Le 7 octobre dernier, un tweet du sénateur socialiste (PS) genevois Carlo Sommaruga mettait le feu aux poudres. Souhaitant dénoncer les tirs de roquettes depuis Gaza sur Israël, l'élu écrivait ces mots: «Toute victime civile israélienne ou palestinienne est inacceptable. Que chaque partie respecte le droit international humanitaire et les résolutions de l’ONU!»
Plus de 25'000 personnes lisent le message du conseiller aux États, alors en pleine campagne pour sa réélection (il a, depuis, été choisi par les Genevois pour siéger à la Chambre haute en compagnie de Mauro Poggia). Les commentaires sont violents: «Démissionnez immédiatement», «vous êtes un haineux sans faille des Juifs», «vous avez soutenu les terroristes toute votre vie»...
Archives de rencontres
Le sujet est hautement sensible. Les critiques et les archives fusent, postées par d'autres internautes. On voit notamment l'élu en compagnie du militant romand Anouar Gharbi, en 2014, lui-même en photo avec Khaled Mashal, l'un des dirigeants du Hamas. Ou encore, avec Khalida Jarrar, femme politique palestinienne, membre du Front populaire de libération de la Palestine, détenue par Israël entre 2017 et 2019.
Mais la réaction de l'élu a plus surpris encore que ces clichés. Critiqué pour ses liens potentiels avec le Hamas, il a choisi le silence radio. Contacté par Blick, il n'avait pas souhaité s'exprimer.
Plusieurs voyages à Gaza
C'est maintenant chose faite, dans une interview accordée au «Matin Dimanche». Le sénateur y défend son tweet, qui avait été jugé trop laxiste. «Toute cette journée-là, j’étais pris dans une assemblée avec un rôle actif», confie-t-il au dominical. Poussé à réagir, il a rédigé un texte «à la hauteur de ce que je savais dans les dix minutes que j’ai eues pour réagir».
Carlo Sommaruga explique également s'être rendu plusieurs fois à Gaza, mais nie tout lien avec les dirigeants du mouvement nationaliste. Après les bombardements de l'opération «Plomb durci», en 2009, il y a rencontré des gens qui faisaient certainement partie du Hamas, bien que personne ne se soit présenté comme tel.
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Le Genevois affirme qu'il était au courant qu'Anouar Gharbi était en contact avec les Frères Musulmans, mais pas avec le Hamas. Il ajoute que lors de ses déplacements, il s'est «catégoriquement opposé à toute rencontre avec les dirigeants du Hamas», afin de ne pas être «instrumentalisé d'une manière ou d'une autre».
Interdire le Hamas, une «erreur stratégique»
Concernant l'interdiction du mouvement islamiste par le Conseil fédéral, que le ministre des Affaires étrangères, Ignazio Cassis, veut voir entrer en force au moyen d'une loi fédérale urgente, Carlo Sommaruga «[est] convaincu que c'est une erreur» stratégique. Par exemple, l’ANC sud-africaine était considérée comme une organisation terroriste avant que des négociations ne soient engagées avec elle pour mettre fin à l’apartheid, cite l'élu.
Par ailleurs, si la Suisse suit cette voie, elle ouvrirait la boîte de Pandore, estime le socialiste: «On se livre aux pressions de pays qui feront la même demande, par exemple la Turquie pour le PKK, et donc on place la Suisse dans une situation de fragilité», analyse-t-il, toujours dans les colonnes de l'hebdomadaire. Pour lui, c'est clair: Ignazio Cassis «s’incline devant Israël plutôt que de voir l’intérêt de notre pays à long terme».
Inclure tous les acteurs
«Dans une négociation, vous devez inclure tous les acteurs», déclare-t-il alors, d'autant plus que le Hamas est «très fortement» intégré dans la société palestinienne. Le mouvement mêle politique et activités sociales, «et aussi une branche de résistance armée qui s’en prend de manière inadmissible à des civils et viole le droit international humanitaire», critique le socialiste.
Il souligne également que la Suisse est en contact avec un gouvernement israélien «dont un membre recommande l'utilisation de la bombe atomique pour éliminer les Palestiniens [...]. Est-ce une raison pour arrêter de parler à ce gouvernement? Non.»