Après leur lune de miel, de nombreux couples reçoivent une facture salée. Non pas parce que les vacances ont eu un prix exorbitant. Mais parce que l’Etat prélève plus d’impôts sur les couples mariés que sur les couples qui vivent ensemble sans être mariés.
L’initiative «pour l’introduction de l’imposition individuelle» veut mettre fin à cette situation. Le comité vient de réunir les signatures nécessaires, comme le rapportent de manière concordante «Le Matin Dimanche» et la «NZZ am Sonntag». Celle-ci demande qu’à l’avenir, chaque femme et chaque homme remplisse séparément une déclaration d’impôt, qu’ils soient mariés, en concubinage ou qu’ils vivent seuls. Selon la présidente des Femmes PLR, Susanne Vincenz-Stauffacher, plus de 128’000 signatures ont été récoltées.
De quoi s’agit-il?
Comme les couples mariés sont imposés ensemble, ils sont souvent désavantagés sur le plan fiscal. Leurs revenus sont additionnés et se retrouvent ainsi dans une tranche de progression plus élevée. Ceux-ci paient donc plus que si leurs revenus étaient imposés séparément.
Ce système réduirait l’intérêt d’une activité professionnelle, en particulier pour les femmes mariées, car il est moins intéressant financièrement d’avoir un second revenu. Grâce à l’imposition individuelle, le droit fiscal mettrait tous les modèles de vie sur un pied d’égalité, affirment les initiatrices.
Différences intercantonales
Mais dans certains cantons, comme à Genève ou à Fribourg par exemple, c’est le contraire qui se produit. La pénalisation du mariage y est combattue par différents modèles de barèmes. Le modèle du splitting, par exemple, est très répandu: le revenu imposé conjointement est divisé par deux pour déterminer le taux d’imposition. Les couples imposés en commun sont ainsi plus avantageusement imposés que les personnes seules ou les couples non mariés imposés individuellement.
Ladite pénalité du mariage concerne surtout les personnes qui gagnent bien leur vie et dont chaque conjoint réalise entre 75’000 et 125’000 francs de revenu annuel. En 1984 déjà, le Tribunal fédéral avait jugé que la pénalisation du mariage était anticonstitutionnelle et devait donc être abolie.
Les cantons ont réagi en introduisant des mesures d’allègement pour les couples mariés. Ce n’est pas le cas de la Confédération. Ainsi, environ 700’000 couples à double revenu et retraités paient chaque année jusqu’à 1,5 milliard de francs d’impôts dans l’impôt fédéral direct en raison de la pénalisation du mariage.
Qu’apporte l’imposition individuelle en plus d’une plus grande équité fiscale?
Les initiantes affirment qu’en raison de ces incitations fiscales, de nombreuses femmes bien formées restent à l’écart du travail. L’imposition individuelle contribuerait à remédier à l’importante pénurie de main-d’œuvre qualifiée actuelle.
Selon une étude d’Avenir Suisse, l’imposition individuelle pourrait créer 40’000 à 60’000 emplois à plein temps ou augmenter de 20% le taux d’activité de 300’000 femmes.
Qui est pour, qui est contre?
Les Femmes PLR ont initié cette demande en mars 2021 avec le soutien de politiciennes et de politiciens du parti Vert'libéral, du PS et des Verts, ainsi que des milieux économiques et syndicaux. Le Centre travaille lui-même à deux initiatives personnelles sur le sujet.
L’UDC s'oppose à l’imposition individuelle, les cantons sont critiques en raison de la crainte d’un surcroît de travail pour l’administration. Le ministre des Finances Ueli Maurer craint lui aussi des pertes pour le fisc.
Les Femmes PLR veulent déposer l’initiative le 8 septembre. Il n’est toutefois pas certain que les électeurs se prononcent à ce sujet. En effet, le Conseil fédéral a déjà mis en consultation cet automne, sur mandat du Parlement, un projet d’imposition individuelle.
N’avons-nous pas déjà voté à ce sujet?
La revendication de l’égalité dans le droit fiscal n’est pas nouvelle. En 2016, les électeurs ont rejeté de très peu l’initiative populaire du PDC «Pour le mariage et la famille – contre la pénalisation du mariage». Comme la Confédération avait présenté des chiffres erronés, le Tribunal fédéral a décidé plus tard que la votation devait être annulée.
En février 2020, le comité d’initiative du PDC a retiré sa demande de référendum. Le président du parti, Gerhard Pfister, avait annoncé auparavant que la direction du parti prévoyait une nouvelle initiative pour supprimer la pénalisation du mariage – sans la définition controversée du mariage comme alliance entre un homme et une femme.
En effet, dans l’initiative originale du PDC, le mariage était explicitement défini comme l’union d’un homme et d’une femme. Depuis l’adoption du «mariage pour tous», cette définition est dépassée.
(Adaptation par Nora Foti)