Encensé, puis critiqué
Beat Jans, le conseiller fédéral que personne n'aime

Le conseiller fédéral Beat Jans est en fonction depuis un an. Le ministre de la Justice a d'abord été encensé au Parlement, mais entre-temps, le vent a tourné. Le politicien bâlois socialiste est désormais critiqué de presque tous les côtés.
Publié: 05:59 heures
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Dernière mise à jour: 06:36 heures
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Beat Jans est en fonction depuis un an, mais n'est pas particulièrement apprécié.
Photo: Philippe Rossier
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Sophie Reinhardt

Lorsque l'on évoque son nom au Palais fédéral, les critiques fusent – à droite comme à gauche. Il semblerait que Beat Jans, ministre de la Justice socialiste, n'a pas fait l'unanimité au cours de sa première année au Conseil fédéral.

C'est la douche froide pour celui qui semblait, pourtant, être parti sur une bonne lancée. Début 2024, le Bâlois a surpris tout le monde en reprenant le Département fédéral de justice et police (DFJP) de sa collègue du Parti socialiste (PS), Elisabeth Baume-Schneider. Probablement heureuse de s'en débarrasser, elle lui a laissé un cadeau empoisonné, en lui confiant les rênes du département le plus impopulaire du Conseil fédéral. 

Critiqué de tous les côtés

Dès sa prise de fonction, Beat Jans a voulu faire bouger les choses. Comme lorsqu'il a donné le ton sur sa politique d'asile, en annonçant son intention d'accélérer les procédures des demandeurs, en les traitant dans les 24 heures. «Les personnes provenant de certains pays et qui n'ont aucune chance d'être admises ne doivent plus déposer de demandes d'asile en Suisse», justifiait Beat Jans. Cette position ferme a séduit les partis bourgeois. Ce qui explique peut-être le fait que le statut de conseiller fédéral le plus populaire lui a été attribué quelques semaines plus tard, selon un sondage Tamedia. Mais son aura a été de courte durée...

Très vite, l'Union démocratique du centre (UDC) l'a qualifié de «ministre de l'annonce». Le parti a d'ailleurs organisé une conférence de presse spéciale intitulée «Bilan du conseiller fédéral Jans: 200 jours d'échec». Malgré ses efforts, Beat Jans est resté l'ennemi de l'UDC. «Beat Jans a été constamment attaqué par la droite», déclare Samira Marti, co-présidente du groupe socialiste à l'Assemblée fédérale.

Pour Samira Marti, coprésidente du groupe PS, Beat Jans était le bouc émissaire de la droite.
Photo: Keystone

Il s'est même fait incendier par les siens. En mai, les Jeunes socialistes ont estimé que ses actions étaient «indignes d'un représentant de la gauche» et ont publiquement critiqué son côté «répressif». Aussi, lorsque le dirigeant syrien Bachar al-Assad a été renversé en décembre dernier, le Secrétariat d'Etat aux migrations (SEM), dont il est en charge, a immédiatement réagi, faisant savoir qu'il stoppait toutes les procédures d'asile en cours concernant les personnes syriennes. «Réaction totalement erronée!», a déploré de son côté la cheffe de groupe des Vert-e-s, Aline Trede, sur X.

Tensions avec les cantons

La collaboration de Beat Jans avec les cantons n'a pas été un long fleuve tranquille. Le conseiller fédéral recevait régulièrement des courriers dans lesquels les cantons se plaignaient du nombre élevé de demandes d'asile en suspens ou de problèmes liés à l'hébergement. Des tensions qui ont atteint leur point culminant, lorsque les cantons ont annoncé cesser leur collaboration à la nouvelle stratégie en matière d'asile. La cause: le grand paquet d'économies du Conseil fédéral, qui prévoyait, entre autres, une limitation du soutien financier de la Confédération aux cantons. 

Beat Jans a toutefois réussi à calmer le jeu. Le SEM a ainsi promis à la fin de l'année des mesures d'allègement pour les cantons. Comme le fait de ne plus attribuer – si possible – les cas des demandeurs d'asile en provenance d'Ukraine, qui n'ont aucune perspective d'obtenir le statut S, aux cantons. 

Sa communication sous le feu des critiques

Le ministre de la Justice a aussi commis des erreurs de communication. La procédure d'asile en 24 heures, dont il faisait l'éloge, durait plutôt 12 jours – en moyenne. Beaucoup ont alors eu le sentiment d'avoir été trahis. Les parlementaires lui reprochent aussi ses absences aux réunions et son manque de transparence sur le dossier de l'asile. Le service de communication de Beat Jans a répondu aux critiques, en expliquant que le conseiller fédéral participait aux réunions lorsqu'il y avait des affaires de «grande portée politique», ce qui n'avait pas souvent été le cas.

La conseillère aux Etats UDC, Esther Friedli, a des mots durs envers Beat Jans, dont elle déplore le manque d'engagement.
Photo: PETER KLAUNZER

La commission des institutions politiques (CIP) du Conseil national a réagi, en adressant une lettre cinglante à Beat Jans. Lettre largement diffusée dans les médias. Le socialiste a alors promis de s'améliorer. Dès ce moment-là, les parlementaires se sont forgés leur opinion: Beat Jans et ses collaborateurs fixaient mal les priorités.

Sans surprise, le retour de bâton a fini par avoir lieu: malgré les mises en garde du Bâlois, une majorité des deux chambres ne l'a pas écouté, lui et le Conseil fédéral, et a décidé de restreindre le statut de protection S

La conseillère aux États UDC Esther Friedli déplore son manque d'engagement. Comme Beat Jans «ne propose pas de solutions propres pour maîtriser la problématique de l'asile et de la migration illégale», le Parlement doit s'en charger, déclare la politicienne à Blick.

Des améliorations saluées

Une critique balayée par Samira Marti: «Il a mis l'accent là où il le pouvait», estime la socialiste. Selon elle, Beat Jans a par exemple amélioré le suivi psychologique des personnes réfugiées et a réalisé des avancées importantes en ce qui concerne la situation des femmes victimes de violences. «On a beau argumenter, si le Parti libéral-radical s'aligne sur l'UDC dans le domaine de l'asile et veut, avec une grande partie du Centre, laisser tomber l'Ukraine, les meilleurs arguments ne servent à rien», déplore Samira Marti, qui défend le bilan de son conseiller fédéral.

Au cours de l'année dernière, Beat Jans a perdu son soutien populaire. Alors qu'il figurait en tête du classement de popularité au début de 2024, Albert Rösti et Viola Amherd l'ont dépassé en décembre.

D'autres grands défis attendent Beat Jans en 2025. Il devra par exemple s'engager dans la lutte contre l'initiative «Pas de Suisse à 10 millions», un projet de l'UDC controversé. Le conseiller fédéral devra également jouer un rôle clé dans le débat sur l'accord avec l'Union européenne. Reste à voir si le ministre de la Justice pourra redresser son image cette année. 

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