«Elles ne savent pas que cela existe»
Le tatouage du sein, une pratique encore très peu connue des patientes

Pour de nombreuses femmes, le tatouage du mamelon après une mastectomie est le seul moyen de revenir à une certaine normalité. Mais cela se fait bien souvent aux frais des patientes et beaucoup d'entre elles ne savent même pas que de telles opérations existent.
Publié: 10.12.2024 à 14:07 heures
|
Dernière mise à jour: 17.12.2024 à 17:19 heures
1/6
Virginie Castagner tatoue des aréoles mammaires chez des patientes qui ont dû être amputées de leur sein.
Photo: Philippe Rossier
RMS_Portrait_AUTOR_586.JPG
Céline Zahno

Le chemin après une mastectomie est souvent long et douloureux. Au bout de celui-ci, on trouve Virginie Castagner, Infirmière au Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV). Sa mission? Tatouer des mamelons.

«La cerise sur le gâteau, c'est ainsi que les femmes appellent parfois leurs tatouages», explique la professionnelle de la santé. Pour beaucoup, la visite chez elle est chargée d'émotion: «Le tatouage est la dernière étape de la guérison du cancer du sein. De nombreux souvenirs qu'elles avaient parfois refoulés refont surface.» Le tatouage porte aussi l'espoir d'un retour à la normalité: «Ces femmes osent à nouveau prendre une douche après le sport sans craindre le regard des autres. Elles ressentent aussi à nouveau plus de liberté dans leur sexualité.»

Une opération à la charge des patientes

En principe, le tatouage des mamelons doit être pris en charge par la caisse de maladie. Mais dans la réalité, ce n'est souvent pas le cas: les patientes paient le tatouage de leur poche ou ne savent même pas que cette opération est envisageable.

Pour que le tatouage soit remboursé, il doit être réalisé dans un cabinet médical ou à l'hôpital par un médecin ou un infirmier. Or, ils sont peu nombreux à savoir le faire. Cette pratique a reçu très peu de financement jusqu'à présent et, avec les tarifs actuels, les médecins ne peuvent pas facturer le tatouage de manière égale à sa dépense.

Bien que travaillant à Lausanne, Virginie Castagner reçoit des patientes de toute la Suisse romande. «Nous travaillons avec les hôpitaux de Neuchâtel, Fribourg, Valais et Nyon. Des patientes se déplacent même de Genève.»

«Il faut des personnes formées»

Caroline Rindlisbacher est présidente de l'Association suisse des professionnels du maquillage permanent. Pour elle, il est clair que cette situation doit changer. En raison du faible remboursement, de nombreux hôpitaux n'informeraient pas suffisamment les patientes. Celles-ci iraient alors dans un studio privé, où elles devraient évidemment payer elles-mêmes les frais, ou ne se feraient pas tatouer du tout.

«
Les médecins sont certes un peu artistes lorsqu'ils opèrent, mais pour bien tatouer la couleur et la forme d'un mamelon, il faut des personnes formées
Ingrid Bregenzer, tatoueuse
»

Ingrid Bregenzer tatoue des mamelons dans un magasin de cosmétiques. Elle constate aussi régulièrement que des tatouages sont réalisés «de manière inappropriée» par des médecins ou des femmes médecins. Les femmes viennent alors la voir pour que la forme et la couleur du tatouage soient améliorées. «Les médecins sont certes un peu artistes lorsqu'ils opèrent, mais pour bien tatouer la couleur et la forme d'un mamelon, il faut des personnes formées.»

Politiques et associations s'activent

Les choses pourraient désormais avancer sur deux fronts. Lundi, le Conseil national a adopté une intervention de la commission de la santé qui demande plus d'argent pour ces tatouages. Le Conseil fédéral a maintenant été chargé de «prendre toutes les mesures nécessaires pour que les tarifs Tarmed pour le tatouage de l'aréole mammaire soient revus et ainsi adaptés».

En outre, l'association professionnelle du maquillage permanent veut intervenir avant la fin de l'année auprès de l'Office fédéral de la santé publique (OFSP) afin d'obtenir une réglementation uniforme. L'objectif est d'obtenir une formation officielle qui permettrait ensuite de facturer le tatouage à la caisse d'assurance maladie et cela même s'il est réalisé dans des magasins de cosmétiques.

Virginie Castagner espère qu'à l'avenir, toutes les femmes qui le souhaitent trouveront le chemin qui leur convienne vraiment. Car en se réappropriant leur poitrine, les femmes peuvent se reconstruire aussi elles-mêmes après la maladie.

Découvrez nos contenus sponsorisés
Vous avez trouvé une erreur? Signalez-la