Arrêter d’utiliser son appareil d’assistance respiratoire et risquer des apnées du sommeil voire des problèmes plus graves, ou continuer de le faire et inhaler des particules cancérigènes? En Suisse, des milliers de personnes sont confrontées à ce choix cornélien depuis quelques semaines.
L'origine du problème remonte à une notice de sécurité publiée en avril par Philips, puis confirmée fin juin: la mousse en polyuréthane à base de polyester (PE-PUR) utilisée pour l’isolation phonique des appareils Respironics peut se dégrader et émettre des particules cancérigènes.
Or, ces respirateurs servent à assister le sommeil des personnes atteintes d’apnée du sommeil. Elles sont près de 150’000 en Suisse, selon la Ligue pulmonaire, et 45’000 utiliseraient les modèles problématiques de Philips. Le constructeur a mis en place un centre d’assistance pour la Suisse.
«Nous sommes profondément choqués»
Malgré cela, personne n’a contacté directement les patients concernés, selon les recherches de Blick. De quoi faire bondir la Fédération suisse des patients. «Nous sommes profondément choqués par cette situation, où le patient est livré à lui-même avec un appareil qui met potentiellement sa santé en danger grave. Les personnes concernées ne doivent pas apprendre cela par un article de presse», réagit Simon Zurich, vice-président.
Que disent les médecins? Les professeurs Christophe Von Garnier, président de la société suisse de pneumologie et chef du service de pneumologie du CHUV, et Raphael Heinzer, médecin chef du Centre du sommeil du CHUV, sont très préoccupés. «Dès l'annonce par Philips le 14 juin, nous avons contacté l'entreprise, qui nous a confirmé que plusieurs dizaines de milliers de machines en Suisse étaient concernées», expliquent-ils.
Les professeurs ont informé «immédiatement» les pneumologues et spécialistes du sommeil qui prescrivent ce type de respirateurs en Suisse afin d’atteindre le plus de patients possible. Ces appareils étant utilisés pour traiter des maladies respiratoires «mettant parfois des vies en danger», les deux médecins ont cherché à obtenir davantage d’informations sur la nature du risque immédiat encouru par les patients. En vain: «Cette évaluation est essentielle car nous voulons déterminer une solution adaptée à chaque cas. Or, malgré plusieurs contacts par téléconférence, ni les représentants de Philips ni Swissmedic n’ont pu nous donner d’informations satisfaisantes», nous assurent les professeurs.
Des mois voire une année d'attente
Swissmedic renvoie la balle à Philips. «Pour tout ce qui concerne des dispositifs médicaux, ce n’est pas comme avec les médicaments: c’est la responsabilité entière du constructeur de prendre contact avec les clients concernés», se défend Lukas Jaggi, porte-parole de l’autorité d'autorisation et de surveillance des produits thérapeutiques. Swissmedic précise qu’elle met à jour «continuellement» ses recommandations sur son site sur la base des informations reçues par Philips.
La situation ne convainc pas les professeurs Von Garnier et Heinzer. «Philips nous a indiqué cette semaine que le remplacement ou la réparation des appareils prendrait des mois voire plus d’une année, ce qui ne nous semble pas acceptable», répondent-ils en commun, réitérant leur volonté de recevoir une évaluation des risques «dans les plus brefs délais», afin de savoir comment conseiller correctement leurs patients. Dans l’intervalle, la Société suisse de pneumologie recommande aux utilisateurs de ne pas interrompre leur traitement de leur propre chef, mais de prendre contact avec leur médecin.
Le flou qui règne énerve beaucoup la Fédération romande des consommateurs (FRC). «Dans des cas graves comme celui-ci, Swissmedic devrait se montrer bien plus proactive et ne pas se réfugier derrière le fabricant. Nous essayons d’agir à notre échelle, mais nous n’avons pas la puissance de frappe que pourraient avoir Swissmedic ou l’OFSP», déplore Yannis Papadaniel, responsable santé à la FRC. «Swissmedic est très prompte à reprendre les données des fabricants pour ne pas trop déranger leurs intérêts commerciaux mais ne semble pas vouloir collaborer avec les acteurs directement.»
