En début de semaine, Greta Thunberg a protesté contre l’exploitation du charbon à Lüzerath, en Allemagne (ce qui lui avait d’ailleurs valu une interpellation par la police). Mais ce qu’elle a entendu du World Economic Forum (WEF) de Davos l’a particulièrement énervée: jeudi, elle s’est présentée à l’improviste dans le village de montagne grison, accompagnée des militantes Luisa Neubauer, Vanessa Nakate et Helena Gualinga.
Greta Thunberg est entrée directement dans le vif du sujet: «Les participants au WEF alimentent la destruction de la planète», a-t-elle martelé dans les microphones. Les quatre activistes ont apporté une pétition à Davos, signée par 900’000 personnes. «Arrêtez ça», ont-elles demandé aux représentants d’entreprises spécialisées dans les énergies fossiles.
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«Les géants du pétrole doivent cesser immédiatement de faire obstacle à la transition énergétique, a tonné l’activiste suédoise. Ils induisent le public en erreur. Pour faire des bénéfices, ils continueront à jeter les gens sous le bus pour leur propre bénéfice.» Mais cette année encore, le WEF offre à ces dirigeants une plateforme – au lieu d’écouter ceux qui sont directement concernés par la crise climatique.
Un WEF vert?
Ce coup de gueule a bouleversé Davos. Notamment parce que le WEF de cette année s’est montré plus vert que jamais: il a encouragé les invités à compenser les émissions de CO2 de leur voyage, a servi des snacks dans des emballages respectueux de l’environnement et a proposé plus de 400 événements sur la crise climatique – avec des personnalités internationales du monde économique, scientifique et politique.
Le président de la Confédération Alain Berset a ouvert une table ronde sur la pollution plastique, le prince Albert II de Monaco a parlé de la fonte des glaciers, l’ancien vice-président américain Al Gore a appelé les puissants de ce monde à agir.
Seulement voilà: ces hommes font eux-mêmes partie des puissants, tout comme les dirigeants des groupes énergétiques mondiaux qui ont défendu leur business au WEF. «C’est le pétrole qui fournit le plus d’énergie au meilleur prix», a assuré Vicki Hollub, PDG et présidente du géant pétrolier américain Occidental Petroleum Corporation.
Les activistes climatiques ont dû s’effacer
Le fait qu’Al Gore et les scientifiques de l’environnement ne soient pas les seuls à se rendre à Davos, mais que les entreprises du secteur des énergies fossiles y soient également présentes, s’inscrit dans la devise du WEF. «Nous devons sortir de nos silos et travailler ensemble», soulignent les organisateurs sur leur site Internet… Mais les activistes climatiques n’étaient pas présents lors de ces manifestations. Ils ont fait leurs apparitions avant l’ouverture, puis ont dû s’effacer.
«Ce sont toujours les mêmes vieilles puissances qui dominent le forum», pointe Alexandra Gavilano de Debt for Climate Suisse. Le mouvement réclame un allègement de la dette des pays pauvres – et a fait parler de lui lundi en bloquant la sortie de l’aéroport privé d’Altenrhein, à Saint-Gall, pour empêcher les passagers de se rendre au World Economic Forum. En revanche, on n’a pas vu les activistes lors des tables rondes du congrès.
«Seule l’élite, qui profite avec ses entreprises de la dette des pays du Sud, a le droit d’entrer», souligne Alexandra Gavilano. Ce qui l’agace particulièrement? «Nous avons essayé pendant des semaines de faire venir deux activistes du Congo au WEF.» Car Greta Thunberg a raison lorsqu’elle dit que les personnes concernées n’y ont pas leur mot à dire. «Mais aucune rencontre n’a eu lieu, se désole l’activiste. C’est extrêmement décevant.»
Des actes plutôt que des paroles
«Nous avons besoin d’une approche globale, partenariale et inclusive de l’action pour sauver notre planète», assure le WEF sur son site Internet. Aux yeux des défenseurs du climat, il y a encore beaucoup de marge de progression à cet égard.
C’est également l’avis de la ministre sud-africaine des Affaires étrangères, Naledi Pandor. Elle a participé mercredi à un événement avec le conseiller fédéral Ignazio Cassis, consacré aux chances de la coopération multilatérale. Pour Naledi Pandor, il faudrait que toutes les parties du monde soient impliquées. «Et le danger, c’est justement que tout le monde n’en profite pas […] Il faut des actes plutôt que des paroles. Vérifions donc ce que nous aurons vraiment accompli la prochaine fois que nous nous reverrons!»
Greta Thunberg insiste aussi sur l’importance des actes. «Personne n’a dit que ce serait facile», a-t-elle déclaré à Davos. Selon elle, le monde continue d’aller dans la mauvaise direction. «Nous avons besoin d’aide!»