risques réellement réalistes. Avenir Suisse a notamment en tête les cyber-attaques, les pandémies, les pénuries d’électricité, une panne du réseau de téléphonie mobile ou des attaques terroristes (par drones). Autant de risques qui sont régulièrement mentionnés par la Confédération elle-même. Mais l’étude dresse le bilan suivant: «La Suisse est actuellement insuffisamment préparée à bon nombre de ces dangers.»

Faire face aux menaces réelles

Pour orienter la future politique de sécurité, Avenir Suisse a donc élaboré cinq thèses:

1. La Suisse doit, pour ses investissements dans l’armée, «s’orienter de manière plus conséquente vers les véritables menaces probables». Les moyens légers et mobiles pour faire face aux menaces non conventionnelles ne doivent pas être négligés. Avenir Suisse se réfère au cas de la Grande-Bretagne, qui prévoit d’investir davantage dans les technologies de cyberdéfense et les drones dotés d’une intelligence artificielle, au détriment des moyens robustes comme les chars lourds.

2) Les avions de combat F-35 sont conçus pour être utilisés au sein d’un groupe militaire. Ce n’est qu’alors qu’ils peuvent déployer toute leur efficacité. Il serait donc logique de participer aux exercices de l’OTAN, comme la Suède ou la Finlande, pays neutres. Mais pour cela, il faut d’abord régler les questions de politique de neutralité.

3) La cybersécurité doit encore être renforcée – avec les moyens correspondants. Jusqu’à présent une grande partie des nouveaux investissements de l’armée est prévue pour des moyens conventionnels, tandis que «seule une part comparativement faible du budget est prévue pour le renforcement de la cyberdéfense.»

4) C’est justement dans le domaine de la défense nationale que la Suisse devrait reconsidérer sa stricte neutralité. On pourrait ainsi compenser d’éventuelles faiblesses, par exemple dans les formations mécanisées, par des coopérations renforcées.

5) Et l’armée doit jouer cartes sur table: elle devrait faire preuve de plus de transparence vis-à-vis du Parlement dans l’évaluation de la situation et présenter les scénarios de menace de manière aussi détaillée que possible.

Pour Avenir Suisse, il faut donc tirer deux conclusions principales: la défense en cas d’urgence est la plus efficace en association, c’est pourquoi les capacités doivent être exercées et développées au préalable. Et les moyens doivent être investis davantage en fonction des risques et des menaces réels. Ainsi, la Suisse pourrait garantir une protection efficace de ses habitants, même dans un avenir moins sûr.

(Adaptation par Quentin Durig)

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