En déclin en Allemagne et Autriche
L'apprentissage, un modèle en perte de vitesse en Suisse?

Les pays germanophones ont toujours valorisé l'apprentissage. Mais en Allemagne et en Autriche, ce modèle peine désormais à attirer les jeunes, contrairement à la Suisse. Comment expliquer son déclin? La menace plane-t-elle en Suisse?
Publié: 17.04.2025 à 20:03 heures
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En Suisse, l'apprentissage est encore considéré comme un modèle de réussite.
Photo: Keystone
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Sven Altermatt

Un système, trois pays, un seul succès. L'Allemagne, l'Autriche et la Suisse sont considérées dans le monde entier comme des modèles en matière de formation professionnelle. La clé du succès: travailler en entreprise pour le côté pratique, et suivre des cours à côté pour le côté théorique. Mais en Allemagne et en Autriche, l'apprentissage peine de plus en plus à séduire les jeunes, contrairement à la Suisse. C'est ce que montre une évaluation présentée par des institutions publiques dans les trois pays – dont l'Observatoire suisse de la formation professionnelle. 

En Autriche, seulement un jeune sur trois (35%) opte pour la formation professionnelle, contre 55% en Allemagne. En Suisse, cette voie a toujours autant de succès, avec 75% de jeunes qui la choisissent. Le taux d'apprentis en Allemagne et Autriche connaît une baisse depuis quelque temps, alors qu'il était déjà bas. En Suisse, il est en revanche resté assez stable à un niveau élevé. Autre fait intéressant: en Allemagne et en Autriche, il y a aussi de moins en moins d'apprentis en termes absolus.

Mais ce n'est pas qu'une question de chiffres: l'apprentissage souffre d’une image négative dans les pays voisins. Comment l'expliquer? Et quelles leçons la Suisse peut-elle tirer pour ne pas vivre la même chose? Voici cinq conclusions:

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Les Allemands préfèrent miser sur les études

En Allemagne, le nombre de contrats d'apprentissage a de nouveau reculé en 2024. Selon «Der Spiegel», plusieurs facteurs expliquent cette baisse: la voie universitaire séduit de plus en plus de jeunes, car elle jouit d'un prestige social plus élevé et est perçue comme offrant de meilleures perspectives professionnelles. 

En revanche, les professions qui n'exigent pas des études universitaires ont mauvaise presse en Allemagne. Elles «souffrent d'un problème d'image et sont considérées comme peu prestigieuses», résume «Der Spiegel». L'institut Ifo tire la sonnette d'alarme: selon une récente étude, 77% des entreprises interrogées en Allemagne estiment qu'il est urgent de réformer la formation professionnelle, et 71% d'entre elles souhaitent une meilleure image. L'apprentissage serait perçu par de nombreux jeunes comme un second choix.

Le futur chancelier allemand, Friedrich Merz, a promis de s'engager pour que les jeunes soient davantage soutenus lors de leur entrée sur le marché du travail. Reste à voir ce que cela donnera. 

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L'Autriche a raté ses réformes

En Autriche aussi, le nouveau gouvernement veut passer à l'offensive pour revaloriser l'apprentissage et moderniser l'école professionnelle. L'organisation interprofessionnelle «Zukunft Lehre Österreich» ne mâche pas ses mots: «En Autriche, l'absence de réformes dans l'éducation et la priorité donnée à l'académisation nuisent depuis des décennies à l'attractivité de l'apprentissage.»

Bien que le système d'apprentissage ressemble à celui de la Suisse, il est moins prisé, précisait l'organisation dans une analyse de 2021. En Suisse, l'apprentissage est plus valorisé, car il bénéficie d'une meilleure image, et peut être plus facilement raccordé à l'enseignement supérieur. 

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Le big bang démographique impacte l'enseignement

Dans les deux pays voisins, les différences structurelles jouent également un rôle important. En Allemagne en particulier, le changement démographique accélère encore plus le déclin de l'apprentissage: la part des retraités augmente plus rapidement que le nombre de jeunes qui intègrent le marché de l'emploi. Une évolution également perceptible en Suisse, mais elle a pu être mieux amortie jusqu'à présent.

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La Suisse a transformé son système avec succès

A cela s'ajoute le fait que les réformes de l'apprentissage ont été mises en œuvre plus tôt dans notre pays. Avec la maturité professionnelle, les hautes écoles spécialisées et la formation professionnelle supérieure, la Suisse a sciemment œuvré pour renforcer la perméabilité de l'apprentissage, ont constaté en 2023 les chercheurs de l'Université de Saint-Gall. «Grâce à la maturité professionnelle, près de 60% de tous les étudiants des hautes écoles spécialisées suisses disposent aujourd'hui d'un diplôme de formation professionnelle.»

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Que doit faire la Suisse pour se préserver?

La Suisse est-elle à l'abri de ce déclin? Pas vraiment. Selon des experts en éducation, certaines tendances – comme le recul démographique ou la détérioration de l’image de l’apprentissage – pourraient aussi toucher le pays.

Mais il y a une différence: la Suisse a encore le temps d'agir. Les premières mesures sont déjà en cours, comme le grand projet «Attractivité de la formation professionnelle» lancé cette année par le Secrétariat d'Etat à l'éducation du conseiller fédéral Guy Parmelin. D'ici 2028, l'attrait et la visibilité de la formation professionnelle doivent encore être renforcés. 

En parallèle, des parlementaires font pression, avec un objectif: récompenser les entreprises qui proposent des places d'apprentissage. La conseillère nationale de l'Union démocratique du centre (UDC) Sandra Sollberger exige ainsi des «mesures de soutien ciblées», allant jusqu'à des déductions fiscales pour les entreprises formatrices. Le Conseil national a clairement adopté la motion de Sandra Sollberger, qui sera prochainement soumise au Conseil des Etats.

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