À la fin de l’hiver, pratiquement toute la population suisse aura développé une immunité contre le Covid-19, que ce soit par la vaccination ou par l’infection puis la guérison. C’est en tout cas l’hypothèse qu’avance la Task Force scientifique.
Il s’agit maintenant de savoir combien de temps cette immunité sera effective. Va-t-elle diminuer avec le temps? Un nouveau variant dangereux et résistant aux anticorps existants va-t-il apparaître? Ces possibilités ne sont pas à exclure.
Désaccords entre la Task Force et l’OFSP
Pour éviter de se retrouver potentiellement démunis à l’avenir, la Task Force recommande de mettre en place un programme de surveillance de l'immunité. Ce dernier comprendrait des tests du niveau des anticorps et une évaluation du niveau de protection contre une contamination et une forme grave du Covid-19 chez des individus représentant différents groupes de la population. D’après les scientifiques, cela permettrait de «détecter à temps une baisse de l’immunité chez la population».
Là où les choses se corsent, c’est que cette proposition a été rejetée d'emblée par la Confédération. L’Office fédéral de la santé publique (OFSP) a fait savoir qu’il ne prévoyait pas pour l’instant de mettre en place un «programme de surveillance du statut immunitaire de l’ensemble de la population».
Vague de protestations
De leur côté, des politiciens défendent les recommandations de la Task Force. «L’immunité de la population est le point central pour l’évolution de la pandémie. Elle sera décisive pour déterminer si de nouvelles mesures doivent être prises à l’avenir», a ainsi déclaré la membre du Centre Ruth Humbel dans les colonnes de la «SonntagsZeitung».
L’Argovienne est soutenue par Lukas Engelberger, conseiller d’État bâlois du Centre et président de la Conférence des directrices et directeurs cantonaux de la santé. Pour lui aussi, une surveillance de l’état de l’immunité liée au Covid-19 est importante.
Le conseiller fédéral socialiste et directeur de l’OFSP, Alain Berset, voit son propre parti s’élever contre lui: la co-présidente du PS Mattea Meyer a promis que ses camarades présenteraient le programme de surveillance à la commission de la Santé car «un suivi permet d’identifier à temps les évolutions et de réagir si la situation de Covid devait à nouveau se dégrader».
Des accusations de «négligence»
La conseillère nationale verte Regula Rytz qualifie même de «négligence totale» le fait que la Suisse puisse renoncer à l’avenir à collecter des données sur l’immunité. «Nous avons dû agir à l’aveuglette au début de la pandémie», rappelle-t-elle. Cela ne doit pas se reproduire, avertit l’ancienne présidente du parti.
Enfin, l’ancien chef des Vert’libéraux Martin Bäumle estime que le suivi des données reste «absolument impératif». Selon lui, il faudrait continuer à réaliser régulièrement des tests PCR, mais aussi des tests d’anticorps, un séquençage des variants ainsi qu’une analyse des eaux usées pour détecter en amont les potentielles mutations du virus.
«Une insouciance totale»
Le Zurichois pense également que les centres de test et de vaccinations devraient être entretenus de manière à pouvoir être de nouveau mis sur pied et en service en cas de besoin. Il insiste notamment sur la nécessité d’une politique commune en ce qui concerne l’entretien des espaces intérieurs. L’aération et le filtrage de l’air restent essentiels à mettre en place et le politicien considère que les espaces fermés doivent être rendus plus sûrs avec la mise en place de filtres à CO2.
Le Vert’libéral précise: «Je me réjouis également des réouvertures. Mais l’insouciance totale du secrétariat général du département de l’Intérieur et de l’OFSP est incompréhensible. Il semble que l’on n’ait guère tiré de leçons des erreurs commises durant les étés 2020 et 2021.»
Majorité contre le DFI et l’OFSP
Martin Bäumle considère aussi qu’il n’est pas judicieux de «faire reposer toute responsabilité sur les cantons»: cette surveillance de la situation sanitaire devrait être du ressort de la Confédération, même s’il «peut être judicieux de déléguer une partie de cette surveillance à des cantons urbains comme Zurich, Bâle et Genève». Le conseiller national souligne enfin la probabilité que de nouveaux variants arrivent en Suisse via le trafic lié aux aéroports internationaux: «Il faut être prêt et ne pas attendre à nouveau qu’il soit trop tard.»
Pas sûr donc que le refus de la Confédération de mettre en place un tel programme de suivi résiste à la pression de ces différents partis politiques: ensemble, le PS, les Verts, le Centre et les Vert’libéraux disposent de la majorité au Parlement ainsi que dans les commissions de la Santé compétentes des deux Chambres.
(Adaptation par Louise Maksimovic)