Le clocher de l'église penche, les murs des maisons sont parcourus de profondes fissures et la route menant au village n'est plus goudronnée, car le revêtement n'a cessé d'éclater. Brienz, dans l'Albula (GR), perd pied. Littéralement, puisqu'il glisse en direction de la vallée. Un mètre par an. C'est beaucoup trop, mais moins qu'avant.
Et voilà que la montagne au-dessus du village n'arrange pas la situation. Une partie du versant se déplace vers le bas jusqu'à 32 mètres par an. En mars, la masse s'est déplacée encore plus rapidement. Dès le début de l'été, ce mouvement pourrait créer un éboulement, selon le bulletin d'information du début de la semaine.
Dans le pire des cas, 56 millions de mètres cubes de roche s'abattraient alors sur le village depuis le sommet Piz Linard - c'est quatorze fois plus que lors des éboulements sur Bondo (GR) en 2017. Les masses d'éboulis enseveliraient Brienz et se déplaceraient jusqu'à Tiefencastel, dans la vallée.
Se préparer à l'évacuation
Un habitant a déclaré au journal «Südostschweiz»: «Nous voyons tous les jours ce qui tombe, et ces deux ou trois dernières semaines, c'était extrême. Ceux qui disent qu'ils n'ont pas peur mentent.» Les grondements ont massivement augmenté au cours des deux dernières semaines et arrivent souvent la nuit, estime une deuxième habitante.
Une catastrophe impliquant de grands éboulements est certes peu probable, souligne le bulletin, mais elle ne peut plus être exclue. La population doit se préparer à l'évacuation, ajoute-t-il. Des informations plus précises seront données jeudi prochain.
La protection de Brienz a coûté jusqu'à présent 68 millions de francs. Une nouvelle galerie de drainage souterraine a permis de stabiliser le sol sous le village.
Près de 300 logements seraient concernés
Mais personne n'est à l'abri de la montagne: les prouesses techniques s'opposent à la force de la nature, c'est David contre Goliath. Et Brienz manque de temps. Depuis 2021, un autre scénario a donc été proposé: celui de la relocalisation. En 2021, le canton des Grisons a commandé une étude à ce sujet pour un demi-million de francs.
Près de 72 habitants et environ 50 visiteurs devraient déménager, et dans le cas extrême, près de 300 logements seraient concernés. Ce serait la plus grande opération de relogement de Suisse. Pour les habitants de Brienz, c'est la dernière solution.
Et peut-être bien la seule. Le village est en mouvement depuis toujours, mais ce n'est qu'au cours des 20 dernières années que le glissement s'est fortement accéléré. Certains indices laissent penser que le changement climatique y contribue.
Le réchauffement climatique empire la situation
Les régions de montagne suisses sont particulièrement touchées par la crise climatique. La raison? La hausse des températures notamment: les glaciers reculent, le permafrost commence à fondre. Nos montagnes deviennent plus instables.
Selon le dernier rapport du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat, l'augmentation des risques naturels dans les régions de montagne rendra inévitables les déplacements de population dans certains endroits. De tels scénarios ne sont pas seulement discutés à Brienz, mais aussi à Bondo et Guttannen (BE).
Christian Gartmann, responsable de la communication de la commune, explique que l'on continue à travailler sur de très vastes études. Il y aura également de nouvelles informations sur le thème de la relocalisation ce jeudi, puis des informations plus détaillées à la mi-mai.
Un relogement a eu lieu à Horlaui (LU)
La région de Horlaui, dans la commune lucernoise de Weggis, constitue un précédent en Suisse. C'est là qu'a eu lieu en 2014 la plus grande action préventive de relogement pour cause de danger environnemental. La commune située au pied de la montagne Rigi était régulièrement touchée par des éboulements et des coulées de boue.
Des études ont montré que les rochers pouvaient se détacher à tout moment et blesser mortellement les habitantes. Cinq maisons d'habitation ont été évacuées et démolies. Dix habitants ont perdu leur logement.
L'affaire Horlaui a donné lieu à de longues batailles juridiques. Les personnes concernées ont exigé une indemnisation plus élevée ou ont porté plainte contre la démolition. En effet, la zone de Laugneri, située à quelques centaines de mètres, a été protégée à hauteur de dix millions de francs.
Selon des études, un sauvetage était techniquement faisable et économiquement raisonnable. Le Tribunal fédéral a rejeté les deux recours.
4100 kilomètres carrés menacés par des glissements de terrain
Quand décide-t-on de sauver un village? Quand l'abandonne-t-on à son sort? Ces questions sont plus actuelles que jamais dans le cas de Brienz.
L'Office fédéral de l'environnement a calculé pour la SRF que près de 4100 kilomètres carrés sont menacés par des glissements de terrain dans toute la Suisse - c'est-à-dire 10% du pays, un territoire comptant 160'000 bâtiments, soit 2,5 fois la taille du canton de Zurich. La plupart de ces surfaces bougent peu ou seulement de quelques centimètres par an.
Près de 37 bâtiments ont bougé de plus de 200 mètres
Brienz, cependant, glisse particulièrement vite. Un cas comparable ne s'est produit que dans les Préalpes fribourgeoises. En 1994, une masse de boue, de roches et de bois a dévalé la montagne et détruit complètement le lotissement de vacances Falli-Hölli. Au final, les 37 bâtiments du lotissement se sont retrouvés à plus de 200 mètres de leur emplacement d'origine. Falli-Hölli est considéré comme «le plus grand glissement de terrain dans une zone habitée en Europe». En un an, 30 millions de mètres cubes de matériaux sont tombés de la montagne.
Depuis le glissement de Falli-Hölli, le changement climatique s'est considérablement accéléré. Brienz pourrait donc signifier le début d'un phénomène de plus grande importance.
Que risque le village? Les habitants de Brienz devront-ils partir ou pourront-ils rester? Ils en sauront plus jeudi prochain.