Ruée sur la concurrence
La Fédération suisse des patients, pour sa part, «exige de Swissmedic et de Philips qu'ils assument leurs obligations légales visant à assurer la sécurité des patients» en remplaçant, comme le souhaite également la Société suisse de pneumologie, les appareils concernés par des appareils équivalents d'une autre marque.
Cela ne sera pas facile. Certes, Philips ne couvre que 30% du marché helvétique, mais l’alerte internationale a fait bondir l’offre pour les appareils d’autres marques. Rien n’indique que les stocks des concurrents (dont Resmed, qui domine le marché helvétique) puissent permettre de pallier cette soudaine pénurie qui se joue à l’échelle mondiale, note la FRC.
Philips, qui a perdu beaucoup de plumes en Bourse avec ce rappel, se borne à renvoyer à sa notice de sécurité. Le service de communication en Suisse renvoie à Respironics, filiale du groupe néerlandais, lequel redirige vers la direction du groupe en Allemagne, qui ne fournit aucune autre réponse que celles publiées sur son site internet.
Le monde médical pourrait être l'un des domaines touchés par la fin des négociations autour de l'accord-cadre avec l'Union européenne. Berne et Bruxelles ont conclu des accords sur une «reconnaissance mutuelle d'évaluations de la conformité» (ARM), entrés en vigueur en 2002.
En clair, une reconnaissance automatique des dispositifs médicaux car la directive européenne sur les dispositifs médicaux a été transposée dans le droit suisse. La Suisse avait aussi accès jusqu'ici à Eudamed, une base de données européenne du dispositif médical visant à identifier et tracer les dispositifs médicaux. Or, avec la fin des négociations avec Bruxelles, la Suisse n'y aura plus accès. «Swissmedic doit réagir au moins en listant et centralisant les incidents liés aux dispositifs médicaux à l'échelle européenne», estime Yannis Papadaniel, de la Fédération romande des consommateurs (FRC).
La Fédération suisse des patients (FSP), pour sa part, est «consternée de constater que les mêmes problèmes, liés à la sécurité des dispositifs médicaux, se répètent». Pour l'organisation, cela montre que les réformes entreprises par le Parlement ces dernières années «pour prétendument résoudre ces problèmes» étaient «cosmétiques».
Tandis que la FSP étudie la possibilité d'actions pénales et/ou civiles pour défendre les intérêts des patients concernés par l'affaire des appareils de Philips, la FRC verrait d'un bon oeil la possibilité de lancer une action collective en cas de manquements. «Cela mettrait la pression sur les fabricants et les forcerait à réagir plus tôt et plus vite», assure Yannis Papadaniel.
Le monde médical pourrait être l'un des domaines touchés par la fin des négociations autour de l'accord-cadre avec l'Union européenne. Berne et Bruxelles ont conclu des accords sur une «reconnaissance mutuelle d'évaluations de la conformité» (ARM), entrés en vigueur en 2002.
En clair, une reconnaissance automatique des dispositifs médicaux car la directive européenne sur les dispositifs médicaux a été transposée dans le droit suisse. La Suisse avait aussi accès jusqu'ici à Eudamed, une base de données européenne du dispositif médical visant à identifier et tracer les dispositifs médicaux. Or, avec la fin des négociations avec Bruxelles, la Suisse n'y aura plus accès. «Swissmedic doit réagir au moins en listant et centralisant les incidents liés aux dispositifs médicaux à l'échelle européenne», estime Yannis Papadaniel, de la Fédération romande des consommateurs (FRC).
La Fédération suisse des patients (FSP), pour sa part, est «consternée de constater que les mêmes problèmes, liés à la sécurité des dispositifs médicaux, se répètent». Pour l'organisation, cela montre que les réformes entreprises par le Parlement ces dernières années «pour prétendument résoudre ces problèmes» étaient «cosmétiques».
Tandis que la FSP étudie la possibilité d'actions pénales et/ou civiles pour défendre les intérêts des patients concernés par l'affaire des appareils de Philips, la FRC verrait d'un bon oeil la possibilité de lancer une action collective en cas de manquements. «Cela mettrait la pression sur les fabricants et les forcerait à réagir plus tôt et plus vite», assure Yannis Papadaniel.