En général, hériter d'un appartement est une heureuse nouvelle. Mais pour Paul R.* et Martina K.*, l'appartement de 3,5 pièces dont ils ont hérité et qu'ils louent est source d'une énorme frustration: «Nous n'avons plus reçu de loyer depuis novembre dernier», explique Paul R.
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D'ici fin janvier prochain, le couple n'aura donc pas vu un centime de son locataire pendant 15 mois. «Nous nous sentons abandonnés par les autorités», déclare Martina K.
Le couple souhaite rester anonyme, car il est engagé dans une procédure contre le locataire. Mais l'affaire est loin d'être réglée: «Au tribunal cantonal, on nous a informés mi-septembre, à notre demande, qu'en raison d'une surcharge de travail, il ne pourrait pas traiter le cas avant l'année prochaine», s'énerve Paul R.
Le locataire fait la sourde oreille
Pourtant, le couple a tout fait correctement: lorsque le premier loyer n'est pas arrivé, ils ont d'abord essayé de contacter le locataire. «Mais c'était impossible. Il a fait l'autruche», dit Paul R. Deux rappels de paiement ont suivi, ainsi qu'une menace de résiliation dans le délai légal de 30 jours. Début février, le couple résilie finalement le bail pour la fin du mois de mars, toujours en conformité avec les délais légaux.
Mais le locataire ne réagit toujours pas et reste dans l'appartement. Le couple demande donc au tribunal de district l'expulsion du locataire et obtient gain de cause le 5 juin, ce qui ne pousse pas pour autant le locataire à quitter l'appartement.
Pire: celui-ci conteste l'expulsion devant le tribunal cantonal. Depuis, l'affaire est en suspens.
«Seule la patience peut aider»
Le locataire de 62 ans n'a pas pu être joint par Blick. Dans la lettre adressée au tribunal cantonal, que Blick a pu consulter, il évoque une situation financière extrêmement difficile, aggravée par les poursuites et les saisies sur salaire. Il serait en outre extrêmement difficile pour lui de trouver un nouveau logement. Il demande donc une prolongation du bail.
Le tribunal examine à présent si les conditions sont réunies pour une résiliation du bail pour cause d'impayés, ouvrant la voie d'une éventuelle expulsion du locataire. Mais la procédure peut prendre du temps: «Si le tribunal est surchargé, seule la patience peut aider. Il n'y a pas de délai légal maximum pour statuer», explique Massimo Vecchiè, expert en droit immobilier.
Les chances du couple d'obtenir gain de cause face au locataire sont toutefois proches de zéro.
41'000 francs à débourser... par les propriétaires
Certes, ce couple comprend les difficultés du locataire. Mais quand même: «Nous ne sommes pas un organisme de charité, mais des bailleurs privés. Or nous devons maintenant gérer une situation qui relève de l'assistance sociale», déclare Martina K.
Comble de l'histoire: alors que leur appartement mis en location ne rapporte pas un rond, le couple doit, lui, s'acquitter du loyer de l'appartement dans lequel ils vivent eux-mêmes.
Le préjudice financier est immense: pour un loyer mensuel de 1550 francs, charges comprises, les impayés s'accumuleront jusqu'en janvier pour atteindre plus de 23'000 francs. À cela s'ajoutent des frais annexes d'environ 18'000 francs, ainsi que des frais de justice.
Paul R. dort mal depuis des mois: «Financièrement, ça commence à poser problème. Je cogite la nuit.»
Ils ne reverront probablement jamais la couleur de leur argent
Le couple est conscient qu'il devra très probablement s'asseoir sur tous les impayés: les loyers dus sont considérés comme des créances de seconde zone en cas de faillite personnelle. Il faut donc d'abord rembourser tous ses créanciers.
«De tels cas d'expulsion durent en moyenne plus d'un an. Le Parlement s'efforce d'accélérer les choses» explique Matthias Bregy, conseiller national du Centre et par ailleurs membre au comité directeur de l'Association suisse des propriétaires fonciers.
Mais les perspectives de succès sont toutefois limitées pour les propriétaires et le risque de pertes de loyers à long terme est bien réel. «J'espère que ce chapitre pesant se clôturera bientôt», conclut désormais Paul R., avec résignation.
*Noms d'emprunt