Guerre en Ukraine, crise énergétique, pénurie potentielle d'électricité, économies à tous les niveaux: des mots qui ont tourné en boucle dans la bouche du Conseil fédéral, des parlementaires et dans les colonnes des médias, cet été. Le problème est là, au tournant. Les solutions, elles, sont clivantes: elles ne font pas l'unanimité. La cheffe du groupe parlementaire des Vert-e-s, la Bernoise Aline Trede, a elle aussi son avis sur ces questions. Interview.
Madame Trede, vous avez déclaré lundi au Parlement que la pénurie d’électricité n’en était pas une. Que voulez-vous dire par là?
Aline Trede: Comme le dit aussi le gestionnaire de l’énergie de la Confédération: la probabilité d’une pénurie d’électricité est plus faible que celle d’une pénurie de gaz.
Il n’y a donc pas besoin d’agir?
Si, mais la question est de savoir dans quels domaines. En fait, la pénurie d’électricité est une pénurie d’efficacité. Si la situation est vraiment tendue, nous ne pourrons y remédier qu’en économisant. C’est pourquoi je ne comprends pas pourquoi nous ne misons pas maintenant sur l’efficacité, pourquoi nous ne menons pas une campagne pour la population et pourquoi nous n’organisons pas par exemple des enchères pour économiser de l’électricité avec les gros consommateurs.
Mais il y a bien une campagne d’économies de la Confédération?
C’est vrai, mais nous devons insister beaucoup plus sur les endroits où nous pouvons économiser de l’électricité, et ce sans grandes restrictions. Prenons l’exemple des 3,5 millions de machines à café du pays qui fonctionnent sans interruption.
Personne ne sait si nous faisons vraiment des économies. Parce que ce n’est pas mesuré…
C’est gênant. Dans d’autres pays, cette pratique est établie depuis longtemps.
Est-ce que cela apporte vraiment quelque chose d’économiser dès maintenant avec force?
Si nous économisons l’électricité dès aujourd’hui, nous pouvons remplir nos réservoirs d’eau. Nous en profitons énormément en hiver. C’est pourquoi les Vert-e-s se sont engagés à plusieurs reprises durant cette session en faveur de mesures d’efficacité – malheureusement sans succès.
Aujourd’hui, le gouvernement fédéral impose par ordonnance une centrale d’urgence à Birr. Qu’en pensez-vous?
C’est une bêtise, d’autant plus qu’il s’agit d’une centrale au mazout. Mais nous ne pouvons rien y faire. Nous n’avons pas besoin de cette centrale, mais elle correspond à l’alarmisme du Conseil fédéral.
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L’offensive solaire a fait sensation au Parlement: les grandes installations alpines doivent désormais être construites rapidement. Est-ce la bonne voie?
La direction est la bonne. Nous nous battons depuis des années pour le développement des énergies renouvelables. Seulement, cette offensive ne contribue en rien à éviter une pénurie d’énergie à court terme. Les décisions prises par le Parlement lors de cette session ne sont pas utiles pour cet hiver, mais le seront à plus long terme.
Et même pas le rehaussement du barrage du Grimsel? Il a été récemment intégré à l’offensive solaire grâce à un coup de théâtre du conseiller national UDC Albert Rösti…
Ce n’est pas un coup d’éclat! Ce n’est pas parce que l’échafaudage est déjà en place que les pelleteuses vont sortir de terre. C’est de la poudre aux yeux. Ce projet n’a pas de concession, la procédure de planification n’est pas influencée. Et des années s’écouleront jusqu’à ce qu’elle soit terminée. Cela ne nous apporte donc rien pour cet hiver. Le fait que le Parlement ait déclaré le projet urgent n’y change rien. Peut-être que la peur d’un référendum de l’UDC se cachait derrière cette décision.
L’offensive solaire n’est-elle finalement que du vent?
Elle contient des éléments importants qui nous font avancer. Mais les spécialistes du droit de l’environnement critiquent non sans raison le fait que le Parlement n’a pas travaillé soigneusement sur ce dossier. La terminologie est en partie très floue. Les associations sont désormais pratiquement obligées de déposer des recours pour que les tribunaux apportent des éclaircissements. Les grandes installations alpines sont donc loin d’être passées. Il y aura encore de nombreuses discussions sur le terrain.
La sécurité d’approvisionnement est toutefois l’argument principal de l’offensive. Pour cela, on est également prêt à restreindre la protection de l’environnement. A juste titre?
Pour nous, c’est un dilemme. Si la Suisse avait fait ce que les Vert-e-s demandaient déjà il y a 20 ans, nous serions aujourd’hui dans une bien meilleure situation. Et si nous misions pleinement sur l’efficacité, nous pourrions toujours éviter cette zone de conflit. Au moins, l’étude d’impact sur l’environnement pour les installations solaires alpines est maintenue. Sinon, nous n’aurions pas donné notre accord.
En revanche, des coupes massives ont été faites dans l’obligation d’installer des panneaux solaires sur les toits des maisons, pour laquelle les Vert-e-s se sont fortement mobilisés.
C’est malheureusement vrai. Toutefois, les installations sur les infrastructures de la Confédération permettent désormais de réaliser des projets qui semblaient impensables auparavant.
Les Vert-e-s ne s’opposeront donc pas à l’offensive solaire?
Non, nous ne lancerons pas de référendum. Car globalement, cela va dans le sens de ce que nous préconisons depuis des années. Et la loi sur la protection de l’environnement reste respectée dans cette version, car le droit de recours n’est pas simplement supprimé. Ainsi, les atteintes extrêmes à la nature continueront d’être bien examinées à l’avenir.
Est-ce que c’était une session des Vert-e-s?
Enfin de compte, oui. L’offensive solaire et le contre-projet indirect à l’initiative sur les glaciers sont passés. Mais face à la majorité de droite, nous nous sommes malgré tout toujours retrouvés le dos au mur. Nous avons passé la première semaine des discussions à nous défendre contre l’accusation absurde selon laquelle le camp rose-vert était responsable de la crise énergétique.
Et ensuite, vous avez dû essuyer des revers sur divers projets, de l’allègement des charges pour les ménages de condition modeste à l’obligation de l’énergie solaire pour les maisons individuelles…
C’était et c’est sans doute tout simplement notre rôle. Divers projets que nous réclamons depuis des années passent désormais sans problème. Mais cela se remarque moins que des actions comme celle d’Albert Rösti, qui ne contribue absolument pas à notre sécurité d’approvisionnement actuelle. Mais en fin de compte, tant de demandes correspondant à nos objectifs ont été acceptées que nous et le climat sommes malgré tout les vainqueurs de cette session.
Le conseiller fédéral Ueli Maurer se retire à la fin de l’année. Les Vert-e-s vont-ils passer à l’attaque?
Un changement au sein du Conseil fédéral est nécessaire. Dans sa composition actuelle, le gouvernement est incapable de s’attaquer aux plus grands défis de notre temps. Lors de cette session, l’UDC s’est surtout fait remarquer en empêchant la protection du climat et en adoptant un comportement indigne. Nous déciderons si les Vert-e-s s’attaqueront au siège de l’UDC au Conseil fédéral lors de la session extraordinaire du 18 octobre.